Le récital donné au Palais Garnier par Renée Fleming reprend le titre d’un album qu’elle a enregistré avec Yannick Nézet-Séguin, Voice of Nature : The Anthropocene (Decca, 2021). Une réflexion sur la crise climatique et ses menaces, illustrée en musique. Ce soir, le pianiste Howard Watkins accompagne la soprano et le programme diffère largement de celui du disque ne conservant que quelques titres.

La première partie associant seulement deux morceaux classiques à de nombreuses chansons pop présente en outre la particularité de s’accompagner de la projection d’un film réalisé par National Geographic. La diva s’avance dans une robe vert Marine Tondelier et présente le projet en français puis en anglais. Au micro, elle entonne la chanson Pretty Bird d’Hazel Dickens tandis que le film commence. Dès lors les numéros se suivent sans applaudissements (comme demandé), les images offrant un contrepoint somptueux, un rien convenu, aux paroles des textes chantés.

La soprano pose heureusement le micro pour la plupart des pièces. Si l’on retrouve le timbre tant aimé, la voix sonne amincie. L’absence de vibrato pour l’extrait du Seigneur des anneaux d’Howard Shore met en outre désormais l’intonation en danger. Deux pièces ont été composées à l’adresse de la chanteuse. Evening de Kevin Puts ne propose qu’un parlando apaisé, mais Endless Space de Nico Muhly sert d’une magnifique manière la voix de Fleming au point qu’on en retrouve alors toute la richesse. Au terme de cette partie son et image, la chanson What the World Needs Now de l’excellent Burt Bacharach apporte une touche détendue et glamour du meilleur effet.

Retour au format classique pour la seconde partie de récital. Robe cerisier en fleurs, la soprano présente d’abord trois mélodies inusables de Reynaldo Hahn. L’émission très sûre fait merveille dans L’Heure exquise et Si mes vers avaient des ailes. Le piano au couvercle peu ouvert d’Howard Watkins offre depuis le début de soirée un accompagnement sans doute trop réservé mais aux qualités musicales indéniables. D’une admirable versatilité, il soutient parfaitement la chanteuse, comme dans les trois premiers numéros des Poèmes pour Mi de Messiaen. Fleming s’y montre excellente diseuse et coloriste.

Un extrait de La Bohème de Leoncavallo charme tandis que de Io son l’umile ancella de Cilea la trouve un rien à court de souffle. Enfin, trois Lieder de Strauss produisent l’effet d’une machine à remonter le temps : les ans s’évanouissent en particulier dans un Wiegenlied d’une fraîcheur et d’une ferveur bouleversantes. La soprano renonce pourtant au Befreit programmé mais revient rapidement pour proposer malicieusement au public un choix de deux bis. Bien évidemment, elle accédera à la demande d’avoir les deux.

Morgen prolonge et même surclasse le miracle straussien. Au micro, elle entonne ensuite l’Hallelujah de Leonard Cohen faisant chanter la salle entière dans les refrains dans une communion affective émouvante.