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CRITIQUES DE CONCERTS |
26 décembre 2024 |
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Version de concert du Château de Barbe-Bleue de Bartók sous la direction de Mikko Franck à la Philharmonie de Paris.
Le renoncement de Barbe-Bleue
Présenté sans complément de programme, le Château de Barbe-Bleue de Bartók souffre à la fois d’une direction inaboutie et d’une distribution inadéquate. Mikko Franck travaille les détails d’un orchestre chatoyant et attentif plus que la dramaturgie en forme d’arche. Aušrinė Stundytė semble chanter Salomé tandis que Matthias Goerne peine à varier un chant embarrassé.
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Bons baisers d’Eltsine
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RĂ©gal ramiste
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Dans le noir de la salle Pierre Boulez, une voix enregistrée retentit. La magie de la langue hongroise opère pleinement. Bientôt, les ténèbres s’éclaircissent, l’orchestre s’éveille et Barbe-Bleue se lève pour accueillir Judith en son domaine. La voix de Matthias Goerne est sourde, sans la profondeur pouvant figurer les fondations abyssales de ce château né du simple son de l’orchestre. Précise, d’une grande fraîcheur, la Judith de Aušrinė Stundytė passe mieux l’orchestre.
Les deux chanteurs placés de part et d’autre du chef semblent exprimer deux conceptions opposées de l’œuvre. Le baryton, comme isolé et concentré dans son propre songe. La soprano s’animant sans cesse et se tournant fréquemment vers son partenaire. Une sorte de non-communication qui n’est peut-être pas étrangère à ce chef-d’œuvre, sorte de bréviaire des problèmes du couple amoureux.
Véritable maître du domaine de Kékszakállú, le chef d’orchestre dresse le décor au gré des portes ouvertes sur la demande insistante de la jeune épouse. Curieusement, Mikko Franck a choisi de mettre sa chaise au bas du podium sur lequel elle devrait figurer : qu’il soit assis ou parfois debout, l’on se demande comment les musiciens peuvent suivre sa direction. D’une grande précision, celle-ci manifeste dans sa gestique une profonde connaissance des moindres recoins de la partition. Mais dans ce contexte, le Philharmonique de Radio France se montre prudent et l’élan nécessaire ne se fait pas toujours entendre.
Si les couleurs instrumentales ravissent l’oreille dans la Quatrième Porte, celle du Jardin secret, le climax de la Cinquième Porte manque son effet, d’autant que les cuivres supplémentaires ont été placés parmi les spectateurs sur les côtés de l’orchestre. Cette proche disposition facilite la coordination mais fait regretter l’effet surnaturel produit par le positionnement à l’arrière du parterre de Salonen et l’Orchestre de Paris. Le contre-ut de Judith, bref et tendu, déçoit aussi. Il faut dire que Stundytė évoque davantage une adolescente effrontée qu’une femme capable grâce à l’amour de pousser son époux dans ses retranchements les moins avouables.
Dans ses réponses, le Barbe-Bleue de Goerne semble s’effacer. Ce soir, le manque d’harmoniques de la voix, la diction imprécise font qu’il manque bien des choses à cette incarnation, comme la force, ou l’épouvante. Tout finit par s’évanouir, nous laissant une fois de plus admiratif des beautés musicales de la partition mais un peu frustrés de leur réalisation parcellaire.
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Philharmonie, Paris Le 29/11/2024 Thomas DESCHAMPS |
| Version de concert du Château de Barbe-Bleue de Bartók sous la direction de Mikko Franck à la Philharmonie de Paris. | Béla Bartók (1881-1945)
Le Château de Barbe-Bleue, drame lyrique en un acte (1911)
Livret de Béla Balázs
Aušrinė Stundytė (Judith)
Matthias Goerne (Barbe-Bleue)
JĂłzsef Gyabronka, voix off du prologue
Orchestre philharmonique de Radio France
direction : Mikko Franck | |
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