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CRITIQUES DE CONCERTS |
24 novembre 2024 |
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Concert de l’Orchestre de Chambre d’Europe sous la direction d’Antonio Pappano, avec le concours du pianiste Bertrand Chamayou à la Philharmonie de Paris.
La danse versatile du piano
Pour notre plus grand plaisir, Bertrand Chamayou ne résiste à son fameux appétit. Outre la partie soliste dans Ravel et Gershwin, le Français tient le piano dans La Création du monde de Milhaud et Fancy Free de Bernstein. Au terme d’une tournée, l’Orchestre de Chambre d’Europe sous la direction d’Antonio Pappano ne s’est pas montré sous son meilleur jour.
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La danse versatile du piano
Lights, camera, action !
Vigueur et courants d’air
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Surprenant Pappano… Alors qu’on attendait son déchaînement dans les éléments les plus rythmés du ballet La Création du monde, sa direction soigne la ligne et dessine une cosmogonie certes païenne mais comme vue par un naturaliste distingué. Les éléments fugués résistent hiératiquement au blues et la frénésie que le chef avait annoncée lors d’une interminable prise de parole initiale ne sort pas d’un cadre rigoureux. Parmi les musiciens très concentrés se trouve Bertrand Chamayou, le soliste de la pièce suivante, le Concerto en sol de Ravel.
Chef et pianiste lancent le premier mouvement à un rythme trépidant. Le piano mène le bal. D’une sonorité de rêve, toujours pleine et parfaitement projetée, le jeu de Chamayou dépasse la virtuosité pour atteindre une expression enivrante. Il est d’autant dommage que l’orchestre peine à atteindre la même variété de nuances, faisant surtout entendre des timbres bien verts. Heureusement, le cor anglais superbe de Rachel Frost fait oublier les flûtes acides et fusionne complètement avec le pianiste dans l’Adagio assai.
La phrase s’allonge et semble se dématérialiser, le chant s’envole. Orchestre et piano prennent de nouveau un tempo ébouriffant pour le Presto. Si le pianiste relève le gant avec un chic fou, l’orchestre montre des inégalités entre et au sein des pupitres. Les musiciens n’arrivent pas tous à respecter l’idiome ravélien et les précipités de ses fins de phrases. Après l’entracte, le clarinettiste Romain Guyot lance a cappella depuis le premier rang du parterre les variations I Got Rhythm de Gershwin.
Des arpèges du piano, Chamayou fait naître le thème avec un naturel confondant. À l’heure où tant de formations jouent outrageusement la surenchère capiteuse dans la musique de Gershwin, on savoure ce soir l’effectif parfait et le style canaille de la direction de Pappano qui transmet un peu de l’énergie débordante de New York. La fantaisie et versatilité stylistique du piano font oublier la virtuosité de ces pages, l’instrument semblant encore plus s’amuser dans la dernière partition du programme, la musique du ballet Fancy Free de Bernstein.
De fait, Chamayou en révèle littéralement à nos oreilles la partie de piano. Il s’y balade avec une joie communicative, entre nonchalance déguisée et entrain débridé. La direction procède par contrastes. Le chef soigne les atmosphères nocturnes préfigurant celles de The Age of Anxiety mais donne résolument une saveur de cabaret à la Kurt Weil à l’excitation des marins. L’orchestre s’emballe dans les forte et écrase le son sans relâche. Du coup, la sensualité et la séduction n’appartiennent qu’au piano. Même lorsqu’il ne joue pas, Chamayou semble danser sur sa banquette.
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Philharmonie, Paris Le 18/11/2024 Thomas DESCHAMPS |
| Concert de l’Orchestre de Chambre d’Europe sous la direction d’Antonio Pappano, avec le concours du pianiste Bertrand Chamayou à la Philharmonie de Paris. | Darius Milhaud (1892-1974)
La Création du monde, ballet op. 81a (1923)
Maurice Ravel (1875-1937)
Concerto pour piano en sol majeur (1931)
George Gershwin (1898-1937)
I Got Rhythm, variations pour piano et orchestre (1934)
Bertrand Chamayou, piano
Leonard Bernstein (1918-1990)
Fancy Free, musique de ballet (1944)
Chamber Orchestra of Europe
direction : Antonio Pappano | |
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