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CRITIQUES DE CONCERTS |
30 octobre 2024 |
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Intégrale des Sonates pour violon et piano de Brahms par Christian Tetzlaff et Lars Vogt au Théâtre de la Ville de Paris.
Brahms et la boîte à pastels
Christian Tetzlaff et Lars Vogt ont récemment donné l'intégrale des Sonates pour violon et piano de Brahms. Une approche très personnelle que l'on aime ou que l'on rejette, mais qui se défend. La versatilité de la musique de Brahms ne cacherait-elle pas un univers ineffable au teint diaphane ?
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La musique de chambre brahmsienne est à l'évidence intimiste. Le climat de confidence et l'écriture parfaitement équilibrée entre deux instruments qui conversent, comme en attestent ses Sonates pour piano et violon. Au fil des trois Sonates, cette confidence trahit un Brahms tour à tout rêveur mélancolique, exalté et capricieux.
Autant de facettes que Christian Tetzlaff et Lars Vogt ont préféré délaisser au profit d'un éclairage beaucoup plus diaphane. Est-ce pour lui donner ce teint, que le violon au timbre translucide est si prépondérant et le piano si effacé ?
Tetzlaff joue constamment avec un vibrato fébrile – presque maladif-, mêlé d'agitation et de précipitation dès que la dynamique va crescendo et que le rythme gagne en verve. À l'inverse, tout épanchement est murmuré, sans enveloppe charnelle. Il joue à fleur de cordes mais avec clarté ; d'où une sonorité ambiguë à la fois flottante mais pourtant bien présente.
Le pianiste s'accorde au même diapason. Son discours filtre la lumière et la laisse rarement jaillir, sauf dans la dernière Sonate, brillante et puissante. Ici, leur jeu est loin de démontrer une quelconque faiblesse. Ils défendent une même conception d'un bout à l'autre des Sonates, celle d'un Brahms translucide et demi-teinte. Une autre vision de l'intimisme brahmsien ?
Quoi qu'il en soit, les artistes ont eu l'ingénieuse idée d'intercaler entre chaque Sonate les 4 pièces op. 7 de Webern, jouées comme au jour de leur création en avril 1911, avant et après l'entracte. Bizarrement, ce coloris transparent qui chez le romantique peut étonner, est chez le viennois beaucoup plus séduisant. Le son du violon est à la limite de la perception sonore alors que le pianiste joue de manière franche les notes de la série. Le contraste est plus saisissant dans les deux pièces au caractère incisif, où les pizzicatis du violon évoquent l'image de ces vers de Paul Valéry : "L'insecte net gratte la sécheresse".
L. Vogt et C. Teztlaff, comme s'ils avaient senti le public perplexe par les Sonates, ont rejoué en guise de bis une oeuvre brillante et virtuose : le scherzo de Brahms, pièce la plus applaudie du concert. Dommage qu'ils n'aient rangé leur boîte de pastels qu'à la fin du concert.
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Théâtre de la Ville, Paris Le 03/02/2001 Pauline GARAUDE |
| Intégrale des Sonates pour violon et piano de Brahms par Christian Tetzlaff et Lars Vogt au Théâtre de la Ville de Paris. | Christian Teztlaff, violon
Lars Vogt, piano
Brahms : Sonate n°1
Webern : 4 pièces op.7
Brahms : Sonate n°2
Webern : 4 pièces op.7
Brahms : Sonate n°3
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