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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 novembre 2024 |
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Nouvelle production de La Clémence de Titus de Mozart dans une mise en scène de Milo Rau et sous la direction de Tomáš Netopil au Grand Théâtre de Genève.
Opéra sérieux
Spectacle complexe qui tient de la performance et de la lecture participative de l'actualité, cette Clémence de Titus présentée par le metteur en scène suisse Milo Rau au Grand Théâtre de Genève pourra diviser mais garde le mérite de ne pas laisser indifférent. La qualité de la distribution l'emporte sur la battue trop distanciée de Tomáš Netopil.
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Lights, camera, action !
Vigueur et courants d’air
En passant par la mort
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Créé en 2021 dans un Grand Théâtre contraint par la crise sanitaire à le diffuser en streaming, ce spectacle de Milo Rau rencontre enfin son (vrai) public. Le metteur en scène suisse use d'une lecture politique qui repose sur une superposition de l'œuvre avec le contexte historique de sa création, à savoir le couronnement de Leopold II à Prague en 1791. Il met à l'index le retour de Mozart à la forme ancienne de l'opera seria et cette célébration de l'absolutisme politique, deux ans après la Révolution française.
C'est surtout la question du pouvoir et le statut de la fameuse clémence qui sont analysés ici, sous un angle éminemment politique où la décision se projette dans une réalité et une actualité brûlante. Titus reste un autocrate, il ne pardonne pas, il ne cède pas une once de son pouvoir politique. Sa clémence est une confirmation de l'ordre hiérarchique établi.
Milo Rau en fait le héros d'un spectacle complexe où les couches d'interprétation se superposent sans toujours produire le résultat escompté comme en témoigne l'inutile argument-métaphore du programme de salle qui fait des protagonistes les survivants d'un « futur post-apocalyptique marqué par la récente éruption d'un volcan ».
On pourra trouver plus intéressants le contraste volontaire entre le pouvoir d'un art contemporain réduit à une aristocratie chic et toc (Vitellia en Marina Abramović (!), Publio en béret Chanel, Titus en galeriste…) et celui des figurants dont l'histoire personnelle témoigne des malheurs de l'Histoire et de l'actualité. Le surtitrage donne parfois à lire le récit de leur vie et de celle des interprètes dont le visage apparaît en gros plan sur des images captées et diffusées en direct sous une grand banderole affirmant avec ambiguïté : KUNST IST MACHT (l'art est le pouvoir).
Il faut saluer une distribution capable de faire exister un chant mozartien qui pourrait légitimement s'ajouter à la liste déjà longue des dénonciations socio-historiques de cette Clémence. La voix souple et pleine de Maria Kataeva compose un Sesto de tout premier plan, là où Yuliia Zasimova séduit en Servilia par l'élégance du phrasé et des aigus. En difficulté sur Deh se piacer mi vuoi, Serena Farnocchia (Vitellia) impose dans la seconde partie une ligne et une projection d'une belle autorité face au Titus de Bernard Richter, trop raide de timbre et d'agilité dans le périlleux Se all'impero.
Giuseppina Bridelli donne à Annio un souffle et une émotion qui manquent par moments au sobre Publio de Justin Hopkins. Le Chœur du Grand Théâtre et l'Orchestre de la Suisse Romande sont placés sous la baguette émolliente de Tomáš Netopil. Trop neutre dans les pages où l'action prend le pas sur les soliloques du pouvoir, il fait de l'explication de texte dans des moments où l'émotion cherche à percer la dramaturgie.
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