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CRITIQUES DE CONCERTS |
04 décembre 2024 |
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Récital Sisyphe du claveciniste Jean Rondeau dans le cadre de La Belle saison au Théâtre des Bouffes du Nord, Paris.
Clavecin itératif
Dans La Belle saison, Jean Rondeau offre un concert où quelques compositions célèbres sont intégrées à des improvisations. Ce jeu continu sans couture fait le tour de l’art de la répétition non sans paraître trop longuement développé. Les qualités du claveciniste ne sont jamais plus évidentes que dans la Chaconne de Bach présentée en forme de conclusion ouverte.
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Clavecin itératif
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« Sortir du cadre, du programme, du menu. S’affranchir des séquences imposées, des morceaux qui se succèdent en tranches de musique, entrelardés d’applaudissements et de silences. » Pour ce faire, Jean Rondeau propose non pas un récital mais une bonne heure un quart de musique, présentée comme un continuum ininterrompu où l’improvisation se mêle à des œuvres écrites.
La soirée débute dans l’obscurité complète. Bientôt le clavecin fait entendre une seule note répétée à l’envi avant que la musique ne prenne progressivement forme et que l’instrument et son musicien apparaissent progressivement dans une lumière qui ne dépassera pas la pénombre. Le claveciniste semble de fait libéré du carcan d’un programme classique. Il joue comme en transe, la tête souvent tournée à l’opposé du public. Mais il n’est pas sûr que tous les spectateurs le suivent complètement libérés : l’un de nos voisins ne peut s’empêcher d’émettre un léger gloussement lorsqu’il reconnaît dans ce mouvement continuel telle pièce de Couperin, de Ligeti ou de Bach.
Rondeau passe de celles-ci à l’improvisation la plus débridée, allant parfois jusqu’à toucher avec les mains les cordes de son instrument. Si sa virtuosité confond avec des notes égales d’une perfection irréelle, si la beauté sans pareil de son toucher magnifie le clavecin Bruce Kennedy fabriqué d’après les modèles Blanchet, on ne peut s’empêcher de trouver beaucoup plus intéressant le fantastique Continuum de Ligeti que les parties improvisées. D’autant que toute la performance subtilement sonorisée tourne entièrement autour de la répétition, parfois de manière pour le moins insistante.
L’ensemble débouche sur la Chaconne de la Partita pour violon n° 2 de Bach, que Rondeau avait transcrite pour son premier album, Bach Imagine. L’interprète s’y montre magnifique et trouve un équilibre rare dans le jeu contrapuntique au terme duquel l’obscurité revient avant que le musicien de nouveau dans la pénombre ne salue son public fervent. Un titre mystérieux a été donné à ce concert : Sisyphe. On saisit la similitude du mouvement perpétuel qu’il a souhaité évoquer ce soir, mais s’agit-il d’un châtiment ? Sans doute l’interprétation de ce mythe doit-elle ici être plus positive.
Enfin, on se demande, en absence de programme établi, si le claveciniste a enfin joué la partition éponyme que Stéphane Delplace a écrite en 2013 et lui a dédiée. Peut-être… Si l’on se fie à la description de sa création au piano à Londres, par le pianiste Mihai Ritivoiu, il nous semble avoir entendu au début de la soirée cette évocation d’un carillon d’où émerge une écriture contrapuntique préfigurant le Bach conclusif.
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Théâtre des Bouffes du Nord, Paris Le 25/11/2024 Thomas DESCHAMPS |
| Récital Sisyphe du claveciniste Jean Rondeau dans le cadre de La Belle saison au Théâtre des Bouffes du Nord, Paris. | Sisyphe
Jean Rondeau, clavecin
Silouane Colmet-Dâage, sonorisation | |
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