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CRITIQUES DE CONCERTS |
20 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Cendrillon de Rossini dans une mise en scène de Fabrice Murgia et sous la direction de Giulio Cilona à l'Opéra National de Lorraine, Nancy.
L'Étrange Noël de Mrs Cendrillon
Programme de fêtes à l'Opéra de Lorraine de Nancy avec cette Cenerentola de Rossini dans le style gothique de Henry Selick et Tim Burton que signe le metteur en scène Fabrice Murgia et son équipe, avec une Beth Taylor superlative en Angelina et l'excellentissime direction de Giulio Cilona, un premier chef invité qui promet déjà beaucoup.
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Bons baisers d’Eltsine
RĂ©gal ramiste
L'Étrange Noël de Mrs Cendrillon
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Trois ans après la renaissance du surprenant chef-d'œuvre baroque Il Palazzo incantato de Luigi Rossi, Fabrice Murgia et son équipe s'invitent chez Rossini avec une Cenerentola très éloignée des codes visuels traditionnels et offrant à cette fin d'année nancéenne une couleur gothique déjantée. Dissimulée derrière les persiennes d'une soupente dans le Don Magnifico Hôtel, Angelina porte sur son visage un peu de cette cenere (cendre) qu'on retrouve dans le sobriquet dont l'a affublée son cruel entourage familial.
Mi-Famille Addams mi-Étrange Noël de monsieur Jack, le personnage sort ici de sa dimension de souffre-douleur pour imposer une modernité à la sauce déconstruction du patriarcat et body positivité. Face à elle, les bacchantes et la casquette Make opera great again ne laissent planer aucun doute sur les intentions d'un Don Magnifico entouré par deux filles au profil d'influenceuses décérébrées.
Déroulant le fil rouge d'une soirée Halloween où le principe consiste à hurler de peur autant que de plaisir, Fabrice Murgia dessine à main levée l'album de cette petite boutique des horreurs, en y convoquant un Ramiro alternativement Edward aux mains d'argent et Frankenstein.
Dans cet univers où la couture et les poupées rappellent volontiers le personnage de Coraline, Angelina et Ramiro font figure de personnages en rupture avec les codes sociaux ; une rupture illustrée par des allusions symboliques au Kraken et aux animaux fantastiques de Lovecraft, sans oublier ces choristes-zombies venant compléter l'improbable galerie de personnages réunis dans cet hôtel.
Dominant un plateau par la densité de ses graves et la virtuosité des changements de registres, Beth Taylor mérite à elle seule le déplacement. La mezzo écossaise impose une ligne et une présence de tout premier plan qui se combinent de la plus belle des manières à la vaillance et l'impeccable netteté du Ramiro de Dave Monaco. Éminent ténor rossinien, il décoche ses aigus avec une facilité déconcertante, avec toutes les marques d'un futur grand interprète.
La marche est un peu haute pour le Don Magnifico de Gyula Nagy, un peu à bout de couleur dans un répertoire trop sollicitant pour lui, dépassé par Héloïse Poulet (Clorinda) et Alix Le Saux (Thisbe), dans leur numéro de sœurs pimbêches et mijaurées. Le Dandini d'Alessio Arduini oublie une part de précision et de netteté dans certains effets comiques quand Sam Carl, en Alidoro, use à l'envi d'un timbre caverneux et de certaines facilités de phrasé.
Déjà remarqué il y a un an tout juste in loco pour la belle tenue de son Don Pasquale, la direction de Giulio Cilona, en poste au Deutsche Oper Berlin et premier chef invité de l'Opéra national de Lorraine, fait merveille dans ce chef-d'œuvre de Rossini. Sans jamais céder à la facilité, il cisèle tout du long une évidence rythmique qu'il constitue en véritable élément dramaturgique capable d'exprimer le profil psychologique des personnages et de la trame narrative.
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