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CRITIQUES DE CONCERTS |
09 janvier 2025 |
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RĂ©cital du pianiste Nelson Goerner dans le cadre de Piano**** Ă la Philharmonie de Paris.
Le chasseur de mirages
Dans le cadre de la série Piano****, Nelson Goerner propose à la Philharmonie de Paris un programme d’une grande cohérence où le premier livre des Images de Debussy donne le cadre poétique de sa lecture nuancée à l’extrême du Carnaval de Schumann et celle plus lyrique de la Barcarolle et de la Troisième Sonate de Chopin.
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Bons baisers d’Eltsine
Le chasseur de mirages
Chambre déséquilibrée
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En ouvrant le récital avec le Premier livre des Images, Nelson Goerner prolonge un instant le silence, tant son interprétation de Reflets dans l’eau semble illustrer les mots d’Alfred Cortot commentant cette pièce : « voici le sommeil lumineux et flottant des aspects inversés et les images lentes qui s’étirent au miroir ondoyant des sonorités ».
Le jeu du pianiste n’est ici que transparence et nuances. La sarabande de l’Hommage à Rameau trouve sous ses doigts l’illusion de l’improvisation poétique, et son effusion semble finalement être un mirage. Goerner paraît chercher à rattacher la troisième pièce, Mouvement, à cet état d’impressions évanescentes. S’il y parvient, c’est au prix d’une moins grande luminosité et d’une mélancolie gagnant l’obsession rythmique voulue par Debussy.
La même volonté d’unification surprend encore plus dans le Carnaval de Schumann qui suit. Le pianiste s’arcboute pour lancer le préambule mais l’on entend rapidement que de ce monde bipolaire il retient surtout les rêveries d’Eusebius plutôt que les élans passionnés de Florestan. Sa lecture privilégie les transitions et traduit peu les oppositions. La délicatesse du chant ravit, mais à force de nuances des pièces comme Chiarina, le portrait de Clara Wieck, perdent un peu de leur animation.
Après l’entracte, la Barcarolle de Chopin montre un art plus affirmé. La fluidité du jeu du musicien argentin émerveille. Le rubato se pare d’un charme entêtant et comme dans les Debussy de la première partie, l’envolée lyrique fait l’effet d’une illusion perdue. Goerner enchante ensuite la Sonate n° 3 du compositeur polonais.
La polyphonie de l’Allegro s’épanouit pleinement, la virtuosité du Scherzo est celle d’un grand styliste. Dans le Largo, un décalage des mains parfaitement maîtrisé magnifie la cantilène avant que le poète semble de nouveau improviser dans les variations. La fièvre et l’exaltation emportent et tourbillonnent dans un Finale halluciné.
En réponse aux rappels du public, Goerner donne d’abord un Prélude op. 23 n° 4 de Rachmaninov tout en demi-teintes, comme pris dans une torpeur, puis une Toccata de Schumann à un tempo insensé frisant un instant la sortie de route pour finir par triompher et rappeler quelque peu celle enregistrée en 1960 à Cologne par sa compatriote Martha Argerich.
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Philharmonie, Paris Le 16/12/2024 Thomas DESCHAMPS |
| RĂ©cital du pianiste Nelson Goerner dans le cadre de Piano**** Ă la Philharmonie de Paris. | Claude Debussy (1862-1918)
Images, Premier livre (1905)
Robert Schumann (1810-1856)
Carnaval, op. 9 (1835)
Frédéric Chopin (1810-1849)
Barcarolle, op. 60 (1846)
Sonate n° 3 en si mineur, op. 58 (1844)
Nelson Goerner, piano | |
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