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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production d’Aïda de Verdi dans une mise en scène de Philipp Himmelmann sous la direction de Pierre Bleuse à l'Opéra de Rouen Normandie.
Lutte des classes
Cette Aïda à l'Opéra de Rouen emprunte à une lecture sociale assez appuyée des codes qui font du personnage une petite main au service d'une société dominante. La lecture puissante de Pierre Bleuse prend le relai d'Adam Smith et Joyce El-Khoury dans les rôles principaux, mettant en valeur d'autres interprètes comme Nikoloz Lagvilava et Iryna Kyshliaruk.
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Philipp Himmelmann opte pour son Aïda de plusieurs clés de lecture, à commencer par des éléments sociologiques qui montrent l'esclave éthiopienne en femme de ménage d'une princesse issue de la bonne société égyptienne contemporaine. D'autres marqueurs sociaux surlignés à l'extrême frisent parfois une épaisseur sémantique dangereuse quand il s'agit de montrer ces parvenus et autres nouveaux riches fêter leur victoire au son des célèbres trompettes, sous une pluie de dollars qu'ils tentent d'attraper avec avidité. Le décor est volontairement stylisé en un demi-cercle fermé par les mêmes modèles de projecteurs qui servaient au Tristan de Genève il y a deux semaines.
L'ensemble demeure intemporel, avec des interprètes masculins en uniformes militaires très carseniens et assez peu de distinction entre les protagonistes du conflit. Au centre du plateau, un vilain rocher présente en plan incliné le lit fatal, lieu des amours de Radamès et Aïda et objet du courroux d'Amnéris. L'introduction et la conclusion se servent de cette image pour rappeler cette idée assez efficace d'une boucle narrative qui s'ouvre et se referme. Les chorégraphies alternent entre raideur et banalité, dessinant un ruban illustratif qui peine toutefois à détourner d'un ennui envahissant.
Les forces vocales en présence présentent des bonheurs divers, à commencer par un Adam Smith audiblement plus à l'aise que dans les atours étriqués de son Pinkerton aixois. La vigueur volontaire avec laquelle il empoigne son Celeste Aida peine cependant à s'attendrir sur la durée dans le phrasé et la projection pour laisser filtrer une once d'italianità .
L'Aida de Joyce El-Khoury doit attendre la seconde partie pour faire entendre des modulations qui échappent enfin à la rigueur d'une ligne sous surveillance et d'un timbre malaisé dans les passages nécessitant une puissance et une surface vocales supérieures (Ritorna vincitor). L'Amnéris d'Alisa Kolosova triomphe logiquement d'un rôle dont elle maîtrise les enjeux et les couleurs pour réussir à en saisir le caractère. Elle est suivie de près par Iryna Kyshliaruk, noble et qualitative interprète qu'on aimerait retrouver dans un rôle plus étoffé que celui de la Grande-Prêtresse.
Amonasro est tenu de main de maître par Nikoloz Lagvilava, d'un aplomb et d'un abattage à toute épreuve qui tranchent avec le Ramfis en demi-teinte d'Adolfo Corrado et un bien terne Roi d'Égypte signé Emanuele Cordaro. Saluons également le Messager énergique et tranchant de Néstor Galván, une voix à suivre assurément.
Pierre Bleuse ne ménage pas ses efforts pour donner à Verdi une dimension et une lisibilité qui, paradoxalement, écourtent les élans et mettent parfois en difficulté certains ensembles (Vieni, o diletta, appressati...). La direction se fait progressivement moins anguleuse et véhémente pour offrir en seconde partie des moments plus nuancés et un final très bien tenu.
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Opéra Rouen Normandie, Rouen Le 27/09/2024 David VERDIER |
| Nouvelle production d’Aïda de Verdi dans une mise en scène de Philipp Himmelmann sous la direction de Pierre Bleuse à l'Opéra de Rouen Normandie. | Giuseppe Verdi (1813-1901)
Aïda, opéra en quatre actes (1871)
Llivret d’Antonio Ghislanzoni
Chœur accentus / Opéra de Rouen Normandie
Orchestre de l’Opéra de Rouen Normandie
Orchestre RĂ©gional de Normandie
direction : Pierre Bleuse
mise en scène : Philipp Himmelmann
scénographie : David Hohmann
costumes : Lili Wanner
éclairages : Fabiana Piccioli, François Thouret
vidéo : Tieni Burkhalter
chorégraphie : Kristian Lever
Avec :
Joyce El-Khoury (Aida), Adam Smith (Radamès), Alisa Kolosova (Amneris), Adolfo Corrado (Ramfis), Nikoloz Lagvilava (Amonasro), Emanuele Cordaro (Le Roi d’Égypte), Néstor Galván (Un Messager), Iryna Kyshliaruk (La Grande-Prêtresse). | |
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