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ENTRETIENS |
30 décembre 2024 |
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Après 60° Parallèle au Théâtre du Chatelet en 1998 et K
à l'Opéra Bastille en 2001, des productions qui mettaient oeuvre des moyens d'envergure, vous abordez avec La Frontière une forme lyrique qui exige certainement d'autres stratégies, en raison d'un effectif limité à six chanteurs et neuf musiciens, de décors beaucoup plus légers, donc facilement adaptables, avec en revanche un dispositif électronique plus important. C'est la nouveauté du projet qui vous séduit ?
J'ai immédiatement adhéré à la proposition du Carré Saint-Vincent d'Orléans, où je suis actuellement en résidence, pour toutes ces raisons, et surtout les possibilités qu'offrait un tel spectacle d'être accueilli sans difficultés majeures dans des théâtres ou des lieux hors de toutes structures traditionnelles, et à priori peu familiers avec l'opéra, donc susceptibles d'atteindre un nouveau public. C'est ce que j'appelle donner un véritable destin à une oeuvre. Un opéra, monté dans une grande maison avec tout l'éclat et le confort qu'il suppose, a peu de chance d'être repris ailleurs avant longtemps. Au mieux, s'il entre au répertoire (ce qui sera sans doute le cas pour K
à la Bastille), il restera un événement lié en majeure partie au public parisien. Avec La Frontière nous entrons dans un tout autre système. Nous savons déjà qu'il y aura une tournée en France, suivie d'une représentation à Rome, puis à Lausanne. C'est, croyez-moi, pour toute l'équipe, et pour moi en particulier, une motivation non négligeable. |
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De la femme que l'on va découvrir dans La Frontière, telle que l'a imaginée Daniela Langer, on ne saura rien, ni d'où elle vient, ni quel est son nom, ni qu'elle est son histoire, sinon qu'elle part à la recherche d'un homme, indifférente aux zones de turbulence qu'elle traverse dans des pays frontaliers ravagés par la guerre. Il y a chez elle, dans cette fuite sans fin, quelque chose d'hypnotique, comme une absence au monde qu'elle traverse. Comment traiter musicalement cette linéarité, ce no man's land de la narration ?
Par l'émergence et la mise en situation des micro-événements qui accompagnent son avancée : une mélodie fragmentée, obsédante, dans une langue imaginaire composée de mots aux racines russes, anglaises, tchèques ou roumaines, et qui fait surgir de manière sous-jacente des personnages séparés par l'espace et le temps, le bruit lointain de la guerre en arrière plan, le son de certains objets comme de brefs signaux sonores. J'ai été inspiré par un exercice que le peintre Paul Klee faisait réaliser à ses élèves : dessiner une droite traversant un cercle. Et il proposait une ligne qui épouserait la forme du cercle et ressortirait parfaitement droite. Cette image symbolique m'a guidé, car elle traduisait exactement la question de la « zone de turbulence » à résoudre. Comme si, dans sa volonté de ne jamais revenir en arrière et de poursuivre sa route envers et contre tout, la femme connaissait les moyens de la dépasser. Et le fait même qu'elle finisse par retrouver l'homme, ne constitue pas un aboutissement. Il faut qu'elle le quitte et qu'elle ne cesse d'avancer. Je pourrais dire de cette histoire qu'elle est celle de la constance d'une femme qui surpasse la folie des hommes, et qu'historiquement les femmes me semblent incarner cette continuité, à la différence des hommes beaucoup plus porteurs de l'instinct de destruction. |
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Initialement le spectacle devait être assuré, au piano, par Alain Planès, dans la pure tradition baroque, comme vous le souhaitiez. Pourquoi avez-vous pris la décision de le diriger vous-même ?
Pour une raison très simple : il nous aurait fallu trois mois de répétitions en plus. Il est vrai que pour moi, c'est exaltant, par l'effet de proximité que j'aurai avec la scène et les musiciens, mais c'est aussi frustrant , car pour la première fois je ne contrôlerai pas personnellement à la console le dispositif électronique en direct. Mais l'idée est loin d'être abandonnée, et le temps va maintenant jouer pour nous, je l'espère. |
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Dans un entretien avec Pierre-Albert Castanet, reproduit dans le programme, vous vous déclarez très optimiste sur l'avenir de l'opéra de chambre en général.
Je le pense effectivement. Les institutions actuelles étant plus ou moins sclérosées, il semble évident que cette manière privée de procéder soit prometteuse. Il y a tout un répertoire à créer. Les compositeurs devraient dès à présent se tourner vers cette forme de collaboration. C'est peut-être le renouveau d'un certain type d'opéras du XX1ème siècle qui est en train de se mettre en place.
La Frontière
Opéra de Philippe Manoury
Livret de Daniela Langer
Mise en scène de Yoshi Oïda
Ensemble Ictus
Alain Planès, piano
Avec Romain Bischoff (baryton), Doris Lamprecht (contralto), Vincent Le Texier (basse), Virginie Pochon (soprano), Nigel Smith (baryton), Dominique Visse (contre-ténor).
1er & 2 octobre 2003,
Orléans - Carré Saint-Vincent, 20h30
Renseignements : 02 38 62 45 68
5 octobre 2003
Strasbourg - Festival Musica,
Théâtre du Maillon Wacken,17h
Rensignements : 03 88 23 47 23
10 & 12 octobre 2003
Paris - Festival d'Ile de France Théâtre des Bouffes du Nord, 20h30
Rensignements : 01 58 71 01 01 ou 01 46 07 34 50
15 octobre 2003
Rome - Roma Europa - Villa Médicis,
Teatro Palladium, 21h
Renseignements : 00 39 06 42 29 63 00
18 & 19 octobre 2003
Clermont-Ferrand - Comédie,Centre Lyrique d'Auvergne
Opéra de Clermont-Ferrand, 20h30
Renseignements : 04 73 29 08 14
22 octobre 2003
Rouen - Octobre en Normandie,
Théâtre des Arts, 20h
Renseignements : 02 32 10 87 07
24 mars 2004
Metz - Arsenal, 20h30
Renseignements : 03 87 74 16 16
30 & 31 mars 2004
Lausanne - Opéra
Renseignements : 00 41 21 310 16 00
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