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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 novembre 2024 |
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Nouvelle production de Tristan et Isolde de Wagner dans une mise en scène de Michael Thalheimer et sous la direction de Marc Albrecht au Grand Théâtre de Genève.
Les feux de la rampe
Après un Parsifal de symboles et d'hémoglobine, Michael Thalheimer revient à Genève avec un Tristan et Isolde minimaliste, aux confins de la simple mise en espace. La belle direction de Marc Albrecht anime une scène limitée à un concept qui fait long feu, Elisabet Strid dominant son sujet face à un Gwyn Hughes Jones aux abonnés absents.
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Lights, camera, action !
Vigueur et courants d’air
En passant par la mort
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Ce Tristan surprend par des éléments scéniques trop raréfiés et insistants pour parler réellement de scénographie. On est ici dans une tentative minimaliste qui cherche à imposer ses codes à un livret dont elle gomme un bon nombre d'aspérités et de détails. Le regard s'attarde sur ce mur de 260 projecteurs en fond de scène au I, basculant d'une position de surplomb à celle d'un pan incliné au III. Le symbole est ici cette lumière que fuient les deux amants pour mieux se réfugier dans la nuit de l'amour et de la mort. Inutile pourtant de décrypter d'autres symboles résultant d'un éclairage parfois parcellaire qui semblerait dessiner des messages codés.
Seule la variation de l'intensité lumineuse sert de ligne rouge à une lecture scénique à l'étiage – extinction à l'arrivée de Tristan au II, éclairage aveuglant dans une Liebestod saisie comme acmé vitale et amoureuse. Thalheimer inverse certains signes et situations comme par exemple cette esquisse de navire sous la forme d'un bloc noir tiré au bout d'un câble marin par Isolde durant le prélude du I et Tristan au III. Associés à une robe blanche au I et noire au III, ces quelques éléments attirent l'attention mais ne peuvent à eux seuls remplacer une direction d'acteurs d'une rare vacuité.
C'est donc tout naturellement qu'on dirigera notre attention vers la belle présence de la fosse dirigée par Marc Albrecht. Libéré d'un soutien à des situations et des idées sollicitant le drame, l'orchestre déploie des trésors de subtilité dans la conduite harmonique et de longues lignes suspendues parfaitement assumées par le chef allemand. Seuls les cors qui trébuchent dans les bois font mentir le sentiment d'une unité et d'un nappé instrumental où la fibre nourrie des cordes peint à fresque une narration aux dimensions d'épopée.
Elisabet Strid aborde Isolde avec des moyens qui ne cherchent pas à dissimuler certaines lacunes dans les contrastes ou la ténuité du timbre. Le personnage atteint une probité qui donne une belle présence à un caractère dominé par le simple amalgame de la couleur et de la fraîcheur mais, hélas, scéniquement encombré par une Liebestod sanguinolente (merci Chéreau) comme prolongement du malencontreux serment de sang qui le lie à Tristan.
Tristan, justement, est confié à un Gwyn Hughes Jones sans la prestance ni les aigus qui pourraient lui permettre de donner corps et sens à un texte qui, de toute évidence, semble le fuir. Par souci d'endurance, il limitera au III l'essentiel de ses interventions à des gestes vocaux et effets tentant de concentrer l'attention.
Audun Iversen réalise une belle prise de rôle en Kurwenal, avec l'énergie et l'assurance qui dessinent vocalement un personnage-miroir et un caractère central dans l'action. Autre belle débutante, la Brangäne de Kristina Stanek fait rapidement oublier quelques imprécisions dans ses premières interventions pour imposer un timbre très dense et contrasté. Tareq Nazmi revient à Genève avec un roi Marke plus convaincant que son Gurnemanz, capable de nuancer de belle manière un phrasé souple et généreux.
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