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ENTRETIENS |
21 novembre 2024 |
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Jean-Baptiste Doulcet,
romantique assumé
À 28 ans, Jean-Baptiste Doulcet présentait cet été son premier récital soliste à la Roque-d’Anthéron, autour de compositeurs romantiques et notamment de Liszt, également très présent dans son nouvel album, Un Monde Fantastique, à paraître sous peu. Il évoque aujourd’hui avec passion non seulement le répertoire classique, mais aussi l’improvisation et le cinéma.
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Vous jouez à la Roque d’Anthéron un récital composé de Grieg, Liszt et Rachmaninov. D’où est venu l’idée de ce programme ?
Il est né tout avant tout d’une envie de jouer ces œuvres, qui pour moi peuvent fonctionner ensemble. J’ai d’abord pensé à un programme intégralement russe, puis tout scandinave, avant de finalement me dire que ce n’était pas une bonne idée d’enfermer ce concert dans un seul répertoire. Le lien romantique à travers la Norvège, l’Allemagne et la Russie peut être trouvé, mais ce serait surtout théorique par rapport au fait que j’ai surtout utilisé l’intuition pour justifier le fait d’assembler la Ballade n° 2 de Liszt avec la Deuxième Sonate de Rachmaninov, tout simplement parce que j’aime particulièrement ces œuvres et que j’avais envie de les présenter au public. |
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Même si la Ballade ne s’y trouve pas, il y a beaucoup de Liszt dans votre album à paraître début septembre.
C’est en effet venu avec le temps et je me rends compte qu’aujourd’hui, j’ai du mal à faire un programme sans Liszt. Il revient toujours et incarne la profondeur du voyageur, de quelqu’un qui a vécu une vie faite de tout, en plus d’être un grand improvisateur. Même dans ses plus grands ouvrages, on ressent parfois un début d’improvisation, finalement structuré et écrit, que je trouve absolument génial. C’est un artiste qui me parle énormément, pour lequel je me sens libre d’entrer dans ses mondes contrastés, poétiques et philosophiques inépuisables. |
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Ce disque, Un Monde fantastique, intègre Liszt mais aussi Schumann. Comment s’est forgée cette proposition ?
La littérature m’accompagne depuis très jeune et elle est fondamentale dans le répertoire romantique ; c’était donc une manière de rendre hommage à la façon dont la musique et les mots s’interpénètrent, dans une démarche assez narrative, que l’on peut d’ailleurs aussi retrouver en images grâce au cinéma, autre art dont je suis très familier. Le programme est donc né de cette envie, en plus du fait que le monde fantastique nous ramène à des questionnements sur nous, qui permettent de réfléchir le réel d’une autre manière. Ces effets ressortent très clairement aussi de la musique de Schumann, avec une multitude de variations qui ont forgé mon intérêt pour lui. |
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L’album finit sur une œuvre de vous d’après Keats, poète que vous aviez déjà abordé en 2016 par trois mélodies pour voix, violoncelle et piano. D’où vient votre attirance pour cet artiste ?
Comme je l’ai dit précédemment, je suis un grand amateur de cinéma, et j’avoue être rentré dans l’œuvre de Keats grâce au film de Jane Campion, Bright Star, très romantisé, mais dont les émotions très fortes m’avaient bouleversé. J’ai alors voulu développer ma culture sur le poète et comprendre mieux sa poésie, avant de petit à petit prendre plus de liberté par rapport à son œuvre, et donc d’écrire de la musique dessus.
La langue anglaise, très peu valorisée pendant la période romantique, où l’on se demande même ce qui s’est passé pendant un laps de temps allant de la mort de Purcell aux premières partitions d’Elgar, à quelques ouvrages de Mendelssohn près, m’intéressait également. J’ai donc voulu utiliser cette poésie pour composer autour, avec mon langage résolument tonal, et aimerais encore développer un projet autour d’un grand cycle de mélodies, qui synthétiserait la vie de Keats avec des intermèdes musicaux et peut-être des lectures, en plus d’autres poèmes mis en musique. |
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Vous évoquez votre style de composition, en effet tonal et mélodique.
Je me suis posé des questions au début, sur comment je devais composer, puis en suis sorti avec la conviction d’utiliser le langage qui me décrit le plus, en faisant attention à ne pas tomber dans certaines facilités, comme celle de chercher à faire du Rachmaninov par exemple. Mon style s’est affiné ensuite et je pense être allé puiser mes influences ailleurs, notamment chez des compositeurs qui n’ont pas vraiment eu d’écoles et donc d’élèves, par exemple Britten ou Szymanowski. Je trouve géniaux ces artistes qui, lâchés en plein XXe siècle, sont parvenus à proposer leur propre identité, sans jamais chercher à être suivi ou à fédérer autrement que par leur musique. |
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Vous êtes aussi connu pour être improvisateur, comme dans le bis lors de votre récital à la Roque-d’Anthéron.
Mon apprentissage du piano s’est fait avec l’improvisation, notamment parce que mon père m’a beaucoup poussé à écouter et reproduire. C’est né de là et au début, ce devait être grotesque, bien que cela me permettait une échappatoire par rapport à la partition classique. Passé une période de fuite lors de mon éducation musicale classique, pendant laquelle j’ai alors surtout développé l’improvisation, j’ai réussi à rassembler ces deux intérêts et aujourd’hui, l’improvisation me sert souvent à comprendre certains passages de grandes œuvres écrites, qui semblent clairement venir d’une idée que le compositeur a laissé se développer d’elle-même devant le clavier. |
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On identifie souvent les pianistes français au répertoire français. Pensez-vous développer également ce pan dans l’avenir ?
La musique romantique prédomine clairement chez moi et j’ai pour le moment envie de rester majoritairement dans cette période, sans penser particulièrement à la musique française. Je parlais tout à l’heure du répertoire russe et j’aimerais développer encore mon approche d’œuvres monumentales, comme les Tableaux d’une exposition de Moussorgski, notamment pour montrer le rapport de la musique à la peinture. J’aimerais aussi développer la musique scandinave, trop peu jouée en dehors des pays nordiques et avec laquelle j’ai une vraie affinité, puisque j’ai passé une partie de mes études là -bas. |
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En plus du piano, vous rappeliez votre passion pour le cinéma. Pensez-vous faire des incursions dans cet art, en général et plus particulièrement par la musique ?
Tout me passionne dans le cinéma, avec ou sans lien avec la musique. J’ai notamment accompagné des films muets, ce qui m’a permis de pouvoir relier mes deux passions en même temps. C’est une expérience vivante très belle, mais la musique de film plus généralement m’attire beaucoup. Il s’agît d’un monde très différent de celui du classique et j’admire de nombreux compositeurs, pas seulement John Williams, qui a une base classique réelle et auquel on donne maintenant enfin les plus grands orchestres à diriger, mais aussi des artistes pop, notamment le groupe Arcade Fire ou encore Jonny Greenwood, Radiohead, dont les bandes originales pour Paul Thomas Anderson sont merveilleuses.
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Un Monde fantastique : Gounod, Liszt, Schumann, Doulcet, CD Mirare, distribution Harmonia Mundi.
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