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CRITIQUES DE CONCERTS |
24 avril 2025 |
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Messe en si de Bach sous la direction de Klaus Mäkelä à la Philharmonie de Paris.
Messe indécise
Pur objet musical plutôt que voyage spirituel, la Messe en si de Bach selon Klaus Mäkelä fascine par endroits mais souffre d’hésitations stylistiques et d’une pratique plus régulière de ce répertoire par l’orchestre. Le chœur du Concert d’Astrée, l’alto Wiebke Lehmkuhl et quelques solos instrumentaux marquent la soirée.
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Messe indécise
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Le défi est de taille. Pour un chef et un orchestre rompus au répertoire de Mozart à nos jours, la Messe en si représente nombre de difficultés stylistiques à moins de ne tenir nullement compte des acquis musicologiques des cinquante dernières années. À l’impossible nul n’est tenu, Klaus Mäkelä a choisi un entre-deux : sa lecture du chef-d’œuvre baroque ne se présente que partiellement historiquement informée.
Avant le début du concert, on dénombre une quarantaine d’instrumentistes et vingt-huit choristes venus du Concert d’Astrée. Ces derniers se montrent dès le Kyrie garants d’une certaine articulation et lisibilité de la polyphonie. Les membres de l’Orchestre de Paris, en particulier les cordes, ne paraissent pas très à l’aise dans cette œuvre qu’ils n’ont pas jouée depuis 2001.
On note quelques archets baroques contre une majorité de modernes. L’équilibre chœur-orchestre ne se réalise que progressivement. Mäkelä pratique de vifs contrastes de tempos. Les plus rapides confinent au vertige. Au-delà de l’éventuelle outrance, ils mettent en difficulté orchestre et chœur dans le Cum Sancto Spiritu. Sans doute aurait-il fallu des répétitions supplémentaires pour parvenir à un vrai fini plastique qui semble l’objectif principal du chef en lieu et place de la spiritualité.
Néanmoins, l’Et incarnatus est phrasé comme un moment suspendu hypnotique provoquant une sensation d’effroi tétanisante qui se communique au Crucifixus avant que la virtuosité n’éclate de nouveau. Une courte pause avant le Sanctus permet aux choristes de l’Académie du Chœur de l’Orchestre de Paris de se joindre aux autres exécutants pour le reste de la messe. Ces jeunes musiciens ne déméritent pas, mais si l’on comprend la nécessité de les employer au fil de la saison, il faut souligner la fâcheuse rupture stylistique produite ici.
Plus de soixante choristes au lieu de vingt-huit modifient notre perception de la polyphonie. Moins nette, celle-ci cède la place aux impressions harmoniques, certes brillantes dans les deux dernières parties de l’œuvre. Et face à ces forces doublées, le chef doit modifier sa gestique, plus large et appuyée, faisant pencher le curseur vers une conception à la Karajan.
Au gré des quatre numéros, les solistes apportent satisfaction même si le choix du baryton Milan Siljanov au lieu d’une basse frustre quelque peu, d’autant que le cor l’accompagne de manière fébrile. Nikola Hillebrand remplace Julia Kleiter souffrante. Sa voix s’apparie bien à celle du ténor Nicholas Scott, peut-être trop extraverti. Elle prend en revanche toute la lumière face à l’alto de Wiebke Lehmkuhl, mais cette dernière enchante l’Agnus Dei par l’étendue de son souffle et l’intensité rentrée de sa ferveur. Enfin, il faut souligner la très grande réussite des solos de Sarah Nemtanu (premier violon invité), d’Éric Picard (premier violoncelle) et le soutien constant apporté par Marie Van Rhijn au clavecin ou à l’orgue.
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Philharmonie, Paris Le 09/04/2025 Thomas DESCHAMPS |
 | Messe en si de Bach sous la direction de Klaus Mäkelä à la Philharmonie de Paris. | Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Messe en si mineur, BWV 232 (1748)
Nikola Hillebrand, soprano
Wiebke Lehmkuhl, alto
Nicholas Scott, ténor
Milan Siljanov, baryton
Académie du Chœur de l’Orchestre de Paris
Chœur Le Concert d’Astrée
préparation : Richard Wilberforce & Gisèle Delgoulet
Orchestre de Paris
direction : Klaus Mäkelä |  |
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