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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concert de l’Orchestre symphonique de Londres sous la direction d’Antonio Pappano avec le concours de la pianiste Yuja Wang à la Philharmonie de Paris.
Le train fantôme
Pour sa première tournée comme directeur musical du LSO, Sir Antonio Pappano tord les sonorités et exacerbe les phrasés d’une Première Symphonie de Gustav Mahler expressionniste. En première partie, Yuja Wang avait donné un Concerto pour piano en fa mineur de Frédéric Chopin qui faisait penser à tout sauf à son compositeur.
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Comme un ouragan. Non, Stéphanie de Monaco ne reprend pas sa carrière. Il s’agit de la manière dont Antonio Pappano débute son concert à la tête du LSO dont il est le nouveau directeur musical avec une rareté, l’Ouverture de concert de Szymanowski. Œuvre de jeunesse emphatique à l’inspiration straussienne assumée, elle regorge d’indications comme ecstatico, passionato, aguzzo et même stridente. Pappano en décuple les effets, prenant à bras le corps la pâte orchestrale. Il ne s’embarrasse pas d’un quelconque équilibre et produit une masse largement cuivrée aux répits aussi rares que brefs. Après cette introduction en forme de débouche-oreille, Yuja Wang le rejoint pour le Concerto pour piano n° 2 de Chopin.
La pianiste en propose une lecture très articulée et claire dans des tempi allants. En découpant les longues phrases en petits groupes, elle donne au premier mouvement un ton dramatique, presque fantasmagorique à la Schumann. Le Larghetto éthéré confirme une approche qui ignore la veine belcantiste de ces pages alors que le dernier mouvement tourne le dos à ses racines folkloriques avec des ruptures modernistes.
L’effet étrange de cette interprétation tout en nerfs et subtilités ressort d’autant que Pappano se contente d’un accompagnement pour le moins rustique et relâché, pour ne pas dire inadapté. Le premier bis, la Valse op. 64 n° 2 jouée comme du Rachmaninov offre un exemple supplémentaire de ce Chopin à rebours. Le public exulte enfin lorsque Wang offre son fameux Precipitato de la Sonate n° 7 de Prokofiev avec Pappano en tourneur de pages... de tablette !
En deuxième partie de soirée, la Titan de Mahler voit le retour du maestro déchaîné. D’une introduction légèrement mal sonnante émergent des appels impérieux. Pappano peint à grands traits un éveil dans un style qui évoque moins la peinture Jugendstill que celle d’Oskar Kokoschka. Les chants des oiseaux de cette forêt semblent découper l’air comme le cri d’inquiétants ptérodactyles. Le chef attaque avec brutalité le Kräftig bewegt au point d’en gommer toute référence autrichienne et de mettre la cohérence orchestrale en danger, pas très loin d‘un chaos généralisé.
Le plus étonnant dans le choix de cette lecture pour le moins expressionniste consiste en son caractère univoque alors que cette musique cultive l’ambivalence ou les contrastes. Le chef britannique accentue également le trait du troisième mouvement. Le solo de la contrebasse évoque la plainte d’un éléphanteau perdu et les passages parodiques qui suivent perdent leur caractère sous l’effet de soufflets démesurés. À ce jeu de l’excès, le dernier mouvement souffre bien évidemment le moins.
Pour autant, comment ne pas se désoler d’entendre les magnifiques musiciens de l’orchestre abandonner toute nuance, à l’instar des percussionnistes méconnaissables, pour n’offrir au public ravi qu’une attraction foraine ?
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Philharmonie, Paris Le 16/09/2024 Thomas DESCHAMPS |
| Concert de l’Orchestre symphonique de Londres sous la direction d’Antonio Pappano avec le concours de la pianiste Yuja Wang à la Philharmonie de Paris. | Karol Szymanowski (1882-1937)
Ouverture de concert en mi majeur, op. 12 (1905)
Frédéric Chopin (1810-1849)
Concerto pour piano n° 2 en fa mineur, op. 21 (1829)
Yuja Wang, piano
Gustav Mahler (1860-1911)
Symphonie n° 1 en ré majeur « Titan » (1888)
London Symphony Orchestra
direction : Antonio Pappano | |
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