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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Tristan et Isolde de Wagner dans une mise en scène de Thorleifur örn Arnarsson et sous la direction de Semyon Bychkov au festival de Bayreuth 2024.
Bayreuth 2024 (3) :
La cale aux souvenirs
Nouvelle production de Bayreuth 2024, le Tristan confié à Thorleifur Örn Arnarsson offre une plongée dans la mémoire à travers sa mise en scène sombre, proche de l’abstraction, qui laisse toute sa place à la musique, en totale adéquation avec la direction creusée et puissante de Semyon Bychkov, qui porte une belle distribution.
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Après le prosaïsme du Ring de Valentin Schwarz, on accueille avec soulagement ce nouveau Tristan de Bayreuth, certes davantage spectacle de plasticien que de véritable metteur en scène, mais qui propose une lecture par la scénographie laissant toute sa place à la mélancolie mortifère intrinsèque au chef-d’œuvre de Wagner.
Sur un plateau nu juste traversé de cordages, Isolde apparaît prise dans une robe de plusieurs mètres d’envergure dont elle se défera tout au long du I, au milieu de fumées chéraldiennes qu’on retrouvera au dernier acte, et dans un cadre visuel qui permet d’ouvrir grand les vannes de l’imaginaire, en suggérant toujours, en n’assénant jamais, les préludes rideau baissé
Après la scène de la torche, tout l’acte central se déroule dans une gigantesque cale de navire oxydée renfermant tel un grenier des dizaines de reliques du passé, les amants appelés à déambuler dans leurs souvenirs en une psychanalytique plongée dans la mémoire. Melot, d’une agressivité inouïe, y compris avec le roi Marke, n’aura pas à dégainer son arme ; Tristan avalera une fiole de poison.
Rongée par la corrosion, seule demeure enfin l’ossature de la cale avec les souvenirs effondrés, sur le tas desquels Tristan vit sa lente agonie, Isolde le rejoignant par le même Todestrank, face à un Kurwenal impuissant, hagard à l’avant-scène jusqu’au tomber de rideau. Un spectacle lent, dans une magnifique pénombre, proche du dépouillement, en dépit du bric-à -brac mémoriel.
En Isolde, Camilla Nylund a conservé la fraîcheur de ses incarnations straussiennes. Malgré une certaine atonie de la phrase et quelques plafonnements face à un rôle colossal dont elle maîtrise la tessiture, sa princesse d’Irlande offre nuances et rayonnement. En comparaison de son Parsifal tonitruant de l’été dernier, le Tristan d’Andreas Schager, sans doute canalisé par le chef, sait moduler son émission éclatante, et délivre une dynamique large, du murmure à l’éclat, avec cette franchise vocale qu’on lui connaît.
Christa Mayer est une Brangäne mûre et maternelle, à l’émission enveloppante, en rien jumelle de sa maîtresse, tout comme le Kurwenal d’Olafur Sigurdarson se fait écuyer paternel qui tente de conserver de l’espoir coûte que coûte. Un peu chahuté le soir de la première, Günther Groissböck, dont le timbre a toujours été plus naturellement celui d’un Baron Ochs, ne manque pour autant pas de noblesse en roi Marke déroulant son affliction avec une homogénéité juste contrecarrée visuellement par cette bouche qui se tord en tous sens.
Véritable pierre angulaire enfin que la direction de Semyon Bychkov, qui transcende l’Orchestre du Festival de Bayreuth avec une lecture dense, au magnifique legato de cordes, aux vents déchirants – quelle clarinette basse, quel cor anglais ! –, déroulant en quatre heures, toujours appuyé sur les graves mais sans la moindre pesanteur, la pâte sonore empoisonnée du drame wagnérien, avec un équilibre fosse-plateau proche de la perfection.
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Festspielhaus, Bayreuth Le 03/08/2024 Yannick MILLON |
| Nouvelle production de Tristan et Isolde de Wagner dans une mise en scène de Thorleifur örn Arnarsson et sous la direction de Semyon Bychkov au festival de Bayreuth 2024. | Richard Wagner (1813-1883)
Tristan und Isolde, action dramatique en trois actes (1865)
Livret du compositeur
Chor und Orchester der Bayreuther Festspiele
direction : Semyon Bychkov
mise en scène : Thorleifur Örn Arnarsson
décors : Vytautas Narbutas
costumes : Sibylle Wallum
Ă©clairages : Sacha Zauner
préparation des chœurs : Eberhard Friedrich
Avec :
Günther Groissböck (König Marke), Andreas Schager (Tristan), Camilla Nylund (Isolde), Christa Mayer (Brangäne), Olaf Siguardarsson (Kurwenal), Birger Radde (Melot), Matthew Newlin (Ein junger Seemann), Daniel Jenz (Ein Hirt), Lawson Anderson (Ein Steuermann). | |
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