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CRITIQUES DE CONCERTS 21 décembre 2024

RĂ©cital de JoaquĂ­n AchĂşcarro dans le cadre du 45e Festival Piano aux Jacobins, Toulouse.

Achúcarro défie le temps
© Jean-Baptiste Millot

Au soir de sa carrière, le pianiste espagnol Joaquín Achúcarro, né à Bilbao en 1932 et grand familier du festival toulousain Piano aux Jacobins, se remémore dans cet émouvant récital célébrant la quarante-cinquième édition de la manifestation, les partitions qui ont jalonné sa vie exemplaire de musicien. L’impression de vivre un véritable rêve éveillé.
 

Cloître du Couvent des Jacobins, Toulouse
Le 27/09/2024
Michel LE NAOUR
 



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  • Grand d’Espagne, adulĂ© dans le monde entier – une salle de l’UniversitĂ© de Dallas oĂą il enseigne depuis plus d’un quart de siècle porte son nom –, JoaquĂ­n AchĂşcarro a souvent Ă©tĂ© ignorĂ© des grandes scènes parisiennes. InvitĂ© Ă  sept reprises par Piano aux Jacobins depuis 1994, il retrouve Ă  l’aube de ses 92 ans le cloĂ®tre historique qui n’a plus de secret pour lui. Cet ami d’Alicia de Larrocha, interprète majeur des Nuits dans les jardins d’Espagne de De Falla possède un large rĂ©pertoire qui traverse toute l’histoire de la musique pour clavier.

    Son récital célèbre ses chers compagnons de voyage, et seule la durée du concert l’oblige à abandonner des compositeurs fétiches tels Schumann ou Mompou. Légèrement handicapé par une chute récente au Festival de Verbier mais toujours aussi enthousiaste, il s’empare d’emblée du micro pour présenter tour à tour les œuvres qu’il a sélectionnées avec soin.

    Dès que ses mains se posent sur le clavier, la magie opère dans la Toccata BWV 564 de Bach, une offrande à la puissance contenue et d’une intériorité toute patricienne, laissant entendre des sonorités d’orgue. De Brahms, les deux Intermezzi en la mineur puis la majeur qui ouvrent les Op. 118 restent dans le même climat, et le dosage des nuances dans des tempi qui ne pressent jamais le pas l’emportent sur les effets.

    Hommage à la musique française avec Ondine du Gaspard de la nuit de Ravel, l’un des chevaux de bataille du soliste. Après sa lecture du poème d’Aloysius Bertrand faite dans ce français à l’accent inimitable, ses doigts arachnéens créent une féérie impalpable où l’art d’utiliser à bon escient la pédale tient du miracle.

    Debussy ensuite dans deux Préludes : La Puerta del vino se balance sur un rythme évocateur tandis que Feux d’artifice témoigne de la vélocité d’un pianiste qui, aujourd’hui encore, pratique quotidiennement son instrument sans jamais se lasser. Cet humble serviteur de la musique espagnole fait flèche de tout bois dans El Puerto d’Albéniz et dégage toute la sensualité de La Jeune fille et le rossignol (Goyescas n° 4) de Granados où les trilles s’élèvent, impalpables, dans les hauteurs de la salle capitulaire.

    Autre moment de grâce avec la Fantaisie-Impromptu de Chopin, d’un romantisme quintessencié ; le Nocturne n° 20, belcantiste, d’une poésie ineffable et d’une suprême élégance de ton, puis la Polonaise Héroïque, d’un engagement juvénile qui, malgré quelques rares maladresses digitales bien compréhensibles, ne cesse d’étonner. Le public debout se refuse à quitter cet interprète qui, durant une heure et demie, vient de délivrer un message aux semelles de vent.

    En bis, le Notturno op. 54 n° 4 de Grieg (dont la grand-mère d’Achúcarro fut la cousine) frappe par son legato subtil, le Prélude op. 3 n° 2 de Rachmaninov est d’une progression savamment distillée. Pour conclure, le Prélude et Nocturne pour la main gauche op. 9 de Scriabine rejoint les étoiles par la science d’un toucher à la fois ample et moelleux. Décidément, le sablier du temps ne semble pas avoir de prise sur Joaquín Achúcarro.




    Cloître du Couvent des Jacobins, Toulouse
    Le 27/09/2024
    Michel LE NAOUR

    RĂ©cital de JoaquĂ­n AchĂşcarro dans le cadre du 45e Festival Piano aux Jacobins, Toulouse.
    Jean-SĂ©bastien Bach (1685-1750)
    Toccata en ut majeur BWV 564
    Johannes Brahms (1833-1897)
    Klavierstücke op. 118 n° 1 et 2
    Maurice Ravel (1875-1937)
    Ondine
    Claude Debussy (1862-1918)
    La Puerta del vino
    Feux d’artifice
    Enrique Granados (1867-1916)
    La Jeune fille et le rossignol
    Isaac Albéniz (1860-1909)
    El Puerto
    Frédéric Chopin (1810-1849)
    Fantaisie-Impromptu en ut# op. 66
    Nocturne n° 20 en ut# mineur op. posthume
    Polonaise HĂ©roĂŻque op. 53
    Edvard Grieg (1843-1907)
    Notturno op. 54 n° 4
    SergueĂŻ Rachmaninov (1873-1943)
    Prélude op. 3 n°2 en ut# mineur
    Alexandre Scriabine (1872-1915)
    Prélude et Nocturne pour la main gauche op. 9
    JoaquĂ­n AchĂşcarro, piano

     


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