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L'ACTUALITE DE LA DANSE 23 novembre 2024

Spectacle Danseurs Chorégraphes à l'Opéra de Paris.

Et en plus, ils créent

© Sébastien Mathé

Chemin de traverse, de Mallory Gaudion.

Déjà considérés comme constituant la plus brillante compagnie de ce type au monde, les danseurs de l'Opéra national de Paris sont aussi des créateurs. Ils peuvent périodiquement présenter au public le résultat de leur recherche. Une expérience passionnante et concluante.
 

Amphithéâtre de l'Opéra Bastille, Paris
Le 28/06/2006
Gérard MANNONI
 



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  • Le spectacle 2006 n'a pas déçu. Pas moins de dix danseurs chorégraphes proposaient à un public débordant chaque soir le cadre du trop étroit amphithéâtre de Bastille un voyage dans leur imaginaire le plus intime. Pour ceux qui suivent la vie de cette compagnie, il est toujours passionnant de découvrir par le biais de ces créations, ce que cache, chez des interprètes que l'on connaît bien, la rigueur du style maison, même si la grande diversité du répertoire permet déjà à beaucoup de s'exprimer largement en dehors du cadre du classique pur et dur. Et puis, c'est une occasion d'oublier un temps les barrières de la hiérarchie, même si elles s'appliquent aujourd'hui de manière bien plus intelligente que jadis. On voit certaines étoiles, premiers danseurs ou immenses personnalités d'hier, devenir les instruments de la créativité de tel ou tel danseur du corps de ballet.

    Directrice de la danse, Brigitte Lefèvre avait donné cette année leur chance à dix chorégraphes présentant en majorité des créations. Le coryphée Martin Chaix, 25 ans, ouvrait le programme avec Apologie du couple, le matin au réveil, une brève pièce bien construite, alliant avec sensibilité humour et tendresse, révélant un sens astucieux de l'espace scénique. Comme tous les interprètes de la soirée, Laurène Lévy et Aurélien Houette défendent cette création avec un véritable investissement.

    Suit In Memoriam, première chorégraphie du jeune Aubert Vanderlinden, 21 ans, qui vient d'entrer dans le corps de ballet. Il y montre une belle capacité à déployer les deux solistes – Adam Thurlow et lui-même – sur tout l'espace scénique, dans une danse large, souvent athlétique, sensible, dans un langage déjà bien maîtrisé et d'une émouvante sincérité.

    On retrouve ensuite avec joie le Temps des lilas, ce joli voyage sentimental à trois conçu par Bruno Boucher, sujet, sur les chansons de Barbara et de Jeff Buckley. Martin Chaix, Erwan Leroux et Séverine Westermann en sont les interprètes avec charme, délicatesse, poésie.

    Petit conte faussement morbide

    Avec Épiphénomènes, pièce créée en mai dernier au Vieux Boucau, Samuel Murez affirme une incontestable personnalité d'homme de spectacle. De l'humour, pour ce petit conte faussement morbide, beaucoup de précision dans la construction, et des idées théâtrales intelligemment agencées défendues avec esprit par Alice Renavand, Josua Hoffalt, Samuel Murez en personne, Stéphane Bullion et Alexandre Carniato.

    Pour conclure la première partie, retour à la fraîcheur, la tonique allégresse et la nostalgie d'un Saint-Germain-des-Prés vu et dansé par Béatrice Martel avec Aurélien Houette comme partenaire. Souvenirs, souvenirs !

    Un peu moins axée sur le théâtre, la deuxième partie de programme bien trapu débute par les Jardins du silence, une pièce sobre et forte de Jean-Philippe Dury sur le magnifique O Solitude de Purcell. Deux filles – Eve Grinsztajn et Ninon Raux – deux garçons – Jean-Philippe Dury et Adrien Couvez – et beaucoup de possibilités de rencontres, d'approches, de désirs effleurés. Un moment attachant, qui marque une nette progression dans le travail créatif de ce danseur par ailleurs excellent, encore très remarqué dans le programme Béjart.

    Nuits des sens

    Avec Nuits des sens, Sébastien Bertaud, 24 ans, propose le deuxième volet d'une trilogie débutée en 2003 avec Explicite Artifice, solo pour l'étoile Marie-Agnès Gillot. Cette fois, Marie-Agnès Gillot est entourée de deux fortes personnalités de la compagnie, Jean-Marie Didière, qui fut toujours un interprète d'exception, et Cyril Atanassoff, immense danseur et grand professeur qui termine sa carrière officielle de pédagogue à l'Opéra et au Conservatoire, mais qui n'a sûrement pas dit son dernier mot en matière d'enseignement
    ni de théâtre, quand on voit l'incroyable impact scénique de sa présence. Sur le Prélude et Fugue BWV 543 de Bach, Bertaud a construit une pièce très épurée, très dense, établissant des rapports intenses mais tour à tour distanciés et libérés, entre ces trois personnages, dans un style que l'on sent traversé par une vaste culture de la création actuelle tous azimuts. Un travail qui a de la classe.

    Le troisième soir, Dorothée Gilbert reprend le rôle de Marie-Agnès Gillot avec se très forte personnalité, trouvant une autre approche aussi marquante de la chorégraphie, sans chercher à retrouver le rayonnement unique de Gillot. Un moment de danse très pur et très vrai, avec des interprètes d'élite. Huit danseurs défendaient Hémisphères de Nicolas Noël, pièce intéressante sur l'opposition entre pays riches et pays pauvres, bien construite et largement développée dans un langage lisible sans être pour autant figuratif.

    Chemin de traverse, sur une musique de John Adams, confirme que Mallory Gaudion, tout comme, d'ailleurs, Sébastien Bertaud et Nicolas Paul, a bien un talent de chorégraphe. Superbement dansée par la première danseuse Mélanie Hurel et Stéphane Bullion, ce duo tire d'une structure parfaitement dessinée, sans rien en trop ni en moins, une vraie force émotionnelle, dans la sobriété d'un langage chorégraphique personnel.

     Entre d et e, Entre deux, Antre de<br />
 / © Sébastien Mathé

    Une des plus belles réussites de cette soirée, tout comme la conclusion apportée par Entre d et e, Entre deux, Antre de
    de Nicolas Paul, sur une musique magnifique de Hildegard von Bingen. Nicolas Paul a déjà montré à diverses reprises qu'il est un vrai créateur. Ce duo pour Charline Giezendanner et Charlotte Ranson est ciselé comme un albâtre de la Renaissance, avec un sens du geste exact, du rapport des corps unis ou séparés, dans une progression constante bâtie avec autant d'intelligence que de sensibilité.

    Une conclusion idéale à ce programme foisonnant, sympathique, stimulant, où certaines individualités émergent plus clairement que d'autres, mais où tout le monde fait preuve, dans tous les domaines de la réalisation et du montage de chaque pièce, du plus absolu professionnalisme. On aimerait maintenant que les personnalités les plus marquantes puissent trouver quelque part un cadre leur permettant de développer plus largement leurs idées.

    Cela est peut-être mal aisé à réaliser à l'intérieur de l'Opéra, mais pourquoi certains centres chorégraphiques nationaux ne prendraient-ils pas le relais, comme cela s'est déjà produit pour des étoiles qui avaient, bien sûr, leur célébrité personnelle à apporter en prime ?




    Amphithéâtre de l'Opéra Bastille, Paris
    Le 28/06/2006
    Gérard MANNONI

    Spectacle Danseurs Chorégraphes à l'Opéra de Paris.
    Danseurs chorégraphes

    Chorégraphies de Martin Chaix, Aubert Vanderlinden, Bruno Bouché, Samuel Murez, Béatrice Martel, Jean-Philippe Dury, Sébastien Bertaud, Nicolas Noël, Mallory Gaudion et Nicolas Paul

    Par les étoiles et danseurs de l'Opéra national de Paris

     


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