Dernière arrivée à l’Ensemble intercontemporain, la jeune corniste Jeanne Maugrenier expose son exceptionnelle maîtrise de son instrument avec la pièce de Michael Jarrell qui introduit le programme. Comme son titre l’indique, Assonance IVb illustre en musique le procédé de l’assonance qui régissait les vers des plus anciens poèmes français.

Jeu staccato, technique du bisbigliando (l’alternance ultrarapide des doigtés sur une même note), sourdine et autres registres provoquent un tangage de la musique nous évoquant celui de la langue jadis pratiqué de manière encore plus jubilatoire par le poète roumain Ghérasim Luca. Une autre source poétique figure à l’origine de la pièce suivante.

Chez l’Américain E. E. Cummings, la découpe verbale du poème accompagnée de recherches typographiques impressionna Pierre Boulez qui composa en 1952 une première pièce aujourd’hui retirée de son catalogue où certains sons découlaient de la transposition de blocs harmoniques donnés. cummings ist der dichter joué ce soir, composé en 1970 et révisé en 1986, reprend ce matériau et met cette fois en musique le poème birds de Cummings en transposant en musique le mouvement centrifuge des mots ou de leurs fragments.

À cette fin, Boulez développe une technique du halo sonore qu’il ne cessera de perfectionner par la suite. Sous la direction particulièrement fluide de Pierre Bleuse, les musiciens de l’EIC et les chanteurs de Métaboles atteignent à une très saisissante fusion en un bloc quelque peu hermétique. Avec un effectif semblable, la création mondiale de …il semble que ce soit le ciel qui ait toujours le dernier mot… de Jarrell fait ensuite l’effet d’une respiration et frappe par son accessibilité plus immédiate.

Si le titre de la pièce renvoie à René Char que Boulez fit découvrir à son confrère suisse, les textes chantés appartiennent au Rig-Véda de l’Inde antique. La partition use de contrastes importants pour porter le texte sanscrit ou parfois s’en dégager. Point de halo ici mais une échappée souvent splendide des chanteurs avec un soutien constant de l’ensemble instrumental.

Retour à Boulez après l’entracte avec sur Incises pour trois pianos, trois harpes et trois percussions-claviers. Superbement mis en valeur sur le plateau, le dispositif provoque un charme sonore envoutant dès les premières notes. L’ambitus expressif semble infini dans une débauche de couleurs à l’intensité toujours variée, le tout selon une virtuosité rythmique sans précédent chez le compositeur. Pierre Bleuse conduit ses musiciens avec élan et souplesse à travers les beautés profuses de ce chef-d’œuvre.