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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Reprise du Vaisseau fantôme de Wagner dans la mise en scène de Dmitri Tcherniakov et sous la direction d’Oksana Lyniv au festival de Bayreuth 2024.
Bayreuth 2024 (1) :
Vendetta
Production toujours modèle pour cette quatrième année du Vaisseau fantôme selon Dmitri Tcherniakov à Bayreuth. Une transposition qui ne brutalise jamais la dramaturgie, dans une ville côtière scandinave où le Hollandais vient se venger de la population qui jadis a poussé sa mère au suicide. Un propos servi par une équipe musicale engagée corps et âme.
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C’est un Festspielhaus chauffé à blanc qui accueille la troisième reprise du Vaisseau fantôme de Dmitri Tcherniakov, axé sur le retour vengeur du Hollandais sur les terres de son enfance. Pendant l’ouverture, la mise en scène déroule le préalable, réel ou fantasmé, à l’action. La mère du Hollandais, amoureuse de Daland, est rejetée par la population de sa ville côtière, qui de lazzi en humiliations, la pousse au suicide. Le jeune garçon la retrouvera pendue, contraint à ajuster les lacets de chaussures des jambes qui se balancent au-dessus de lui.
Des années plus tard, sous couvert de fraternisation, le Hollandais de retour amadoue les autochtones à coup de tournées payées au pub. Le pacte passé avec Daland, désormais en couple avec Mary, et qui ne reconnaît pas celui qui pourrait être son fils, expose à son insu Senta à une relation incestueuse. La jeune fille, rebelle, d’abord méfiante, se laisse finalement séduire par l’étranger au cours d’un repas à la direction d’acteur millimétrée.
Formidable mécanique théâtrale, avec ces éléments de décors pivotant pour mieux structurer l’espace de chaque scène, et l’élaboration d’un puissant crescendo dramatique aboutissant à la vengeance du Hollandais qui tue plusieurs habitants par arme à feu, avant de finir lui-même plombé par Mary, tandis que les bâtiments alentour sont ravagés par les flammes.
L’exécution musicale est au diapason, sans temps mort, grâce à la direction électrique et anguleuse d’Oksana Lyniv, constamment sur la relance et l’énergie. La jeune Ukrainienne prend des risques insensés dans une scène des fileuses transformée en répétition de chant choral au tempo cravaché, suivie au cordeau par les dames du chœur. Saluons ici l’engagement, la réactivité des forces chorales incomparables de Bayreuth qui, même resserrées en effectif par des contraintes budgétaires, font le job avec une abnégation totale.
La distribution est dominée par le Hollandais impérial de Michael Volle. Certainement pas un authentique Heldenbaryton, l’Allemand construit son incarnation avec la même montée en puissance que la mise en scène. D’abord prudent et porté sur l’intériorité, il ne laisse que mieux éclater sa noire vindicte deux heures plus tard, non sans avoir phrasé entre-temps son entame de Wie aus der Ferne comme un Lied de Schubert.
Elisabeth Teige fait valoir une personnalité trempée, Senta à l’émission ardente, au vibrato intense, mais le timbre presque constamment couvert d’un voile qui opacifie sa radiance et le texte. En ténor éconduit, Eric Cutler fait surtout valoir une projection bétonnée appuyée sur une technique assez sommaire. Georg Zeppenfeld, décevant en Hunding cet été dans le Ring, retrouve ici sa superbe, le naturel de sa voix franche et subtile, en Daland tout sauf butor.
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