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CRITIQUES DE CONCERTS |
31 mars 2025 |
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Concert de l’Orchestre national de Lille sous la direction de Joshua Weilerstein, avec le concours du récitant Lambert Wilson et de la basse Dmitry Belosselskiy à la Philharmonie de Paris.
Musiques de la survie
L’ONL et son nouveau directeur musical Joshua Weilerstein présentent un programme coup de poing contre l’antisémitisme. Si la prestation de Lambert Wilson dans Un survivant de Varsovie se trouve ruinée par la technique, la basse Dmitry Belosselskiy triomphe dans Babi Yar de Chostakovitch tandis que les forces lilloises se montrent exemplaires d’engagement.
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Musiques de la survie
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Les trompettes cinglent l’espace, la percussion gronde, les cordes râpent : l’introduction d’Un survivant de Varsovie de Schoenberg instaure d’emblée un climat menaçant sur lequel le récitant vient bientôt se placer. Las, la voix de Lambert Wilson est affligée d’une sonorisation digne d’une annonce en gare SNCF ! La réverbération immense floute sa prononciation du texte au point qu’on est obligé de suivre les surtitres. Wilson a choisi une lecture pour le moins emportée du texte, ici décuplée par une technique mal réglée.
Son emportement constant nivelle par le haut l’effet dramatique : les ordres donnés en allemand par l’adjudant nazi n’en ressortent pas plus violents que le reste du récit. Le halo sonore domine tout et même l’écoute de l’orchestre en est le plus souvent brouillée. Difficile d’apprécier à sa juste valeur le travail semble-t-il précis de Joshua Weilerstein et de ses musiciens. Lorsque le Chœur Philharmonia entonne Shema Israël, l’émotion emporte heureusement tout. Profitant du long changement de plateau de ce concert sans entracte, le chef américain présente dans un français accompli les deux œuvres de ce programme commémorant la Shoah en concluant que « l’art détruit le silence ».
La Symphonie n° 13 de Chostakovitch qui suit ne se cantonne pas à la sinistre évocation du massacre de plus de 33 000 Juifs dans le ravin de Babi Yar en Ukraine. Les poèmes de d’Evtouchenko évoquent aussi d’autres pogroms, l’affaire Dreyfus, la terreur du régime stalinien, ou le courage des esprits libres dans des registres expressifs variant de la terreur à l’humour en passant par la désolation. Il est d’autant dommage que le surtitrage présent à Lille hier ne soit pas disponible ce soir.
Heureusement, la basse ukrainienne Dmitry Belosselskiy offre une lecture captivante de ces cinq mouvements écrasants. L’émission projetée de sa voix assortie d’une prononciation exemplaire et de couleurs variées donnent aux textes une illustration sonore remarquable. Le chœur se montre à l’unisson. Weilerstein reste peut-être un rien prudent dans le choix des tempos et pourrait user d’une palette dynamique plus étendue, mais l’orchestre sonne de manière plus que satisfaisante jusque dans les dernières pages où les entrelacs du premier violon et du premier alto portent magnifiquement l’espoir d’un autre monde.
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Philharmonie, Paris Le 17/03/2025 Thomas DESCHAMPS |
 | Concert de l’Orchestre national de Lille sous la direction de Joshua Weilerstein, avec le concours du récitant Lambert Wilson et de la basse Dmitry Belosselskiy à la Philharmonie de Paris. | Arnold Schoenberg (1874-1951)
A Survivor from Warsaw, op. 46 (1947)
Lambert Wilson, récitant
Dimitri Chostakovitch (1906-1975)
Symphonie n° 13 en sib mineur op. 113 « Babi Yar » (1962)
Dmitry Belosselskiy, basse
Philharmonia Chorus
Orchestre national de Lille
direction : Joshua Weilerstein |  |
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