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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concert de l'Orchestre Philharmonique de Radio France avec le baryton Matthias Goerne.
L'héritier de Dietrich
La semaine passée, le baryton Matthias Goerne était invité par l'Orchestre Philharmonique de Radio France au Théâtre du Châtelet. Si la phalange française a moins brillé que pour sa dernière prestation Salle Pleyel, en revanche le chanteur allemand s'est révélé digne héritier de son maître Dietrich Fischer-Dieskau.
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Oublions d'entrée l'exécution décidément trop banale de l'Ouverture III de Leonore, et celle sans histoire de la 5ème Symphonie de Chostakovitch : difficile d'y percevoir ni les larmes, ni la fureur de celui qui deviendra en l937 (l'année de la création de l'oeuvre et en même temps celle des sinistres purges soviétiques), un "suppôt de la subversion".
Concentrons-nous sur le moment exceptionnel du concert : les six monologues du compositeur suisse Frank Martin (189O-1974), extraits du drame de Hugo von Hofmannstahl, et interprétés par le baryton Matthias Goerne. Inspirés des mystères médiévaux, tels qu'on les représentait sur le parvis des cathédrales, ils rappellent la parabole de l'homme riche qui, se sentant proche de sa fin, se désole de devoir abandonner son or et ses trésors, et invoque la puissance céleste qui lui fera prendre conscience enfin de la vanité des choses de ce monde.
Pour dire cette longue et poignante déploration, habitée par l'épouvante de la mort, le timbre de velours sombre de Matthias Goerne fait merveille. Le baryton a appris de son maître Dietrich Fischer-Dieskau cette science du chant et cette intelligence du texte qui font les grands chanteurs, capables d'aborder tous les styles. Déjà , un Wozzeck à Zürich, un Papageno à Salzbourg, un Tannhaüser à Berlin, avaient annoncé la naissance d'une étoile.
Mais ce soir-là , le Jedermann de Frank Martin, tissé de combinaisons sonores extrêmement complexes, lui donnait l'occasion de s'exprimer dans une registre à haut risque, imposé par l'impressionnante nudité d'une partition qui expose l'interprète impitoyablement et le contraint à négocier bravement avec le climat très expressionniste de l'orchestration. Mission accomplie. Et puisque le concert s'inscrivait dans le cycle La voix et l'orchestre, je dirais que franchement, on n'en demandait pas plus !
A ceux qui n'ont pas eu la chance de l'entendre vendredi dernier , je conseille fortement quatre enregistrement de Matthias Goerne : Hollywood Songbook de Hanns Eisler, lesLiederkreis II, Opus 39, les Kerner –Lieder, Opus 35 de Schumann, et le petit dernier, un récital d'airs d'opéra chez Decca¨(La flûte enchantée, Les Noces de Figaro, Don Giovanni, Wozzeck, Ariane à Naxos), en compagnie du soprano radieux de Dorothea Röschmann.
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Théatre du Châtelet, Paris Le 09/03/2001 Françoise MALETTRA |
| Concert de l'Orchestre Philharmonique de Radio France avec le baryton Matthias Goerne. | Ludwig van Beethoven: Leonore III, Ouverture
Frank Martin : Six Monologues de " Jedermann " pour baryton et orchestre
Dimitri Chostakovitch : Symphonie n°5 en ré mineur
Orchestre Philharmonique de Radio France
Direction : Myung-Whun-Chung
Matthias Goerne (baryton)
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