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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Cycle " D'après l'Antique " à l'Auditorium du Louvre.
Des faunes et des fauves
Pour son cycle " D'après l'Antique ", l'Auditorium du Louvre a réuni certains compositeurs, qui, à la fin du XIXe, puisent leur inspiration dans la mythologie grecque. À l'exception du Sacre du Printemps, le concert du 22 novembre dernier en était une illustration avec Debussy, Dukas et Szymanowski.
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De son Prélude à l'après-midi d'un Faune, Debussy disait : " C'est un berger qui joue de la flûte, assis le cul dans l'herbe ! ", soulignant par là avec humour qu'une expressivité débordante n'était pas de mise pour interpréter son oeuvre. De fait, si une flûte émerge de l'orchestre dont elle prolonge le chant jusqu'à l'envelopper, elle n'est manifestement pas traitée comme instrument soliste. Les timbres se fondent.
Or la version proposée en ce début de concert est la transcription de Samazeuilh pour piano et violon où ce dernier, reprenant la partie de flûte, devient soliste. En interprétant cette version, le violoniste Daishin Kashimoto s'emploie à retrouver une certaine sensualité – aiguës éthérés, suspension du son, archet tiré au maximum -, mais l'instrument trop sonore et trop lyrique face au piano ne parvient pas à faire oublier la trahison infligée à Debussy.
En guise de repentance, le concert se poursuit avec l'arrangement pour deux pianos du même Faune laissé par Debussy lui-même. Si cette version gomme quelque peu l'aspect coloriste et voluptueux de la vision orchestrale, l'oeuvre gagne en mystère et en suggestivité. Les pianistes Brigitte Engerer et Giovanni Belluci restituent avec finesse les effets orchestraux et le " rêve " debussyste : effleurement des notes arpégées de la harpe, timbre cristallin des cymbales antiques et rythmique appuyée de Bellucci dans les trilles du hautbois.
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La subtilité de leur jeu se retrouve dans les Six Épigraphes antiques du même compositeur, partition en demi-teinte où l'évocation et le non-dit règnent encore en maître. Leur interprétation est sans afféterie, et riche d'un jeu perlé comme d'un sens du relief accompli. Étrangement, Giovanni Belluci paraît plus apprêté et moins consistant dans La plainte au loin du faune où Paul Dukas rend hommage à Debussy.
Dans Mythes de Szymanowski, le faune fait place à Narcisse et aux Dryades mais l'écriture musicale reste tout aussi allusive. Ce qui frappe ici chez le jeune Daishin Kashimoto (21 ans), est la maîtrise de aiguës, parfois à la limite de la perception auditive. Leur netteté rend les dissonances saillantes tandis que leur vibration évoque le reflet trouble de Narcisse qui se mire dans l'eau. Dans Dryades, la finesse des trilles témoignent d'un artiste dont la technique n'a rien de la virtuosité d'une bête à concours (il est pourtant lauréat du Long-Thibaut).
À l'entracte, les faunes sont mués en fauves et les nymphes en victimes sacrificielles. Avec le Sacre du Printemps, on est presque à l'opposé de Debussy, et les deux pianistes y sont manifestement moins à leur aise. Ils en font une oeuvre pianistique où la pyrotechnie est certes flatteuse mais ne parvient pas à duper longtemps les oreilles sur le manque de point de vue à défendre.
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Auditorium du Louvre, Paris Le 22/11/2000 Pauline GARAUDE |
| Cycle " D'après l'Antique " à l'Auditorium du Louvre. | C. Debussy : Prélude à l'après-midi d'un faune (pour violon et piano)
K. Szymanowski : Mythes
P. Dukas : La Plainte, au loin, du faune
C. Debussy : Six Épigraphes antiques
C. Debussy : Prélude à l'après-midi d'un faune (pour deux pianos)
I. Stravinski : le Sacre du printemps (pour deux pianos)
Daishin Kashimoto, violon
Brigitte Engerer et Giovanni Bellucci, pianos | |
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