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CRITIQUES DE CONCERTS |
30 avril 2025 |
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Concert de l’Orchestre de Paris sous la direction de Jukka-Pekka Saraste, avec le concours de la soprano Elsa Dreisig à la Philharmonie de Paris.
Les cygnes entrent dans Paris
Le magnifique programme proposé par Jukka-Pekka Saraste ne tient pas toutes ses promesses. Sa direction fige dans la masse l’Ouverture tragique de Brahms mais donne le meilleur d’elle-même dans une Symphonie n° 5 de Sibelius âpre et organique, après avoir peiné à se plier aux équilibres des Quatre derniers Lieder de Strauss magnifiquement chantés par Elsa Dreisig.
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Les cygnes entrent dans Paris
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Concentré, Jukka-Pekka Saraste plante le portique abrupt de l’Ouverture tragique de Brahms. Sous sa baguette, les musiciens de l’Orchestre de Paris répondent avec densité et cohésion : pas de doute, il s’agit bien d’une musique nordique dirigée par un Nordique ! Mais rapidement, on s’interroge sur l’absence de caractère tragique face à un emballement plus typiquement héroïque.
Malgré la finesse de jeu du timbalier, les sections plus intimes passent sans marquer. Sans doute les cordes au nombre de soixante jouent-elles un peu trop fort, menaçant la balance orchestrale et noyant quelque peu le discours. Ce problème perdure par moment dans la pièce suivante malgré un effectif plus adéquat.
Frühling, le premier et peut-être le plus piégeux des Quatre derniers Lieder de Strauss fait l’objet d’une attention particulière du chef qui choisit un tempo assez mesuré permettant à la soliste de s’épanouir dans la lumière. Elsa Dreisig délivre un chant d’une grande homogénéité. Le timbre cuivré servi par un souffle exemplaire captive. Du rang 17 de l’orchestre, on devine plus qu’on entend une diction irréprochable. September rompt cette félicité en raison de l’accompagnement déséquilibré.
Saraste lâche les cordes au niveau de la dynamique mais aussi sur le plan expressif au point que les premiers violons se décalent méchamment, ruinant la brillance du tissu orchestral. Heureusement, le fantastique solo de cor d’un musicien invité, Félix Dervaux, vient ramener poésie et hédonisme sonore. Dreisig saisit parfaitement le ton mélancolique de Beim Schlafenghen et fait regretter que le violon solo, bien discret, phrase trop court. Le Finlandais garde un tempo strict pour Im Abendrot où Dreisig émeut par une sobriété très en situation alors que l’orchestre devient d’une minéralité sublime.
Après l’entracte, le chef revient pour une œuvre appartenant à son cœur de répertoire, car voici près de quarante ans qu’il dirige la Symphonie n° 5 de Sibelius. Ce soir, il offre le meilleur de son art dans une lecture qui happe dès l’entrée des cors, qui vont se couvrir de gloire tout du long. L’orchestre métamorphosé trouve une respiration collective qui avait souvent fait défaut jusqu’ici.
L’entrée frémissante des cordes en est sans doute la meilleure illustration. L’urgence sous-tend l’ensemble sans aucune raideur. Cette direction fuit les joliesses et évoque des matières organiques. Le deuxième mouvement touche par la simplicité de ses effusions maîtrisées, mais bien évidemment c’est l’Allegro molto qui sidère.
Saraste dessine les grands espaces qu’il éclaire avec maestria. L’orchestre le suit comme un seul homme, offrant une coordination impressionnante entre mouvement général et détails. Les cygnes semblent littéralement survoler la salle Pierre Boulez. Les contrebasses figurent comme jamais le battement sonore de leurs ailes avant que les derniers accords ne figent dans le granit ce prodige.
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Philharmonie, Paris Le 24/04/2025 Thomas DESCHAMPS |
 | Concert de l’Orchestre de Paris sous la direction de Jukka-Pekka Saraste, avec le concours de la soprano Elsa Dreisig à la Philharmonie de Paris. | Johannes Brahms (1833-1897)
Ouverture tragique, op. 81 (1880)
Richard Strauss (1864-1949)
Vier letzte Lieder, WoO 150 (1948)
Elsa Dreisig, soprano
Jean Sibelius (1865-1957)
Symphonie n° 5 en mib majeur, op. 82 (1919)
Orchestre de Paris
direction : Jukka-Pekka Saraste |  |
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