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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Récital de la mezzo Guillemette Laurens en compagnie du Poème Harmonique de Vincent Dumestre au Théâtre du Palais Royal.
Profession: sculpteuse de verbe
Guillemette Laurens est une tragédienne de haute stature difficile à égaler quand son art de diseuse s'exprime dans les raffinements du parlé – chanté à l'italienne. En écho à ses brillants enregistrements avec le Poème Harmonique de Vincent Dumestre, elle vient de donner un récital au Théâtre du Palais-Royal.
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Au programme, deux compositeurs peu connus : Castaldi et Belli. Membre de la Camerata du comte Bardi à Florence, Belli faisait cependant entendre un discours éminemment personnel, alors que Castaldi s'était lié, épistolairement, à un Monteverdi qui lui portait une estime évidente.
Ces deux indications suffiront pour évoquer les enjeux d'une musique entièrement vouée à la sculpture du verbe. Orfèvre en la matière, Guillemette Laurens a joué un rôle essentiel dans les réussites que furent les disques passionnés consacrés à ces deux compositeurs pour le label Alpha.
Au concert, la dimension dramatique garde tout son impact. La chanteuse a visiblement pris la mesure de l'acoustique impitoyablement sèche du Théâtre du Palais-Royal, accordant une attention permanente au soutien de sa voix, y compris dans les notes piano qu'elle a largement utilisées. Mais elle est restée fidèle à sa réputation, se gardant bien d'égréner les notes, assumant avec bonheur des prises de risque dictées par sa personnalité naturellement théâtrale.
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Rarement les affetti ont été traduits si souverainement, une véritable leçon de projection des mots : le public a retenu son souffle devant la véhémence de l'incroyable Lettera d'Heleazaria Hebraïca castaldienne, où une mère juive prend à parti Vespasien assiégeant Jérusalem, ou encore devant le traitement des chromatismes que Belli déploie dans l'étonnant Ardo ma non ardisco.
Face à un tel tempérament, on a vite pardonné une intonation parfois douteuse et une propension à oublier la morbidezza attendue, par exemple, dans les délicates courbes mélodiques du Si dolce il tormento de Monteverdi ou du Dolce miei martiri de Belli. Ses partenaires n'ont pas réussi, il est vrai, à compenser ces défauts.
Si la richesse des cordes pincées (théorbe, tiorbino, harpe triple) contribue efficacement à la percussion du récitatif, la cohésion n'a pas été irréprochable. La manière si caractéristique de Sophie Watillon (souvent fausse lorsqu'elle tient le dessus de viole) n'a pas non plus suffi à véritablement animer l'ensemble.
Vincent Dumestre lui-même, dans ses "interludes" au théorbe empruntés à Kapsberger n'a pas exceptionnellement brillé. Prudent, il avait choisi de dissimuler son manque d'assurance sous des nappes envahissantes de Lirone.
Qu'importe, une grande partie de l'audience venait pour Guillemette Laurens, elle n'a pas été déçue, particulièrement dans une fin de soirée irrésistible de drôlerie (Chi vidde più lieto de Castaldi, où l'on vit la chanteuse siffler, tousser et même cracher).
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Théâtre du Palais-Royal, Paris Le 05/03/2001 Isabelle APOSTOLOS |
| Récital de la mezzo Guillemette Laurens en compagnie du Poème Harmonique de Vincent Dumestre au Théâtre du Palais Royal. | Il stile nuovo
Guillemette Laurens, mezzo-soprano
Le Poème Harmonique : Sophie Watillon (dessus de viole & basse de viole), Friedericke Heumann (lirone), Massimo Moscardo (tiorbino & guitare baroque), Nanja Breedijk (harpe tripe), Joël Grare (percussions), Vincent Dumestre (théorbe, guitare baroque & direction).
ÂŒuvres de Castaldi, Belli & Kapsberger.
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