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CRITIQUES DE CONCERTS |
18 décembre 2024 |
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Concert de l’Orchestre de l’Opéra national de Paris sous la direction de Teodor Currentzis à la Philharmonie de Paris.
Le chef alchimiste
Les retrouvailles de Teodor Currentzis avec l’Orchestre de l’Opéra national de Paris sont l’occasion d’un concert exceptionnel. Les couleurs de L’Oiseau de feu et la deuxième suite de Daphnis et Chloé s’accompagnent de flagrances inattendues, avant que La Valse et le plus beau des Boléros entendus en concert témoignent d’un art hallucinogène.
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Le chef alchimiste
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Cela faisait plus de quinze ans que Teodor Currentzis n’avait pas dirigé l’Orchestre de l’Opéra de Paris. C’est dire combien avant un nouveau Castor et Pollux en janvier prochain, sa reprise de contact s’accompagnait d’une vive curiosité. D’autant que le programme choisi ne comprend que des ballets constituant le répertoire le plus naturel des musiciens de l’orchestre. Des trois pages présentées, seul L’Oiseau de feu (version 1945) va rappeler quelque peu la subjectivité du chef gréco-russe.
Lentement planté, le décor de l’introduction sonne mystérieux à souhait, mais ce qui frappe aussitôt, ce sont les volutes capiteuses des bois et des cuivres. S’éloignant avec quelques rallentandi un rien de la tradition des ballets russes parisiens, Currentzis ouvre les portes de l’Orient. Plus encore, le chef procède par vibrations et fait exploser les couleurs à un point qu’on se prend à percevoir des parfums enivrants !
Cette stupéfiante transmutation n’empêche en rien une fantastique chorégraphie sonore, à l’image de la souple gestique du chef qui paraît un instant sur le point de s’envoler pour rejoindre la Ronde des princesses. La Danse infernale fait appel aux forces telluriques d’un orchestre prêt à suivre aux Enfers son chef alchimiste. Les dernières pages font à nouveau naître des images élégiaques et d’étonnantes sonorités aromatiques.
Après l’entracte, on en est que plus surpris d’entendre à la lettre la métrique et la grammaire ravélienne. La Suite n° 2 de Daphnis ne souffre d’aucune incartade. La gestique se fait plus précise et dresse un paysage à l’antique d’une radieuse perfection. Et pourtant, de nouveau, à l’écoute semble s’adjoindre l’odorat avec des notes de cyprès et d’oliviers, on ne sait exactement tant les flagrances s’envolent au gré des phrases. Il semble que cela provienne d’infimes nuances parfaitement tuilées par les musiciens. Le même miracle se reproduit avec La Valse.
D’une belle rigueur rythmique, faisant sienne la comparaison faite par Ravel avec les derviches tourneurs, la direction joue de micro-événements pour engendrer un phénomène hallucinatoire collectif. La lumière toujours changeante et d’infimes inflexions en sont les ingrédients, le génie du compositeur faisant le reste. Cette confiance en la musique se renouvelle dans un bis qui vient largement compenser un programme court.
Dans un silence relatif surgit le rythme du Boléro joué pianissimo par la caisse claire de Charles Gillet. L’entrée de la flûte émerveille par son phrasé légèrement indolent, bientôt suivi par les autres pupitres. Ce jeu de timbres s’affirme très progressivement mais en rien mécaniquement. Longtemps le chef se contente de quelques rares signes de la tête ou d’une ondulation du corps. Pas un de ses gestes ne paraît gratuit, chaque nuance tout infinitésimale qu’elle soit trouvant sa traduction immédiate dans le jeu de musiciens au sommet de leur virtuosité et de leur sensibilité jusqu’au climax libérateur.
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Philharmonie, Paris Le 09/12/2024 Thomas DESCHAMPS |
| Concert de l’Orchestre de l’Opéra national de Paris sous la direction de Teodor Currentzis à la Philharmonie de Paris. | Igor Stravinski (1882-1971)
L’Oiseau de feu, suite de ballet (1945)
Maurice Ravel (1875-1937)
Daphnis et Chloé, suite n° 2 (1913)
La Valse (1920)
Orchestre de l’Opéra national de Paris
direction : Teodor Currentzis | |
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