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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Récital de Shlomo Mintz, Salle Verdi, Milan
Une architecture de lumières
Shlomo Mintz
Ce soir-là , un homme et son violon seuls sur l'ample et sobre plancher de la Salle Verdi du Conservatoire de Milan. En face, près de deux mille spectateurs fidèles de Shlomo Mintz, venus écouter un violoniste qui, se produisant dans ce lieu depuis bien plus de dix ans, se livre cette année à cet exercice d'une hardiesse rare.
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D'emblée, avant même qu'il ne donne voix à son violon, Shlomo Mintz impressionne par le calme et la solidité qu'il dégage : dans un climat général de silence attentif, par sa présence et ses gestes qui ont toujours quelque chose de solennel, il était venu révéler la beauté de la musique de Bach, en toute simplicité et en toute profondeur.
Difficile d'imaginer début de concert plus simple que l'Allemande de la Seconde Partita pour violon seul. Et difficile aussi de définir la manière dont l'artiste a joué ce chef-d'oeuvre ; car en écoutant ce son lumineux, ces lignes mélodiques déployées avec tant de clarté et d'équilibre, avec une grande simplicité aussi, l'impression est que Mintz n'est pas en train d'interpréter l'oeuvre : il nous révèle quelque chose de beau et de grand. Il n'est plus interprète, mais instrument, un instrument de cristal dont la pureté et la limpidité laissent la lumière de l'inspiration librement passer et atteindre intacte les spectateurs. Aussi, le public a assisté, presque hypnotisé, à l'exécution de cette merveilleuse Partita, qui s'est déroulée comme un ruisseau de lumière, de façon aussi naturelle, nécessaire et inévitable. Le son qu'il crée avec son précieux Guarnieri del Gesù, semble avoir la mystérieuse qualité de combiner le froid et le chaud au même temps, tel un ciel bleu d'hiver, net et lumineux, mais préservant en même temps une présence matérielle et plastique palpable. Peut-être peut-on expliquer ce paradoxe par la rencontre entre l'intégrité du musicien et la chaleur de l'instrument. L'exécution de la Gigue fut particulièrement belle, le jeu de Mintz donnant sa pleine splendeur à la musique de Bach, celle-ci en retour mettant somptueusement en exergue les qualités de Mintz. Passée la Gigue, après un court silence, voilà que résonnaient dans la grande salle les accords de la célèbre Chaconne qui conclue la Partita. Mintz n'a pas eu ici la moindre tentation de s'enflammer, d'aller au-delà de la passion qu'on attribue aux exécutions du temps de Bach, évitant de compromettre l'architecture générale et les jeux d'équilibre qu'il venait d'édifier avec une étonnante mesure, et avec une formidable distribution des énergies. Il a au contraire joué ce véritable monument sonore qu'est la Chaconne, avec une maîtrise et un goût rares. Une Chaconne compacte, admirablement structurée, in tempo mais sans sacrifier le naturel, avec sentiment mais jamais sans noblesse, tendrement mais sans langueur, puissante et glorieuse mais sans ne jamais se laisser emporter. Dans sa loge, à la fin du concert, il a dit la même chose, cette fois avec ses mots : " la musique de Bach a plus que deux cent ans, et elle est toujours actuelle, elle a toujours quelque chose à nous dire, maintenant et dans cent ans encore. "
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Après la pause, deuxième partie du récital avec au programme la Troisième Sonate de Ysaÿe (dédié à George Enescu) et 6 des 24 Caprices op.1 de Paganini. Pièce de grands élans émotifs, la Sonate a été jouée impeccablement, avec une aisance qui ne laissait guère imaginer aux non-violonistes sa réelle difficulté. Si on admet que Mintz est dans un certain sens un musicien " sans surprises ", dans la mesure où il ne laisse le moindre élan échapper à sa maîtrise constante ; et si l'on considère ce genre d'élans comme élément indispensable de motricité interne, comme âme vivante du vaste répertoire auquel cette sonate appartient, alors l'exécution de Mintz peut paraître dépourvue d'élan. Mais devant un tel sens de la structure et de l'organisation, qui a éclairé la Sonate comme jamais auparavant, on se demande combien de spectateurs ce soir-là en désiraient vraiment, des surprises. Quant aux Caprices de Paganini, Mintz réussit pleinement à transcender le simple exercice d'acrobaties techniques et de virtuosité funambulesque. Devant les incroyables difficultés éprouvant constamment la solidité de tout violoniste, Shlomo Mintz a gardé un calme imperturbable, du haut de son exceptionnelle maîtrise.
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Sala Verdi, Milano Le 11/01/2001 Lorenzo QUATTROPANI |
| Récital de Shlomo Mintz, Salle Verdi, Milan | Bach : Partite nr.2 en ré mineur pour violon violon BWV 1004
Ysaye : Sonate nr.3 en ré mineur " Ballade "
Paganini : 6 Caprices de l'op.1 pour violon violon
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