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CRITIQUES DE CONCERTS |
05 février 2025 |
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Concert de l’Ensemble intercontemporain sous la direction de Pierre Bleuse, avec le concours du violoncelliste Jean-Guihen Qeyras et du pianiste Pierre-Laurent-Aimard à la Philharmonie de Paris.
Le grand sourcier
Le début des célébrations consacrées à Pierre Boulez permet de se régaler du jaillissement prodigieux de Répons que Pierre Bleuse ne contraint jamais. Auparavant, l’Ensemble intercontemporain présente des œuvres plus intimes du compositeur français auxquels sont adjoints En blanc et noir de Debussy et une création de Charlotte Bray.
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Débuter l’année Boulez à la Philharmonie, une évidence. Le compositeur qui aurait eu cent ans le 26 mars prochain fut à l’origine de la Cité de la musique dont on fête les trente ans et un soutien infatigable de la Philharmonie qui souffle ses dix bougies. Dans la salle qui porte désormais son nom, le programme débute par Mémoriale, avatar d’Explosante-fixe que Boulez ne cessait de modifier au gré des évolutions technologiques.
La flûtiste Emmanuelle Ophèle et ses huit collègues alternent couplets et refrains entre légèreté et gravité, avec fluidité et subtilité jusqu’à l’unisson sur le mib. Encore plus lisible pour le public, Messagesquisse procède surtout d’un art de la prolongation des phrases du violoncelle solo par les six autres violoncelles. Jean-Guihen Queyras qui en a signé un enregistrement sous la direction du compositeur donne ce soir davantage d’ampleur à la phrase initiale, plus de timbre aussi.
Le processus d’imitation, de transmission s’opère avec une force magnétique sous la direction de Pierre Bleuse. Les musiciens développent une virtuosité insensée conduisant au tourbillon final. Unisson, halot sonore, antiphonie : des procédés sonores présents chez Boulez que l’on trouve au cœur de la pièce de Debussy qui suit.
Pierre-Laurent Aimard et Hidéki Nagano livrent une lecture magistralement analytique d’En blanc et noir, le premier s’affirmant peut-être un peu trop face à la seconde, puis aussi déclamatoire dans la Sonatine de Boulez qui suit, comme s’il s’inquiétait des trop vastes dimensions de la salle. Sophie Cherrier le suit avec éloquence, mais cette emphase dynamique exacerbe les contrastes au point de rompre l’unicité du matériau.
La Britannique Charlotte Bray a livré pour cet anniversaire une pièce pour ensemble de chambre, Nothing Ever Truly Ends. Une sorte de rituel avec bol thibétain, clair et très soigné, dont le climax ne surprend pas plus que le retour au calme très classiquement organisé. Si l’ensemble de ces œuvres auraient mieux convenu à la Cité de la musique, la pièce de résistance donnée après l’entracte justifie pleinement l’utilisation de la Philharmonie.
Avec sa configuration spatiale déterminante, Répons a nécessité de modifier le parterre et de réduire l’arrière-scène, jusqu’aux limites possibles car la salle Pierre Boulez avec ses balcons fixes n’est pas entièrement modulable. Tout du moins, une majorité de spectateurs entourant l’ensemble instrumental se trouvent eux-mêmes entourés des six solistes et des haut-parleurs.
Après l’intense introduction menée de main de maître, l’entrée des solistes et de l’électronique produit plus que jamais un effet saisissant. Au geste impérieux de Bleuse répondent les deux pianos, la harpe, le cymbalum, les deux percussionnistes ainsi que l’électronique comme autant de sources jaillissantes. Une vitalité qui au gré des différentes sections ne cesse de surprendre par la variété de ses expressions : effets gyrophares, balinais, violents ou poétiques.
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Philharmonie, Paris Le 06/01/2025 Thomas DESCHAMPS |
| Concert de l’Ensemble intercontemporain sous la direction de Pierre Bleuse, avec le concours du violoncelliste Jean-Guihen Qeyras et du pianiste Pierre-Laurent-Aimard à la Philharmonie de Paris. | Pierre Boulez (1925-2016)
Mémoriale (…explosante-fixe… Originel), pour flûte et huit instruments (1985)
Emmanuelle Ophèle, flûte
Messagesquisse pour violoncelle solo et six violoncelles (1977)
Jean-Guihen Queyras, violoncelle
Claude Debussy (1862-1918)
En blanc et noir, pour deux pianos (1915)
Pierre-Laurent Aimard & Hidéki Nagano, piano
Pierre Boulez
Sonatine pour flûte et piano (1946)
Sophie Cherrier, flûte
Pierre-Laurent Aimard, piano
Charlotte Bray (*1982)
Nothing Ever Truly Ends, pour ensemble de chambre (2024)
Pierre Boulez
Répons, pour six solistes, ensemble, sons informatiques et électronique en temps réel
Ensemble intercontemporain
Augustin Muller, Ă©lectronique Ircam
Jérémie Henrot, diffusion sonore Ircam
direction : Pierre Bleuse | |
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