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CRITIQUES DE CONCERTS |
13 novembre 2024 |
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Concert du Philharmonique de Munich sous la direction de Tugan Sokhiev, avec le concours du pianiste Alexandre Kantorow Ă la Philharmonie de Paris.
L’émotion au dépourvu
Avec trois tubes russes, le Philharmonique de Munich semblait devoir gagner d’emblée la partie, mais la formation a plus brillé par ses qualités individuelles que par sa sonorité collective épaisse. Alexandre Kantorow fait mieux que sauver la soirée avec une Rhapsodie sur un thème de Paganini et deux bis d’un lyrisme qui n’appartient qu’à lui.
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Vigueur et courants d’air
En passant par la mort
L’émotion au dépourvu
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De l’ouverture de Rousslan et Ludmilla de Glinka, l’auditeur peut espérer virtuosité et pétulance. En ce début de soirée, le Philharmonique de Munich ne répond pas vraiment à cette attente et avance prudemment selon le tempo assez sage choisi par Tugan Sokhiev. Le chef y déploie soixante cordes et crée de fait un déséquilibre et une inertie rédhibitoires. L’entrain se fait lourdeur, les couleurs sonnent trop généreuses à la manière d’une routine oubliant la caractérisation. Après ce pétard mouillé, la Rhapsodie sur un thème de Paganini de Rachmaninov apparaît autrement passionnante.
Il faut dire qu’avec Alexandre Kantorow en soliste, l’œuvre trouve un interprète aussi virtuose qu’inspiré. Dès la première variation, le pianiste offre une projection captivante qui n’écrase jamais le son et une célérité qui s’accompagne d’un soutien confondant de la ligne. Comme un poisson dans l’eau, Kantorow mène la danse et caractérise avec personnalité chacun des épisodes. Successivement poète rêveur, amoureux donnant la sérénade, virtuose plein d’esprit, le Français tire des images du piano comme un prestidigitateur de son chapeau.
Il est d’autant dommage que l’orchestre reste insensible à tant de suggestions, refusant le dialogue demandé par la partition, pour se contenter d’un accompagnement impeccable, trop mat et dense. Qu’importe finalement puisque le pianiste fournit de la musique sans retenue et gâte le public avec deux bis. La Mort d’Isolde de Wagner dans la transcription de Liszt sidère par le naturel du chant et le phrasé. Ce piano ne semble ni recourir à la virtuosité ni à des effets de toucher. La musique semble naître devant nous et l’émotion nous prendre au dépourvu. Le miracle se répète avec la Litanei de Schubert-Liszt.
Après l’entracte, Sokhiev présente la Shéhérazade de Rimski-Korsakov, une pièce qu’il pratique depuis toujours. Son orientalisme y est mieux servi que celui du Glinka de début de soirée et l’on sent que la pièce a été parfaitement répétée avec l’orchestre. La direction lente permet d’admirer nombre de solistes merveilleux de la formation munichoise, à l’instar du bassoniste Raffaele Giannotti et bien sûr de la première violon solo, Naoka Aoki.
Toutefois, l’alternance de maniérismes miniatures et de passages collectifs bourrins ne fait pas une interprétation très intéressante et finit par lasser par sa binarité prévisible. Les premières mesures du Gopak de Moussorgski ravissent par des couleurs folkloriques bienvenues aux cordes mais bientôt l’ensemble se retrouve noyé par la surenchère.
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Philharmonie, Paris Le 02/11/2024 Thomas DESCHAMPS |
| Concert du Philharmonique de Munich sous la direction de Tugan Sokhiev, avec le concours du pianiste Alexandre Kantorow Ă la Philharmonie de Paris. | MikhaĂŻl Glinka (1804-1857)
Rousslan et Ludmilla, ouverture (1842)
Serge Rachmaninov (1873-1943)
Rhapsodie sur un thème de Paganini, op. 43 (1934)
Alexandre Kantorow, piano
NikolaĂŻ Rimski-Korsakov (1844-1908)
Shéhérazade, op. 35 (1888)
MĂĽnchner Philharmoniker
direction : Tugan Sokhiev | |
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