Le quatrième opéra de George Benjamin écrit sur un livret de Martin Crimp arrive à Paris après sa création en juillet 2023 au festival d’Aix-en-Provence, sa reprise au Linbury Theater de Londres en septembre 2023 et sa reprise à Strasbourg en septembre dernier. Précédée d’une rumeur enthousiaste et fervente, cette fable onirique contant la quête initiatique d’une femme cherchant à ranimer à la vie son jeune enfant ne déçoit pas.

Le livret de Crimp combinant plusieurs fables et sources force l’admiration par sa ciselure entre simplicité et raffinements cruels. Il a inspiré à Benjamin une musique de très haute qualité notamment au niveau de la prosodie qui sonne avec un naturel confondant sans jamais verser dans le parler. Le compositeur sertit le chant avec une habilité de joaillier de manière que l’orchestre de chambre à peine plus développé que celui du Tour d’écrou de Britten ne couvre jamais le texte.

Dans un contexte moins dramatique qu’avec Written on skin ou Lessons in love and violence, l’ambiance rejoint celle de son premier opéra Into the little hill. L’orchestration toujours fluide procède toujours de l’art de créer d’infinis détails à partir de timbres et de rythmes contrastés. Les différentes scènes figurant les rencontres de la femme avec des personnes qu’elle suppose être heureuses mais qui se révèlent déceptives suscitent beaucoup de subtilités de la part de Benjamin.

Nombre de traits orchestraux constituent par exemple un commentaire furieusement ironique de la vacuité des amants ou du collectionneur. Toutefois l’enchainement des scènes ne se fait pas sans répétition et leur différenciation apparaît parfois trop ténue. La septième et dernière scène forme heureusement un contraste fort.

L’évocation du jardin enchanté de Zabelle fait entendre l’une des plus belles musiques de Benjamin. Ses efflorescences musicales sont telles qu’elles ne sont nullement concurrencées par la vidéo pourtant spectaculaire d’Hicham Berra qui vient rompre avec une scénographie autant rigoureuse que dépouillée.

Le travail de Daniel Jeanneteau et Marie-Christine Soma n’attire jamais l’attention sur lui-même, laissant la prééminence à la musique et au texte, parfois au prix d’un léger lissage des situations contribuant à l’effet de répétition. Dans la fosse, les musiciens du Philharmonique de Radio France brillent de mille feux sous la baguette foisonnante du compositeur.

La distribution identique à celle de la création permet de retrouver Marianne Crebassa dont la beauté de la voix le dispute à l’intériorité du chant. Anna Prohaska habite magnifiquement sa trop courte mais essentielle Zabelle tandis que le reste des chanteurs ne démérite pas et montre qu’un des nombreux atouts de cet opéra réside dans la qualité de ses personnages.