Invité de prestige, Renaud Capuçon a toujours manifesté une passion pour la musique de chambre et s’est adjoint le même soir à La Roque-d’Anthéron des interprètes qu’il connaît bien lors de deux concerts monothématiques. À ses côtés, la violoniste Anna Agafia Egholm, l’altiste Paul Zientara, la violoncelliste Stéphanie Huang (qui vient de rejoindre l’Orchestre de Paris) et les pianistes Lucas Debargue et Guillaume Bellom – un partenaire coutumier pour Renaud depuis le décès de Nicholas Angelich.

Le Trio op. 120 (1923), œuvre de l’ultima verba du compositeur (selon son biographe Jean-Michel Nectoux) possède une richesse thématique et recèle une tension intérieure transmise avec justesse par le violon expressif de Renaud Capuçon et l’alto mordoré de Paul Zientara, mais Lucas Debargue, sans doute en raison du peu de projection de son instrument – le piano Opus 102 de Stephen Paulello aux cordes parallèles – se trouve quelque peu relégué en dépit de l’acoustique très travaillée du lieu.

Cela se vérifie à nouveau avec l’exécution du Quintette pour piano et cordes n° 1 à la puissance symphonique proche de Schumann. Là encore, les cordes (avec l’appui d’Anna Agafia Egholm et de Stéphanie Huang) prennent leur envol (Allegro), laissant quelque peu en retrait le véloce Lucas Debargue (Rondo final) pour les raisons déjà évoquées.

En seconde partie, Guillaume Bellom, sur un Steinway, gagne en homogénéité dans les deux quatuors avec piano, remettant l’instrument à sa juste place sans posséder la même connaissance du clavier fauréen que Debargue. Dans le Quatuor n° 1, Anna Agafia Egholm apporte lumière et poésie par sa sonorité fine et subtile accordée à ses autres partenaires.

Très en verve, Capuçon mène la danse dans le Quatuor n° 2, assisté par des musiciens en totale osmose – superbe Adagio non troppo. L’élégance et le charme prévalent sans toujours plonger au tréfonds d’une âme tourmentée, mais l’impression d’ensemble est celle d’un artisanat de qualité.

Le matin, dans l’Auditorium Centre Marcel Pagnol, Lucas Debargue proposait un concert commenté de l’œuvre pour piano de Fauré dans un voyage permettant de mieux appréhender ses influences de jeunesse (Chopin, Mendelssohn, Liszt…), la période médiane aux harmonies en demi-teintes et aux chromatismes audacieux, et la dernière manière à la fois étrange, proche de l’abstraction.

Pédagogue convaincant, pianiste superlatif, à l’image de son enregistrement très réussi chez Sony de l’intégrale de la musique pour clavier de Fauré toujours sur le piano de Stephen Paulello, le soliste et conférencier, dans un exercice périlleux entre parole et musique, se montrait d’une persuasion communicative, rendant à Fauré la place qui lui revient.