Avec le temps, ce disciple de Vlado Perlemuter maintenant septuagénaire n’a rien perdu de cette élégance et des moyens pianistiques immenses qu’il a su déployer tout au long d’une carrière entrecoupée par un long chemin de chef d’orchestre. Dès la Sonate n° 52 de Haydn, le ton est donné sans pesanteur mais avec la recherche constante de profondeur derrière l’organisation formelle où l’art cache l’art.

Des Six Moments musicaux de Schubert on retiendra – outre des phrasés d’un naturel confondant – cette manière très personnelle de guider l’auditeur au fil d’états d’âme en perpétuel renouvellement. Retour à Haydn pour conclure cette première partie avec la Sonate n° 58 en deux mouvements, toute de charme dans ses variations et de finesse réjouissante dans le véloce Rondo final.

Après l’entracte, la nuit est tombée dans le Parc aux séquoias pluri-centenaires. Le soliste, avec intelligence, nous réserve une partie de cache-cache dont il a le secret. Aux Moissonneurs de François Couperin sublimement articulés où des sonorités de pianoforte semblent sortir du Steinway, succèdent sans transition les Mouvements perpétuels de Francis Poulenc qui nous mettent dans la confusion tant les deux compositeurs, au-delà des siècles, paraissent se rejoindre dans une forme d’improvisation évidente.

Il en ira de même par la suite avec Les Charmes associés à l’Improvisation 13 où ce pianiste sorcier trouble une nouvelle fois notre approche. La Sonate KV 158 de Domenico Scarlatti est un moment de grâce, mais qui aurait pensé que l’Hommage à Edith Piaf de l’auteur des Mamelles de Tirésias puisse faire aussi bon ménage avec elle ? Le subtil parfum poétique des Barricades mystérieuses rejoint le Deuxième Intermezzo et Mélancolie avec une variété de toucher si évocatrice de l’art de Poulenc.

En bis, le Menuet de la Sonatine de Ravel, tel un sortilège, rappelle que l’enchanteur Zacharias entretient avec Ravel une complicité qui là encore ne se dément pas. Presque hésitant, il revient sur scène pour un second bis avec Les tours de passe-passe du Quatrième Livre de Couperin, clin d’œil au public conquis par l’imagination d’un musicien aux semelles de vent.