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CRITIQUES DE CONCERTS 21 décembre 2024

Nouvelle production d’Aïda de Verdi dans une mise en scène de Philipp Himmelmann sous la direction de Pierre Bleuse à l'Opéra de Rouen Normandie.

Lutte des classes
© Fred Margueron

Cette Aïda à l'Opéra de Rouen emprunte à une lecture sociale assez appuyée des codes qui font du personnage une petite main au service d'une société dominante. La lecture puissante de Pierre Bleuse prend le relai d'Adam Smith et Joyce El-Khoury dans les rôles principaux, mettant en valeur d'autres interprètes comme Nikoloz Lagvilava et Iryna Kyshliaruk.
 

Opéra Rouen Normandie, Rouen
Le 27/09/2024
David VERDIER
 



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  • Philipp Himmelmann opte pour son AĂŻda de plusieurs clĂ©s de lecture, Ă  commencer par des Ă©lĂ©ments sociologiques qui montrent l'esclave Ă©thiopienne en femme de mĂ©nage d'une princesse issue de la bonne sociĂ©tĂ© Ă©gyptienne contemporaine. D'autres marqueurs sociaux surlignĂ©s Ă  l'extrĂŞme frisent parfois une Ă©paisseur sĂ©mantique dangereuse quand il s'agit de montrer ces parvenus et autres nouveaux riches fĂŞter leur victoire au son des cĂ©lèbres trompettes, sous une pluie de dollars qu'ils tentent d'attraper avec aviditĂ©. Le dĂ©cor est volontairement stylisĂ© en un demi-cercle fermĂ© par les mĂŞmes modèles de projecteurs qui servaient au Tristan de Genève il y a deux semaines.

    L'ensemble demeure intemporel, avec des interprètes masculins en uniformes militaires très carseniens et assez peu de distinction entre les protagonistes du conflit. Au centre du plateau, un vilain rocher présente en plan incliné le lit fatal, lieu des amours de Radamès et Aïda et objet du courroux d'Amnéris. L'introduction et la conclusion se servent de cette image pour rappeler cette idée assez efficace d'une boucle narrative qui s'ouvre et se referme. Les chorégraphies alternent entre raideur et banalité, dessinant un ruban illustratif qui peine toutefois à détourner d'un ennui envahissant.

    Les forces vocales en présence présentent des bonheurs divers, à commencer par un Adam Smith audiblement plus à l'aise que dans les atours étriqués de son Pinkerton aixois. La vigueur volontaire avec laquelle il empoigne son Celeste Aida peine cependant à s'attendrir sur la durée dans le phrasé et la projection pour laisser filtrer une once d'italianità.

    L'Aida de Joyce El-Khoury doit attendre la seconde partie pour faire entendre des modulations qui échappent enfin à la rigueur d'une ligne sous surveillance et d'un timbre malaisé dans les passages nécessitant une puissance et une surface vocales supérieures (Ritorna vincitor). L'Amnéris d'Alisa Kolosova triomphe logiquement d'un rôle dont elle maîtrise les enjeux et les couleurs pour réussir à en saisir le caractère. Elle est suivie de près par Iryna Kyshliaruk, noble et qualitative interprète qu'on aimerait retrouver dans un rôle plus étoffé que celui de la Grande-Prêtresse.

    Amonasro est tenu de main de maître par Nikoloz Lagvilava, d'un aplomb et d'un abattage à toute épreuve qui tranchent avec le Ramfis en demi-teinte d'Adolfo Corrado et un bien terne Roi d'Égypte signé Emanuele Cordaro. Saluons également le Messager énergique et tranchant de Néstor Galván, une voix à suivre assurément.

    Pierre Bleuse ne ménage pas ses efforts pour donner à Verdi une dimension et une lisibilité qui, paradoxalement, écourtent les élans et mettent parfois en difficulté certains ensembles (Vieni, o diletta, appressati...). La direction se fait progressivement moins anguleuse et véhémente pour offrir en seconde partie des moments plus nuancés et un final très bien tenu.




    Opéra Rouen Normandie, Rouen
    Le 27/09/2024
    David VERDIER

    Nouvelle production d’Aïda de Verdi dans une mise en scène de Philipp Himmelmann sous la direction de Pierre Bleuse à l'Opéra de Rouen Normandie.
    Giuseppe Verdi (1813-1901)
    Aïda, opéra en quatre actes (1871)
    Llivret d’Antonio Ghislanzoni

    Chœur accentus / Opéra de Rouen Normandie
    Orchestre de l’Opéra de Rouen Normandie
    Orchestre RĂ©gional de Normandie
    direction : Pierre Bleuse
    mise en scène : Philipp Himmelmann
    scénographie : David Hohmann
    costumes : Lili Wanner
    éclairages : Fabiana Piccioli, François Thouret
    vidéo : Tieni Burkhalter
    chorégraphie : Kristian Lever

    Avec :
    Joyce El-Khoury (Aida), Adam Smith (Radamès), Alisa Kolosova (Amneris), Adolfo Corrado (Ramfis), Nikoloz Lagvilava (Amonasro), Emanuele Cordaro (Le Roi d’Égypte), Néstor Galván (Un Messager), Iryna Kyshliaruk (La Grande-Prêtresse).

     


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