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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Création française du Procès de Gottfried von Einem à l'Opéra de Nantes.
Un Procès gagné
Malgré quelques belles tentatives pour la promouvoir, la musique de Gottfried von Einem reste confidentielle en France. Comme souvent par le passé, l'Opéra de Nantes a fait un pari audacieux, en assurant la création française du Procès : pari gagné grâce à un beau travail d'équipe.
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Qui, dans l'Hexagone, connaît vraiment les opéras de Gottfried von Einem ? Le Grand-Théâtre de Bordeaux a pourtant monté, en 1965, La Mort de Danton, d'après le drame de Georg Büchner, l'opéra qui, créé à Salzbourg, en 1947, établit aussitôt la renommée du compositeur. On a aussi entendu, à l'Opéra de Strasbourg, en 1973, La Visite de la vieille dame, d'après la pièce de Friedrich Dürenmatt. Mais Le Procès, commandé par le ministère autrichien de l'Instruction, et dont la première fit grand bruit en 1953, toujours à Salzbourg, avait seulement été exécuté en concert, à Radio France, en 1967. L'Opéra de Nantes en propose aujourd'hui la création scénique française. Après Kullervo de Sallinen, Susannah et Des Souris et des hommes de Carlisle Floyd, et Till l'Espiègle de Karetnikov, la politique audacieuse voulue par Philippe Godefroid continue de porter ses fruits.
La musique du Procès porte son âge, ce qui n'est pas répréhensible. Von Einem avait, au premier abord, été tenté par le dodécaphonisme. Il y a renoncé (sauf au début du premier tableau), au profit d'une écriture plus traditionnelle, plus souple, sans doute, et dont les deux facettes s'articulent assez habilement : l'une, très lyrique, et faisant la part belle aux cordes et à un soupçon de mélodie, l'autre, heurtée, cassante, dans laquelle les vents prennent le dessus, ainsi que les percussions, et qui n'est pas sans rappeler Stravinsky. Un rude travail, pour l'Orchestre des Pays de la Loire, mais mené avec sérieux et conviction. Il est dommage, toutefois, que la direction de Merion Powell, passablement molle dans le premier tableau, ne ménage pas davantage la progression de la tension dramatique, qui devrait être comme un étau se resserrant progressivement et inéluctablement et non pas établie une fois pour toutes. Metteur en scène et décorateur, Eric Chevalier enferme K. dans le réseau d'un labyrinthe qui se dévoile peu à peu, une fois ôtés les quelques éléments de décor (plancher compris) évoquant un monde de petits bourgeois étriqués ; la métaphore est d'autant mieux illustrée que les côtés et le fond de la scène sont vides, donnant une impression d'espace illusoire, et de fausse liberté. Il fallait, pour incarner les multiples personnages de l'intrigue, de bons comédiens et une équipe soudée - une partie de ses membres vient du cadre de choeur maison. Mission accomplie, et chaque silhouette est caractérisée avec soin, même si certaines voix sont à peine suffisantes, y compris celle, décevante, de Ksenija Skacan, dans une triple composition. Le Titorelli d'Antoine Normand est particulièrement marquant. John Hurst est Josef K. ; il en possède la voix solide et vaillante de ce rôle difficile et écrasant, qu'il maîtrise magistralement. Son anti-héros est fragile et inquiet, excessif, emporté, fidèle à Kafka comme l'est cet opéra qu'il était intéressant de découvrir dans une production dont on peu louer la probité.
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Opéra Graslin, Nantes Le 19/01/2001 Michel PAROUTY |
| Création française du Procès de Gottfried von Einem à l'Opéra de Nantes. | Le procès de (Gottfried von Einem)
Eric Chevalier, mise en scène & décors
Merion Powell, direction musicale
Orchestre des Pays de la Loire
Avec John Hurst (Josef K.), Ksenica Skacan (Mademoiselle Bürstner/ la Femme de l'huissier/Leni), Antoine Garcin (Titorelli), René Linnenbank (Albert K.), Christian Davesnes (l'avocat). | |
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