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CRITIQUES DE CONCERTS 21 décembre 2024

Récital du pianiste Fazil Say au Théâtre des Champs-Élysées.

Les quatre mains
de Fazil Say

© Eric Sebbag

Fazil Say est décidément un pianiste audacieux. Dévaler des cascades de notes ne lui suffit pas; il lui faut encore et toujours élargir les possibilités de son instrument, chercher de nouvelles sonorités pour parvenir à cet état proche de la transe qui a marqué son dernier récital, où il donnait son étonnante vision du Sacre du printemps.
 

Théâtre des Champs-Élysées, Paris
Le 19/03/2001
Mathias HEIZMANN
 



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  • La fin du XXe siècle nous a habitués à des concerts studieux où l'on n'ose bailler de peur d'être regardé de travers. Pourtant, dans la clandestinité de leurs logis, le rouge au front, certains mélomanes écoutent inlassablement les bandes de Friedman ou d'Horowitz en se disant qu'il se passait autre chose à leur époque. Et puis surgit un Fazil Say, et malgré un halo de polémiques stériles, on se prend à croire au retour des bêtes de scènes qui enflammaient les foules.

    Fazil Say a en lui la force de ceux qui ont une grande cause à défendre et une imagination capable de faire voler en éclat les a priori les plus tenaces. Ainsi en est-il du piano : on croyait en avoir fait le tour, cerné ses possibilités sonores et ces capacités à imiter l'orchestre. On avait oublié que la technique permet d'ajouter une troisième main, voire une quatrième, au pianiste en mal d'espace ; le tout grâce à une invention déjà ancienne que la firme Yamaha a popularisé avec son célèbre Disklavier (d'ailleurs rien d'autre qu'une version électronique du pianola de Debussy).

    Fazil Say reprend donc le Sacre du printemps en jouant avec les possibilités de son Bösendorfer Midi. Ce faisant, il parvient à un tour de force qui en dit long sur ses moyens pianistiques et musicaux : restituer l'univers orchestral de l'oeuvre originelle en lui donnant une dimension spectaculaire qui dépasse de loin la simple fascination pour la virtuosité pianistique.


    En fait il y a sans doute, dans cet exercice étonnant, une dimension schizophrène inhérente au piano virtuose, mais qui prend ici une ampleur particulière : Fazil Say joue avec son double puisqu'il a lui même enregistré la deuxième partie de l'oeuvre, et, ce faisant, il trouble tous les repères temporels. "L'ici et le maintenant" n'ont plus vraiment de sens, et cette mise en scène de la folie ne peut laisser indifférent.

    Mais le plus fascinant, c'est de retrouver cet état dans de Bach (le prélude et fugue BWV 543 transcrit par Liszt, la Chaconne de la Partita pour violon transcrite par Busoni et la Fantaisie Chromatique) : là aussi ce dédoublement paraît évident dans la manière dont le pianiste gère les développements polyphoniques, et cette fois sans artifice technique.

    Sa capacité à faire chanter le moindre motif et à multiplier à l'infini les plans sonores vient précisément de là. Fazil Say joue avec les différentes facettes de sa personnalité comme un enfant gourmand qui, une fois rendu dans la boutique d'un marchand de confiserie, refuse de choisir entre les truffes, les calissons et les nougats. Mais sa gourmandise n'a d'égale que sa générosité.




    Théâtre des Champs-Élysées, Paris
    Le 19/03/2001
    Mathias HEIZMANN

    Récital du pianiste Fazil Say au Théâtre des Champs-Élysées.
    Récital Fazil Say
    Jean Sébastien Bach : Prélude et fugue BWV 543 (transcrit par Liszt), Chaconne de la Partita pour violon n° 2, BWV 1 004 (transcrite par Busoni) Fantaisie Chromatique en ré mineur, BWV 903.
    Stravinski : Le Sacre du printemps transcrit à quatre mains et joué sur piano préparé Bösendorfer.

     


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