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CRITIQUES DE CONCERTS 21 décembre 2024

Nouvelle production de L’Idiot de Weinberg dans une mise en scène de Krzysztof Warlikowski et sous la direction d’Oleg Ptashnikov au festival de Salzbourg 2024.

Salzbourg 2024 (5) :
L’heure de Weinberg

© Bernd Uhlig

L’Idiot de Mieczyslaw Weinberg fait l’objet d’une production mémorable à Salzbourg, entre la mise en scène de Krzysztof Warlikowski revenant à la richesse du roman de Dostoïevski, une distribution parmi les plus incontestables entendues au Manège des rochers et la direction hautement dramatique d’Oleg Ptashnikov, assistant de Mirga Gražinytė-Tyla.
 

Felsenreitschule, Salzburg
Le 18/08/2024
Yannick MILLON
 



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  • Tirer un livret d’opĂ©ra de L’Idiot Ă©tait une gageure face Ă  la profusion de personnages, de situations, d’anecdotes et de digressions du roman fleuve de DostoĂŻevski. Alexander Medvedev a pourtant su dans les annĂ©es 1980 en condenser la dramaturgie pour le septième et dernier opĂ©ra de Weinberg, le compositeur n’ayant pu entendre qu’une version de chambre de son ouvrage crĂ©Ă© post-mortem Ă  l’OpĂ©ra de Mannheim en 2013.

    Pour pallier les ellipses du livret, Krzysztof Warlikowski donne une mise en scène hyper lisible qui reconstitue la richesse des thématiques du roman. Dans un décor unique lambrissé occupant toute la largeur de la Felsenreitschule, les quatre actes et dix scènes habitent l’espace sans temps mort, dans un monde où la science, des équations à l’anatomie, commence à grignoter le sacré – Le Christ mort de Holbein qui avait tant impressionné Dostoïevski, reproduit avec la pâleur d’un linceul en chair et en os sous l’original.

    De la scène initiale du train qui déplace latéralement les voyageurs sur le plateau à l’alcôve de Rogojine couverte de tapisseries et d’icônes, sur le lit de laquelle Nastasia Filippovna finira assassinée, des espaces mondains aux scènes intimistes, Warlikowski caractérise au mieux les situations et les personnages, réintégrant même le petit messager Kolia parmi les quelques personnages muets de l’opéra.

    L’entracte intervient au milieu de l’acte III, après la crise d’épilepsie du prince Mychkine, moment de théâtre crucifiant sur les accords déchaînés de l’orchestre. Le spectacle fait en outre de Lebedev une figure tenant moins du veule courtisan que d’un être attiré par les lumières de la scène, en homme-orchestre profondément artiste.

    © Bernd Uhlig

    Mirga Gražinytė-Tyla empêchée, c’est son assistant Oleg Ptashnikov qui prend le relais en fosse. L’Ukrainien donne une lecture hyper dramatisée, à l’opposé du ton chambriste de Thomas Sanderling à la création, remplissant le Manège des rochers avec un Philharmonique de Vienne séparé en deux blocs dans la fosse, dont les vents ont un impact sidérant. L’écriture tantôt raréfiée tantôt massive porte le drame avec une admirable variété de climats tout au long des trois heures quinze de l’opéra.

    Enfin, hormis Ausrine Stundyte qui s’enferme toujours plus dans une vocalité vampirique et outrée, le timbre en lambeaux, donnant une Nastasia Filippovna tièdement accueillie aux saluts, univoque en voix sinon en scène, le plateau est impeccable. Et très au-dessus de celui de la création, notamment pour l’Aglaïa de Xenia Puskarz Thomas, aussi dure et inflexible que jeune et rayonnante, et le Rogojine de Vladislav Sulimsky, âme torturée au timbre noir.

    Gania en jumeau vocal plus conquérant et impatient du prince, Lebedev aussi classieux que gouailleur, digne d’un Onéguine, Prince Mychkine de Bogdan Volkov dont le rayonnement christique sait se faire immatériel jusqu’au vertige, il est jusqu’à l’Affûteur de couteaux et à Varia, impeccablement dardés, de compléter une distribution qui sonne enfin l’heure de la reconnaissance pour Weinberg.




    Felsenreitschule, Salzburg
    Le 18/08/2024
    Yannick MILLON

    Nouvelle production de L’Idiot de Weinberg dans une mise en scène de Krzysztof Warlikowski et sous la direction d’Oleg Ptashnikov au festival de Salzbourg 2024.
    Mieczyslaw Weinberg (1919-1996)
    L’Idiot, opéra en quatre actes op. 144 (1987)
    Livret d’Alexander Medvedev d’après le roman de Dostoïevski

    Hommes du Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor
    Wiener Philharmoniker
    direction : Oleg Ptashnikov
    mise en scène : Krzysztof Warlikowski
    décors & costumes : Małgorzata Szczęśniak
    Ă©clairages : Felice Ross
    vidéo : Kamil Polak
    préparation des chœurs : Pawel Markowicz

    Avec :
    Bogdan Volkov (Prince Lev Nikolaïevitch Mychkine), Ausrine Stundyte (Nastasia Filippovna), Vladislav Sulimsky (Parfion Semionovitch Rogojine), Iouri Samoilov (Loukian Timofeevitch Lebedev), Clive Bayley (Général Ivan Feodorovitch Epantchine), Margarita Nekrasova (Elisabeta Prokofievna Epantchina), Xenia Puskarz Thomas (Aglaïa Ivanovna Epantchina), Jessica Niles (Alexandra Ivanovna Epantchina), Pavol Breslik (Gavrila (Gania) Ardalionovitch Ivolguine), Daria Strulia (Varvara (Varia) Ardalionova Ivolguina), Jerzy Butryn (Afanassi Ivanovitch Totzki), Alexandre Kravets (Affûteur de couteaux).

     


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