On a souvent attaqué ses excès, un goût de la provocation allant, dans la lignée des Jan Fabre, de la nudité à la violence, mais Wim Vanderkeybus apparaît plus que jamais comme un authentique maître du mouvement et de l'image chorégraphique. C'est peut-être dans ce genre de pièces où ne reste que l'essentiel, on pourrait dire le meilleur, que se voit le mieux le fil rouge d'un travail de deux décennies.

S'enchaînant de manière très habile, ce sont en effet treize extraits de pièces dont les plus anciennes remontent à 1987 et les plus récentes à 2000 qui constituent ce Spiegel où l'on retrouve l'énergie des danseurs, le faux désordre de mouvements puissants ou délurés, réglés avec une minutie parfaite et d'une originalité sans cesse renouvelée. L'éclairage n'est jamais pleins feux, les costumes jouent la fripe, les chevelures le négligé, mais tout cela participe d'une esthétique totalement organisée et en accord parfait avec un traitement sans ménagement du corps des danseurs.

Le rapport de ces corps, en lutte, en osmose, en opposition ou tout simplement en indépendance plus ou moins simulée, reste une des grandes originalités de Vanderkeybus car il induit mille réflexions sur nos pulsions avouées ou cachées. Cela va chercher très loin dans les recoins de notre subconscient, sans ménagement, même si les passages les plus contestés de certains oeuvres n'ont pas été ici sélectionnés.

On voit l'homogénéité et la progression d'une pensée, d'une recherche qui s'imposent encore plus clairement sous cette forme que dans certains spectacle parfois trop bavards ou trop ouvertement agressifs. Une belle manière, en tous cas, de célébrer vingt ans de création et seize ans de fidélité au Théâtre de la Ville.