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L'ACTUALITE DE LA DANSE |
22 novembre 2024 |
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Reprise de Mayerling de Kenneth MacMillan au Ballet de l’Opéra national de Paris.
L’addiction de la danse
Mathieu Ganio porte au sommet cette première série de reprises du Mayerling cru et trouble de MacMillan entré au répertoire de l’Opéra en 2022. Son portrait du prince Rodolphe atteint l’inoubliable par la justesse expressive des tourments qui le traversent pour finir par l’anéantir. Le talent de la jeune Naïs Duboscq en Marie Larisch marque également la soirée.
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L’addiction de la danse
Triomphe de l’arabesque
L’amour virtuose
[ Tout sur la danse ]
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Fréquemment comparé de manière défavorable à son Histoire de Manon, le Mayerling de Kenneth MacMillan n’en reste pas moins un monument du genre narratif néo-classique. Dans les somptueux décors et costumes réalisés par Nicholas Georgiadis évoquant à merveille le monde étouffant de la cour des Habsbourg, un drame violent se noue qui conduira à un double suicide, celui du prince Rodolphe et de sa maîtresse Mary Vetsera.
La chorégraphie n’esquive ni le viol, ni le meurtre pas plus que l’usage de la drogue mais ne se limite pas pour autant à l’illustration de la seule violence physique. Mayerling peint également avec une force expressive peu commune les tourments psychologiques de son héros, ce soir incarné magistralement par Mathieu Ganio.
L’Étoile offre un portrait aussi complexe que saisissant du prince Rodolphe qui ne parvient pas à trouver sa place dans la société ultra-codifiée d’un empire austro-hongrois déclinant. Tour à tour volage et prédateur, agressif ou d’une faiblesse insigne, son personnage devient de plus en plus addict au sexe et à la drogue.
Ganio expose comme jamais les fêlures de Rodolphe jusque dans la scène finale déchirante. Mais ce rôle exceptionnel exige aussi une performance physique hors du commun avec pas moins six pas de deux. Le danseur en transcende avec vigueur et style leurs grandes difficultés techniques, notamment les portés souvent compliqués qui trouvent ce soir leur parfaite justification expressive.
Léonore Baulac interprète l’amante qui l’accompagnera dans la mort. Si sa Mary Vetsera frappe par un côté adolescent tête brûlée, elle manque sans doute de morbidité et de passion. Naïs Duboscq danse une Marie Larisch beaucoup plus investie. Son éloquence passe autant par les pas de deux ambivalents que par d’infimes gestes qui trahissent une dépendance dévorante comme lorsqu’elle doit quitter le prince sur l’injonction de l’impératrice, dont Héloïse Bourdon exprime magnifiquement les conflits entre étiquette et vie personnelle.
Inès McIntosh fait une belle princesse Stéphanie passant de l’ingénuité à la maturité blessée. Dans la formidable scène de la taverne fréquentée par les prostituées, où l’ensemble des danseurs allient explosion physique aux détails satiriques, la Mizzi de Clara Mousseigne et le Bratfisch de Jack Gasztowtt épatent par leur virtuosité. Mais le ballet de MacMillan requiert également nombre de petits rôles qui dansent peu mais qui nécessitent pourtant d’excellents interprètes, à l’instar de l’impayable comte Taafe d’Arthus Raveau.
Dans la fosse, le spécialiste Martin Yates dirige avec une sobre précision un Orchestre de l’Opéra de Paris prodigue en couleurs ensorcelantes. La compilation des musiques de Franz Liszt réalisée par John Lanchberry séduit moins par ses choix d’orchestration que par la richesse de ses emprunts allant au-delà des inévitables Mephisto-Waltz ou Faust Symphonie pour utiliser avec beaucoup d’efficacité les beautés de l’Arbre de Noël ou de l’Héroïde funèbre.
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Palais Garnier, Paris Le 30/10/2024 Thomas DESCHAMPS |
| Reprise de Mayerling de Kenneth MacMillan au Ballet de l’Opéra national de Paris. | Mayerling (1978)
Ballet en trois actes
livret : Gillian Freeman (1929-2019)
chorégraphie : Kenneth MacMillan (1929-1992)
reprise : Karl Burnett
musique : Liszt
décors et costumes : Nicholas Georgiadis
Ă©clairages : Jacopo Pantani
Orchestre de l’Opéra national de Paris
direction : Pierre Dumoussaud
Avec :
Mathieu Ganio (Prince Rodolphe), Léonore Baulac (Baronne Mary Vetsera), Naïs Dubosq (Comtesse Marie Larisch), Inès McIntosh (Princesse Stéphanie), Matthieu Botto (Empereur François-Joseph), Héloïse Bourdon (Impératrice Élisabeth), Clara Mousseigne (Mizzi Caspar), Jack Gasztowtt (Bratfisch), Jérémy-Loup Quer (Colonel Bay Middleton), Arthus Raveau (Comte Taafe), et les Premiers Danseurs et le Corps de ballet de l’Opéra national de Paris. | |
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