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CRITIQUES DE CONCERTS |
01 avril 2025 |
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Concert de la Philharmonie tchèque sous la direction de Semyon Bychkov, avec le concours du violoncelliste Sheku Kanneh-Mason à la Philharmonie de Paris.
Bychkov Ă l'heure de la maturation
La Philharmonie tchèque et son directeur musical Semyon Bychkov consacrent leur concert à Chostakovitch. Si du fait de son soliste, l’impeccable Sheku Kanneh-Manson, le Concerto pour violoncelle n° 1 sonne de manière lissée et académique, la Symphonie n° 5 atteint au contraire une profondeur émotionnelle sans égale portée par un orchestre en état de grâce.
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La saison dernière, Sheku Kanneh-Mason avait donné ici même le Concerto pour violoncelle n° 1 de Chostakovitch qu’il reprend ce soir. Sans cordes cassées cette fois-ci, sa lecture intensément projetée ne semble pas avoir changé. La très belle sonorité qu’il tire de son Goffriller et son intonation très sûre constituent des atouts considérables mais son jeu hédoniste et rêveur fait fi des innombrables recoins satiriques, sarcastiques ou dramatiques d’une œuvre dont le dédicataire, Mstislav Rostropovitch avait au contraire approfondi l’ambitus expressif au fil des concerts.
Cette fois, Kenneh-Mason bénéficie d’un accompagnement idiomatique qui soutient davantage son discours. Dès les premières mesures, les couleurs de la Philharmonie tchèque se révèlent idéales pour cet univers : cordes frémissantes et cor de Jan Vobořil époustouflant de poésie. Semyon Bychkov épouse la conception plastique du soliste et atténue quelque peu les traits impertinents de l’orchestre. Le violoncelliste britannique présente en bis une pièce de sa composition, une mélodie d’inspiration folklorique mettant en valeur son legato.
Après l’entracte, Bychkov dirige une œuvre qui a une importance particulière dans sa carrière. C’est avec la Symphonie n° 5 de Chostakovitch qu’il fut révélé au grand public en 1986, objet de son tout premier disque. Il dirigeait alors le Philharmonique de Berlin que Karajan semblait alors vouloir lui confier. Depuis, l’œuvre reste l’un de ses chevaux de bataille et l’on se souvient ici même avec émotion d’un concert donné en 2018 avec le Concertgebouw d’Amsterdam. Ce soir, Bychkov offre une lecture maturée qui conduit aux tréfonds de cette partition souvent galvaudée. D’un orchestre en résonnance parfaite avec son idiome, il tire des accents déchirants et pourtant sans ostentation.
Les bois aux couleurs typiques de la Bohême portent des questionnements inquiets et des commentaires ambivalents, jamais anecdotiques. Le sous-texte de l’Allegretto transparaît derrière les rythmes populaires. Avec le Moderato, la direction de Bychkov atteint au sublime. Il phrase long avec d’infimes inflexions qui donnent à l’écriture des cordes divisées une portée méditative cosmique tandis que la petite harmonie sonne comme une plainte du dernier espoir.
Trémolos angoissants des cordes et bientôt les violoncelles explosent de douleur. C’est d’autant perturbant que l’expression ne sonne jamais de manière outrée ou stylisée. Un art qui se prolonge dans le dernier mouvement où derrière des cuivres en fusion le chef arrive à distiller un entre-deux consubstantiel à ces pages. En bis, Nimrod extrait des Variations Enigma d’Elgar bouleverse par la simple éloquence des cordes tchèques au grain conservé comme un trésor culturel.
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Philharmonie, Paris Le 10/03/2025 Thomas DESCHAMPS |
 | Concert de la Philharmonie tchèque sous la direction de Semyon Bychkov, avec le concours du violoncelliste Sheku Kanneh-Mason à la Philharmonie de Paris. | Dimitri Chostakovitch (1906-1975)
Concerto pour violoncelle n° 1 en mib majeur, op. 107 (1959)
Sheku Kanneh-Mason, violoncelle
Symphonie n° 5 en ré mineur, op. 47 (1937)
Česká Filharmonie
direction : Semyon Bychkov |  |
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