|
|
CRITIQUES DE CONCERTS |
26 décembre 2024 |
|
Nouvelle production de Sancta Susanna d’Hindemith, du Château de Barbe-Bleue de Bartók et de La Danse de Mort de Honegger dans une mise en scène d’Anthony Almeida et sous la direction de Sora Elisabeth Lee à l’Opéra national de Lorraine.
Trois figures de la transgression
Avec une belle inventivité, l’Opéra national de Lorraine propose à Nancy le spectacle Héroïne, une trilogie mettant en regard les trois figures féminines de la Sancta Susanna de Hindemith, du Barbe-Bleue de Bartók et de La Danse des morts de Honegger dans une mise en scène, une distribution vocale et une direction musicale au cordeau.
|
|
Bons baisers d’Eltsine
Chambre déséquilibrée
RĂ©gal ramiste
[ Tous les concerts ]
|
Au départ, l’idée n’allait pas de soi consistant à associer trois protagonistes femmes en quête d’absolu qui se lovent dans des univers éloignés. Au cloître, au château ou à l’enfer répondent les partitions de Hindemith (Sancta Susanna), de Bartók (Le Château de Barbe-Bleue) ou de (La Danse des morts) si différentes de style et de forme (deux opéras en un acte et un oratorio).
Toutefois, un fil rouge parcourt l’ensemble du spectacle construit sur des réminiscences avec, d’entrée, la présence d’une petite fille qui réapparaît continûment lors des avatars de l’existence puis renaît in fine tel un symbole de la pureté originelle. La mise en scène d’Anthony Almeida se veut volontiers discrète et des lumières installent des atmosphères contrastées. Le décor unique constitué d’un plateau tournant a le mérite de ne pas gêner l’évolution des personnages, mais le bruit qu’il provoque peut parfois couvrir la musique (fin de La Danse des morts). Les voix savamment distribuées contribuent à créer cette impression de continuité entre les trois ouvrages.
Avec Sancta Susanna, œuvre de jeunesse de Hindemith, la sensualité et l’expressionnisme donnent le ton. Le sujet en soi provocateur (la nature érotique de l’adoration de l’héroïne enlacée au Christ en croix) est magnifiquement servi par une écriture ondoyante d’un lyrisme contrôlé qui annonce les opéras à venir – en 1926 Cardillac d’après Hoffmann. Anaïk Morel, au timbre épanoui, incarne le rôle-titre avec une efficacité et une théâtralité conduisant à un apogée quasi tellurique. Prestation très appréciée également de Rosie Aldridge en Klementia, la religieuse âgée.
Sans transition, le Barbe-Bleue de Bartók – dont est supprimé le prologue du récitant hongrois – devient un huis-clos oppressant où les acteurs sont mis à nu. Obsessionnelle, la Judith radieuse et brûlante de Rosie Aldridge, voix projetée sans effort, harcèle son époux servi par le chant profond de Joshua Bloom, plus fragile et torturé que de coutume, souffrant dans sa chair.
Après l’entracte, dans La Danse des morts se répondent la Mort et la Vie jusqu’à la Résurrection. Apolline Raï-Westphal (soprano) et Anaïk Morel (alto), très engagées, figurent de manière suggestive les affres de la douleur face à Yannis François (baryton) plus terne. Les chœurs, souvent sollicités par Honegger, possèdent une transparence et un équilibre qu’il faut saluer face à la difficulté d’une écriture savante et polyphonique – en particulier dans la farandole sur des airs populaires, ronde macabre où défilent les puissants.
La cheffe coréenne Sora Elisabeth Lee tient de bout en bout cette trilogie avec une maîtrise dramatique, sait doser les nuances et porter les musiciens de l’Orchestre national de Lorraine à leur acmé. Le sens de la narration et la tension sous-jacente sont toujours présents et donnent toute sa valeur à cette production d’une remarquable unité.
| | |
|
Opéra, Nancy Le 08/10/2024 Michel LE NAOUR |
| Nouvelle production de Sancta Susanna d’Hindemith, du Château de Barbe-Bleue de Bartók et de La Danse de Mort de Honegger dans une mise en scène d’Anthony Almeida et sous la direction de Sora Elisabeth Lee à l’Opéra national de Lorraine. | Paul Hindemith (1895-1963)
Sancta Susanna, opéra en un acte (1922)
Livret d’August Stramm
BĂ©la BartĂłk (1881-1945)
Le Château de Barbe-Bleue, opéra en un acte (1918)
Livret de Béla Balázs
Arthur Honegger (1892-1955)
La Danse des morts, oratorio (1940)
Livret de Paul Claudel d’après des textes bibliques
Avec :
Hindemith : Anaïk Morel (Sancta Susanna), Rosie Aldridge (Klementia), Apolline Raï-Westphal (une Servante), Yannis François (un Valet), Séverine Maquaire (une Vieille Religieuse).
BartĂłk :
Joshua Bloom (Barbe-Bleue), Rosie Aldridge (Judith).
Honegger :
Apolline Raï-Westphal (soprano), Anaïk Morel (alto), Yannis François (baryton), Claire Wauthion (Catherine). | |
| |
| | |
|