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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Neuvième Symphonie de Mahler par l’Orchestre philharmonique de Vienne sous la direction d’Andris Nelsons au festival de Salzbourg 2024.
Salzbourg 2024 (1) :
Cosmopolis
Fabuleuse matinée d’orchestre pour ce deuxième programme symphonique estival de Wiener Philharmoniker stratosphériques, qui, sous la férule d’un Andris Nelsons aminci, au meilleur de sa légende, explorent les ambiguïtés d’une Symphonie n° 9 de Mahler en fascinant laboratoire sonore de la Vienne du tournant des XIXe et XXe siècle, au carrefour des influences.
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Jusqu’ici, le cycle mahlérien d’Andris Nelsons avec le Philharmonique de Vienne, égrené au rythme d’une symphonie par été à Salzbourg, avait connu une inspiration en dents de scie. Réjouissons-nous que tout ce qui coinçait l’an passé dans une Symphonie n° 5 témoin d’un « embonpoint spectaculaire », pour reprendre le mot de Thomas Deschamps, trouve dans la Neuvième un terrain d’accomplissement très supérieur, sous la houlette d’un chef letton plus libre de ses gestes.
Rappelons aussi que les préciosités de rubato, le morcellement de la ligne alors soulignés trouvent un écho beaucoup plus favorable dans l’écriture fractionnée, plus durchkomponiert de l’ultime symphonie achevée du compositeur autrichien. Nelsons parvient notamment comme peu d’autres aujourd’hui à unifier le gigantesque premier mouvement par une attention redoublée aux cellules rythmiques génératrices et une mise en exergue du motif énoncé d’abord par la harpe.
C’est aussi que le maestro, servi par l’orchestre Mitteleuropa par excellence, rend un hommage tout particulier à l’univers cosmopolite, hétéroclite même, de l’Empire des Habsbourg au bord de l’implosion qui irrigue cette symphonie-monde d’une heure trente. S’y côtoient la grande tradition beethovénienne du premier mouvement et l’étreignant romantisme finissant des grands adagios brucknériens, sans baguette pour mieux pétrir à pleines mains les brassées de cordes seules.
Mais aussi la vieille tradition du Ländler autrichien du deuxième mouvement et la mécanique infernale de la Révolution industrielle en marche du Rondo-Burleske. Partout, les timbales claquent, les vents feulent avec une présence, un relief presque corrosif renvoyant aux couleurs d’antan de la Philharmonie tchèque, sur des cordes de pure tradition germanique, en un fascinant festival de confrontation de timbres.
Le retour aux cuivres bouchés du motif générateur au Tempo I. subito mène droit à deux célèbres Op. 6 : les Six pièces pour orchestre de Webern, et plus encore les Trois pièces pour orchestre de Berg, tandis que les lacis post-climax du même Andante comodo liminaire aux altos et seconds violons regardent vers l’errance hagarde d’un Chostakovitch. Évocation d’un monde au bord du précipice.
Les mouvements centraux sont en revanche une ode, par-delà une articulation suprêmement maîtrisée, entre décontraction et rigueur, aux racines très terriennes de l’Autriche, où le rythme boite légèrement, où le tuba fait quelques incursions orphéoniques. Le tout s’interpénétrant dans un vaste melting-pot d’inspirations et d’influences, sans autre temps mort qu’une légère baisse de tension dans l’épisode central du Rondo. Déjà un miracle en soi…
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GroĂźes Festspielhaus, Salzburg Le 11/08/2024 Yannick MILLON |
| Neuvième Symphonie de Mahler par l’Orchestre philharmonique de Vienne sous la direction d’Andris Nelsons au festival de Salzbourg 2024. | Gustav Mahler (1860-1911)
Symphonie n° 9 en ré majeur
Wiener Philharmoniker
direction : Andris Nelsons | |
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