|
|
CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
|
Concert de l’Orchestre philharmonique de Rotterdam sous la direction de Lahav Shani, avec le concours de la pianiste Martha Argerich au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
Respiration vitale
Martha Argerich en pleine forme réussit son retour au Concerto n° 3 de Bartók, accompagnée avec dévotion par Lahav Shani, qui montre aussi de l'habileté à mener son Orchestre philharmonique de Rotterdam dans une Nouveau Monde de Dvořák d’un classicisme éloquent. La nouvelle conque de concert du TCE apporte une certaine profondeur et plus d’équilibre à son acoustique.
|
|
Bons baisers d’Eltsine
RĂ©gal ramiste
L'Étrange Noël de Mrs Cendrillon
[ Tous les concerts ]
|
Comme tant d’autres compositeurs de notre temps, Joey Roukens pratique un langage éclectique, mêlant tonalité et atonalité. Son ouverture Con spirito créée il y a deux jours à Rotterdam met en pratique cette liberté. Elle cultive aussi le mélange des genres d’autant que le musicien pratique aussi la pop et s’intéresse au gamelan de Java.
Sans doute l’œuvre est-elle de bonne facture, élancée et joyeuse, mais lorsqu’on l’écoute en ayant à l’esprit que du Bartók va suivre, sa rythmique apparaît en comparaison d’une facilité qui confine à la musique de variété En quelques mesures, le Concerto pour piano n° 3 dissipe cet effet et fait oublier cette juxtaposition malheureuse.
Avec une grâce de funambule, Martha Argerich en développe les figures mélodiques. La pianiste saisit parfaitement l’esprit de conversation enjouée de ces pages auquel l’orchestre de Lahav Shani répond avec soin et une certaine stylisation qui rappelle le Concerto pour orchestre du même compositeur. L’Adagio dont le qualificatif religioso ne manque pas de questionner de la part d’un athée convaincu voit Argerich commencer avec une simplicité troublante pour atteindre progressivement dans l’hommage à Bach une ferveur puissante.
Shani respire avec elle et sertit son jeu de reflets nocturnes presque ravéliens. C’est d’ailleurs toute la force de ce chef-d’œuvre que de pouvoir se prêter à des interprétations s’éloignant quelque peu de ses racines magyares. Après cet épisode d’apaisement spirituel, le dernier mouvement évoque une véritable soif de vivre, et les interprètes déploient une grande motricité sans jamais perdre la respiration commune qui décuple l’effet de cet élan vital.
La pianiste revient radieuse pour un Traumes Wirren de Schumann dont elle a le secret. Le chef la rejoint au piano pour interpréter Le Jardin féérique de Ma mère l’oye de Ravel où la musique se pare d’un sourire énigmatique. Après l’entracte, le chef revient pour la Symphonie n° 9 de Dvořák. Comme dans Bartók, il ne cherche pas à faire passer le Philharmonique de Rotterdam pour une formation d’Europe centrale.
Shani cultive en outre un équilibre à mille lieues de la grandiloquence et du pittoresque que ne résistent pas à y mettre nombre de ses confrères. Dès le premier mouvement, son approche frappe par des proportions et des tempos mesurés qui n’entravent en rien l’expression mélodique. Le Largo s’épanouit pleinement dans un clair-obscur orchestral jamais figé.
Sous sa baguette, la formation batave retrouve notamment chez les vents une qualité de jeu qu’elle n’avait pas toujours lors de ses dernières visites parisiennes. Les deux derniers mouvements confirment ce constat : l’orchestre ne perd jamais le cantabile essentiel à ces formes mélodiques cycliques.
| | |
|
Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 28/09/2024 Thomas DESCHAMPS |
| Concert de l’Orchestre philharmonique de Rotterdam sous la direction de Lahav Shani, avec le concours de la pianiste Martha Argerich au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | Joey Roukens (*1982)
Con Spirito, ouverture pour orchestre (2024)
BĂ©la BartĂłk (1881-1945)
Concerto pour piano et orchestre n° 3, Sz 119, BB 127 (1945)
Martha Argerich, piano
AntonĂn Dvořák (1841-1904)
Symphonie n° 9 en mi mineur op. 95, « du Nouveau Monde » (1893)
Orchestre philharmonique de Rotterdam
direction : Lahav Shani | |
| |
| | |
|