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CRITIQUES DE CONCERTS |
29 novembre 2024 |
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Concert de l’Orchestre symphonique de Montréal sous la direction de Rafael Payare, avec le concours du pianiste Daniil Trifonov à la Philharmonie de Paris.
Le poète et le gymnaste
En tournée européenne, l’Orchestre symphonique de Montréal confirme une forme olympique annoncée par voie de presse. La Symphonie alpestre de Strauss en devient une formidable démonstration technique à l’assurance un peu vaine. Heureusement, le pianiste Daniil Trifonov impose dans un Concerto de Schumann élégiaque une tout autre musicalité.
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Le poète et le gymnaste
Constellations spectrales
La danse versatile du piano
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Tiré d’un propos de Beethoven, le joli titre de la pièce d’Iman Habibi ouvrant la soirée donnée par l’Orchestre symphonique de Montréal cache un propos pour le moins ambitieux. Jeder Baum spricht durch dich (chaque arbre parle à travers toi) a amené le compositeur canadien d’origine iranienne à « réfléchir à la manière dont Beethoven, lui-même éminent activiste, aurait réagi face à la crise environnementale actuelle ». Une orchestration conforme à la Cinquième de Beethoven plantureuse ne fait pas tout et ne masque pas un métier peu raffiné et très décousu que la direction athlétique de Rafael Payare ne sauve pas. Le Concerto pour piano de Schumann qui suit amène en revanche un monde de nuances.
Dès l’introduction, l’orchestre se range entièrement derrière le piano. Sous les doigts de Daniil Trifonov, le flux mélodique semble littéralement naître d’un rêve. Sans aucun coup de boutoir, il use d’une douceur miraculeuse en ce qu’elle ne produit aucune inertie et affadissement du propos. L’unité des trois mouvements n’a jamais été aussi grande qu’avec cette expression intime d’une tendresse sans affectation. La construction sous-jacente se fait invisible mais se renforce jusqu’à la péroraison finale. En bis, le pianiste choisit très opportunément une pièce de Bach où ce miracle inexplicable se répète. Le choral Jésus que ma joie demeure atteint un rayonnement intérieur qui nous gagne irrésistiblement.
La deuxième partie de soirée produit exactement l’effet inverse. La phalange canadienne donne une Symphonie alpestre de Strauss d’une brillance ostentatoire. Un peu comme Klaus Mäkelä avec l’Orchestre de Paris en novembre 2021, Payare privilégie une lecture virtuose sur la tradition descriptive attachée à cette évocation imagée des montagnes bavaroises. Mais là où le Finlandais suivait une esthétique fauve iconoclaste, le Vénézuélien très agité semble suivre un parcours de santé montagnard.
D’emblée l’orchestre attaque trop bruyamment la nuit finissante et dès lors l’ensemble va se dérouler comme un gymkhana où l’Orchestre symphonique de Montréal démontre une forme olympique dans tous ses pupitres. On note les renforts parisiens stylés dans les coulisses pour l’Ascension. Payare éclaire tout d’une lumière sans mystère. L’Orage sonne colossal avec une machine à vent particulièrement bruyante. Le retour dans la vallée et celui de l’obscurité se font en bon ordre laissant le corps épuisé et l’esprit vide.
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Philharmonie, Paris Le 22/11/2024 Thomas DESCHAMPS |
| Concert de l’Orchestre symphonique de Montréal sous la direction de Rafael Payare, avec le concours du pianiste Daniil Trifonov à la Philharmonie de Paris. | Iman Habibi (*1985)
Jeder Baum spricht (2019)
Robert Schumann (1810-1856)
Concerto pour piano en la mineur, op. 54 (1845)
Daniil Trifonov, piano
Richard Strauss (1864-1949)
Eine Alpensinfonie, op. 64 (1915)
Orchestre symphonique de Montréal
direction : Rafael Payare | |
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