












|
 |
CRITIQUES DE CONCERTS |
16 avril 2025 |
 |
Version de concert de Siegfried de Wagner sous la direction de Kent Nagano Ă la Philharmonie de Paris.
Siegfried Ă la source
L’instrumentarium d'une lecture orchestrale historiquement informée de Siegfried n’est pas sans poser de problèmes d’équilibre, mais l’intéressant projet de Kent Nagano souffre surtout d’une direction à fond de train sans autre vertu que la transparence. Le travail effectué avec les chanteurs s’avère autrement probant, notamment sur l’intelligibilité du texte.
|
 |
Mithridate phtalocyanine
Siegfried Ă la source
L’inspiration souterraine
[ Tous les concerts ]
|
Depuis huit ans Kent Nagano a réfléchi à un Wagner historiquement informé, d’abord à travers des concerts-lectures, puis d’un Ring complet en version de concert. De ce dernier projet en association avec Jan Vogler, directeur artistique du festival de Dresde, Paris ne verra qu’un unique volet, le Siegfried programmé ce soir. La partition orchestrale, sans doute la plus novatrice de la Tétralogie, est tenue par la réunion de deux ensembles habitués à des pratiques éclairées, le très établi Concerto Köln et le moins connu Orchestre du festival de Dresde.
Dans la vaste acoustique de la salle Pierre Boulez, les cordes se taillent la part du lion, avec des couleurs superbes, en particulier pour le pupitre de contrebasses d’une expressivité remarquable. La petite harmonie souffre nettement en revanche des limites dynamiques de la facture instrumentale et montre également quelques inégalités de pupitres. On apprécie en revanche les couleurs spécifiques des cuivres en pardonnant des fragilités passagères.
Le souci de transparence de Kent Nagano explique peut-être une direction qui ne s’attarde jamais et ne souligne rien, au point de passer complétement à côté de la noirceur angoissante du prélude de l’acte I, ou d’éparpiller des Murmures de la forêt dans une lecture verticale sans lyrisme. Pour autant, la cohérence laisse aussi à désirer, à l’instar du prélude du III évoquant davantage ce soir une cacophonie qu’un orage cosmogonique. Mais cette direction modeste n’entrave en rien le formidable travail réalisé par les chanteurs.
Le plus étonnant d’entre eux, le Belge Thomas Blondelle, incarne littéralement son Siegfried, personnage mal dégrossi et brutal qui apprend avec bénéfice de ses aventures et rencontres successives. S’il manque à sa tessiture quelques aigus pas toujours joliment escamotés et que le timbre appartient à un chanteur de caractère, le médium rougeoie comme une forge et ne s’écrase jamais dans des accès de puissance bienvenus.
Le Mime impeccable de Christian Elsner appartient en comparaison à une veine très classique, alors qu’il y avait la place pour un approfondissement de son caractère sournois. La présence du timbre suffit presque au Wotan de Derek Welton, qui cultive plus la noblesse et l’humanité que la noirceur et les mystères. Daniel Schmutzhard fait un Alberich à la violence univoque tandis qu’Hanno Müller-Brachmann, chantant l’essentiel de sa partie avec un porte-voix du meilleur effet, déploie une ligne élégante. Surprise rafraîchissante, l’Oiseau est chanté par un jeune garçon du Tölzer Knabenchor.
Gerhild Romberger ne se présente pas sous son meilleur jour en Erda, la voix paraissant voilée sur la majeure partie de la tessiture alors que seules les notes plus graves conservent leur timbre. Enfin, si le bas médium d’Åsa Jäger reste d’une discrétion problématique, les aigus de sa Brünnhilde sonnent de manière époustouflante. Leur rondeur et leur puissance emmènent la scène du réveil et le duo final avec le héros jusqu’au triomphe.
|  | |

|
Philharmonie, Paris Le 04/04/2025 Thomas DESCHAMPS |
 | Version de concert de Siegfried de Wagner sous la direction de Kent Nagano Ă la Philharmonie de Paris. | Richard Wagner (1813-1883)
Siegfried, opéra en trois actes (1871)
Livret du compositeur
Thomas Blondelle (Siegfried)
Christian Elsner (Mime)
Derek Welton (Wotan)
Daniel Schmutzhard (Alberich)
Hanno MĂĽller-Brachmann (Fafner)
Gerhild Romberger (Erda)
Åsa Jäger (Brünnhilde).
Dresdner Festspielorchester
Concerto Köln
direction : Kent Nagano |  |
|  |
|  |  |
|