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SELECTION CD 24 novembre 2024

Discographie comparée :
Wagner - Parsifal




22, 23 et 24 février 2008. Benjamin Grenard, Thomas Coubronne et Yannick Millon se retrouvent, loin de Paris, afin de tenter de démêler l'écheveau discographique de Parsifal, dont l'Opéra de Paris et le festival de Bayreuth s'apprêtent à présenter une nouvelle production. Trois journées coupés du monde pour passer au crible onze versions de l'ouvrage le plus énigmatique de l'auteur de la plus grande révolution lyrique du XIXe siècle.


Le 04/03/2008
Yannick MILLON
Benjamin GRENARD
Thomas COUBRONNE

 

  • Introduction
  • SĂ©lection Knappertsbusch
  • Autres sĂ©lections
  • Audition en aveugle
  • Acte I
  • Acte II
  • Acte III
  • Palmarès
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      (ex: Harnoncourt, Opéra)


  •  

     Acte I

    Version Knappertsbusch 1951



    Ludwig Weber (Gurnemanz)
    Wolfgang Windgassen (Parsifal)
    Martha Mödl (Kundry)
    George London (Amfortas)



    YM : Énergie dans l'orchestre, réalisation pas impeccable, mais couleurs idoines, piété et foi réelles. Gurnemanz un peu vieilli, moyens pas exceptionnels mais excellent usage des résonances graves, bonté un peu bourrue et vraie sincérité. Parsifal idéal de jeunesse, de pureté, de virginité, de lumière triste, d'absence aussi. Kundry en point d'équilibre parfait entre la créature surnaturelle et la féminité. Feulements, présence captivante. Côté blessé et torturé. Amfortas très noir, beaucoup de métal, un peu monolithique, aigus blindés, se cache derrière sa blessure et sa colère pour ne pas montrer à quel point il est atteint. Points d'orgues très longs et saisissants sur Erbarmen.

    BG : Orchestre toujours vivant et narratif malgré les impairs. Personnages tous très bien caractérisés. Côté bon papa rustique de Gurnemanz, mais je ne suis pas pleinement enthousiaste sur la voix, et narration trop uniforme et parfois presque éteinte pour moi. Parsifal idéal, rayonnant, vivant, avec un petit côté héroïque et le nécessaire de lumière. Dualité de Kundry, très incarnée dans l'hystérie des sauts d'intervalles, brûlante, joue très bien la carte de la froideur. Très beaux graves sur les Schlafen. Amfortas assez véridique, belle projection, beau métal, Erbarmen puissants et saisissants.

    TC : Je suis plus réservé sur l'orchestre, en raison des lenteurs, des appesantissements. J'aime vraiment beaucoup la sincérité de Gurnemanz, son naturel, le charme de son incarnation, son innocence même. Chant toutefois pas très sophistiqué. Excellent Parsifal, avec le côté brut et bête du personnage, entier, pas du tout subtil au I. Je suis d'accord sur Kundry, mais ne suis pas transporté par Amfortas, malgré les grandes qualités de la voix, le sens de la déclamation. Le personnage est pour moi trop bien portant, pas assez vulnérable.




     
    Version Knappertsbusch 1954



    Josef Greindl (Gurnemanz)
    Wolfgang Windgassen (Parsifal)
    Martha Mödl (Kundry)
    Hans Hotter (Amfortas)



    BG : Bonne version également, même si j'y rentre globalement moins bien. Je n'aime pas beaucoup le Gurnemanz de Greindl, assez fatigant à écouter, absence de rondeur, trop de noirceur. La présence, les moyens ne compensent pas le manque de subtilité et la tension inutile. Windgassen est égal à lui-même, mais je préfère nettement Mödl dans la version précédente. Elle est ici plus impérieuse et le personnage est moins complexe. L'Amfortas de Hotter est excellent, beaucoup de noblesse dans le timbre, d'intériorité.

    TC : Les bois sont vraiment splendides dans cette version. Greindl est trop : trop dur, costaud, noir et dramatique. Manque de simplicité et de bonté, mais cela reste honnête, bonne déclamation, joue bien le texte et essaie de faire des choses. Mais débit vraiment haché. Windgassen me paraît meilleur ici qu'en 1951, plus mûr et souverain, son Parsifal sait mieux ce qu'il veut, il est plus engagé. Mödl est moins intéressante, plus extérieure, moins ambiguë aussi. Hotter est merveilleux de bout en bout, l'image même de la douleur d'Amfortas.

    YM : Je suis toujours très séduit par l'orchestre. Cordes plus dramatiques et cinglantes, avec d'excellentes contrebasses, flûtes magnifiques, grand relief des violons. Plus de théâtre, de fluidité, moins de magie. Je n'arrive pas à détester le Gurnemanz de Greindl, pourtant à l'évidence hors-sujet, voix trop encombrante et ogresque, manque constant de legato. Windgassen est en effet plus engagé, tout comme Mödl, qui perd de sa dualité au profit d'une incarnation plus à l'arrachée. J'admire l'art immense du phrasé de Hotter, son legato pas encore mâchonnant, sa douleur rentrée, même s'il a selon moi plus un timbre de Gurnemanz que d'Amfortas.




     
    Version Karajan 1961



    Hans Hotter (Gurnemanz)
    Fritz Uhl (Parsifal)
    Elisabeth Höngen (Kundry)
    Eberhard Wächter (Amfortas)



    TC : Hotter est un magnifique Gurnemanz, très différent de son Amfortas, de timbre comme de phrasé, en voix plus ferme. Adéquation des moyens au personnage, très fin, sensible et littéraire mais en même temps naturel et spontané. Je n'aime pas du tout la Kundry de Höngen, bien laide de timbre, le Parsifal de Uhl est plutôt intéressant, assez brillant et allemand, fonctionne bien au I. Wächter est un Amfortas moyen, qui tombe dans la vindicte et la colère. La direction, à la fois vivante et dramatiquement honnête, avec beaucoup de finesses dans la lecture confirme pourquoi Karajan pouvait passer à l'époque pour un chef extrêmement moderne.

    YM : L'art de conteur de Hotter est confondant, tout en naturel, la voix est idéale, juste assez ronde, juste assez mûre. Le timbre de Uhl est intéressant au I, même si j'ai peur que cela tourne vite au ténor de caractère au II, mais trop mélo dans la déclamation. Kundry est épouvantable, une vraie harpie décatie ! Amfortas donne l'impression de n'avoir pas fini sa croissance, et cuivre les sons trop haut, trop clair. Incarnation remuante et extérieure. Karajan renforce ma première impression : effets à tour de bras, croches ébahies des violons dans le récit de Gurnemanz, battue trop élastique, passages rapides trop sautillants et guillerets – la mort du cygne –, un contresens pour moi.

    BG : Direction moins exceptionnelle que dans l'écoute en aveugle : chambriste et dégraissée, beaucoup d'aération, reste assez théâtrale. Hotter est fabuleux, c'est l'anti-Greindl, insiste sur certaines syllabes pour porter le sens, grande diversité du phrasé, douceur et même fragilité, ampleur et humanité. Chaque note est sentie avec le texte. Parsifal et Kundry paraissent insipides en comparaison, elle surtout, sans âme, d'une féminité réduite à la portion congrue, lui nasillard, sans grande noblesse. J'aime assez l'Amfortas vivant et théâtral de Wächter, malgré le timbre trop barytonnant, manquant d'assise, sans grande ampleur.




     
    Knappertsbusch 1964



    Hans Hotter (Gurnemanz)
    Jon Vickers (Parsifal)
    Barbro Ericson (Kundry)
    Thomas Stewart (Amfortas)



    YM : La vision du chef cimente tout. Direction toujours noire, glauque, transitions étirées, silences abyssaux. Inquiétude du monologue de Gurnemanz. Hotter est plus fatigué, court de souffle, plus vieux aussi : lassitude, découragement du personnage. Le tempo n'aide en rien. Vickers est sanguin et blessé, l'enfant élevé à la dure. Kundry avec un beau grain dans le grave, tout à fait acceptable. Amfortas au timbre central qui fonctionne bien, bonne déclamation, une pointe d'accent par moments. Dans le genre baryton, beaucoup moins extérieur que Wächter.

    BG : Après l'écoute en aveugle, on pouvait se demander la place qu'occuperait la scène dans une vision aussi orientée : elle la trouve finalement assez bien, grâce à la force de la vision du chef justement. Direction solide et bien cadrée, assez bonne finition pour du Knappertsbusch. Hotter beaucoup moins présent que chez Karajan, plus neutre, vibrato constant et fatigué, Gurnemanz plus lyrique et moins conteur. Parsifal pas assez vierge, aigre sur certaines voyelles. Kundry scolaire et solfégique, sans personnalité. Bel Amfortas dans l'optique baryton clair.

    TC : En guise de silence abyssal, c'est un peu vingt mille lieues sous les mers ! Je suis littéralement englouti : tout est trop lent, à la fin d'un premier acte aussi étiré, je ne suis pas sûr de revenir après l'entracte ! Hotter se perd à cause du tempo : à bout de souffle, il en fait des tonnes sur chaque son pour incarner. On perd le naturel, l'innocence, qui sont l'essence de son Gurnemanz. Stewart est un peu extraverti, certain pathos dans le bon sens du terme, sans le côté piaffeur de Wächter. Ericson est prometteuse, belle couleur dans le grave, Vickers inégal entre les voyelles, avec comme souvent certains sons sans grâce, mais cela fonctionne pour le moment.




     
    Version BarenboĂŻm



    Matthias Hölle (Gurnemanz)
    Siegfried Jerusalem (Parsifal)
    Waltraud Meier (Kundry)
    José van Dam (Amfortas)



    BG : Optique différente et originale, qui a la force de l'évidence. Parsifal de chant et de musique pure, notamment grâce à l'orchestre. Le chef est invisible, excellent parti pris, loin des démiurges, la musique éclot de manière naturelle et sort du décor. Grands silences habités, rare pour un studio. Version qui laisse le choix d'être captivé ou non, à l'inverse des visions imposantes. Très beau plateau. Gurnemanz très lié, vite benêt quand il chante détaché, très belle couleur de Parsifal, toujours exact, soigné et musical, Kundry à personnalité, Van Dam très sensible en Amfortas.

    TC : Excellente version récente, orchestre magnifique, avec de la personnalité sonore, qui forme un tout avec un plateau attentif à bien chanter. Meier est Kundry, l'incarnation parfaite, dans le phrasé, la couleur, la déclamation, synthétisant par une ligne de chant intelligente bel-canto et théâtre. Jerusalem est le digne héritier de Windgassen, personnage vierge – le Ja, franc, adolescent, pas couvert, que n'oserait sans doute pas un seul autre ténor à notre époque. Le Gurnemanz de Hölle, un peu avalé et blanc, essaie de faire de la musique, et Van Dam est un très bon Amfortas d'aujourd'hui, c'est-à-dire sans la vulnérabilité, la sensibilité à fleur de peau, le trouble, la blessure d'un Hotter, mais d'une autorité naturelle toujours convaincante.

    YM : Plateau assez somptueux. Parsifal encore plus sourd et triste, sans le côté brillant de Windgassen. Meier est une merveille, plus musicienne encore que Mödl, techniquement plus assurée aussi. Envoûtement, poison séducteur dans chaque syllabe. Van Dam redore le blason des barytons-basses, avec une douceur, une tristesse, une noblesse d'étoffe royale. Hölle se surveille particulièrement dans son monologue, et nous évite les quelques horreurs qu'il peut faire ailleurs dans le rôle. Mais voix de papier mâché, monochrome, sans fermeté. Partie orchestrale souvent éteinte, sans aspérités, effets très étirés, sans vision de chef, sans vraie ossature interprétative.




     
    Version Thielemann



    Franz-Josef Selig (Gurnemanz)
    PlacidĂł Domingo (Parsifal)
    Waltraud Meier (Kundry)
    Falk Struckmann (Amfortas)



    TC : Ma préférence de cette version sur Barenboïm en audition en aveugle s'évanouit. Je ne m'étendrai pas sur cet Amfortas détestable et carrément mauvais. Meier est moins convaincante, peu aidée par le chef qui la presse trop. Selig est inégal, beaucoup d'effets recherchés souvent artificiels, mais grandes qualités musicales, beau grain de voix. Essaie de faire voix grave et prend souvent par en dessous, avec certaines raucités. Domingo a beaucoup de qualités en Parsifal, même si la fièvre latine et l'accent desservent un peu l'incarnation.

    YM : Je retrouve un chef, une direction, l'imagerie naïve médiévale. Gestion du temps qui évoque souvent Bruckner, magnifique clarté, timbres à tomber – le hautbois. Beaucoup d'avancée, d'atmosphères chambristes, jamais de saturation. Meier est moins avantagée par les micros, plus dans le théâtre, Domingo de belle candeur, plein de soleil. Struckmann nous fait la Crucifixion de Mel Gibson, toutes tripes dehors, avec une brutalité, une bêtise inacceptables. Gurnemanz rhétorique, récitaliste, de Passion de Bach, un peu blanc mais très musical, notamment dans l'art du murmure.

    BG : Très bel orchestre, côté sculptural, plus de direction, même si la présence ne tient pas la durée pour moi. J'ai fermé les oreilles sur Struckmann. J'aime moins Meier ici, que je trouve moins engagée. Domingo me convient, j'aime seulement moyennement Selig, notamment les aigus émis à la manière d'un petit baryton, mais des qualités narratives, avec pas mal d'artifices, et des sons insidieux qui offrent une autre vision du personnage.




     
    Version Boulez



    Franz Crass (Gurnemanz)
    James King (Parsifal)
    Gwyneth Jones (Kundry)
    Thomas Stewart (Amfortas)



    YM : Toujours les mêmes qualités, avancée, mobilité, mais Boulez a tellement peur de ne pas ralentir dans le récit de Gurnemanz qu'il en vient à presser. Les bois aigus ne sont décidément pas très beaux. Crass est un peu scrupuleux et appliqué, un peu fonctionnaire. King a une certaine vigueur, une virilité assumée et incarne bien le gamin bête et borné, colérique. Jones est possédée, expressionniste, avec des Schlafen hypnotiques. Stewart a trouvé ses marques depuis Knappertsbusch et gagne au tempo naturel du chef.

    BG : Boulez est en effet un peu moins marquant que dans l'écoute en aveugle, mais le plateau m'étonne vraiment en bien. J'aime beaucoup la tristesse du timbre de Crass et son débit, tout comme le feu spontané, le côté assumé de Parsifal, investi d'une mission pour laquelle il sera prêt à aller jusqu'au bout : une ligne, un but, il ne transige pas. Beaucoup de théâtre chez Jones et Stewart également. Ce plateau des années 1970 a une mauvaise réputation largement exagérée.

    TC : Boulez est décidément le chef le plus captivant de cette écoute comparée. Son problème reste toutefois toujours le même à l'opéra : il se contente trop de la précision d'exécution des chanteurs et ne va pas assez au fond des ressources expressives. Il a donc besoin de chanteurs qui ont déjà ce potentiel en eux. Jones l'a, son début n'est pas magnifique, mais la fin est très incarnée. Crass n'est pas un grand musicien, un peu lisse et mou, Stewart est nettement plus à l'aise ici, mais son Amfortas est moins complexe et riche que celui de Van Dam. Beau panache du Parsifal un peu fruste de King.




     
    Version Karajan 1980



    Kurt Moll (Gurnemanz)
    Peter Hofmann (Parsifal)
    Dunja Vejzovic (Kundry)
    José van Dam (Amfortas)



    BG : Un Karajan solide, un Parsifal plus classique, directif et dramatique que celui de 1961. Temps toujours captivant, et changements d'éclairages parfois saisissants au coeur des récits – Amfortas notamment. J'aime mieux Van Dam ici, plus douloureux et inquiet, compose un personnage plus fouillé. Hofmann est un peu pincé et ingrat, Vejzovic a des graves bien enrobés sur Schlafen, le personnage est prometteur pour le II. Moll n'est pas toujours convaincant ou naturel d'émission, mais belle présence, a du mal à choisir entre le vrai chant et la vraie narration.

    TC : À plusieurs moments, j'ai trouvé que cette version était un grand classique, avec notamment pour Amfortas le sentiment d'un air d'opéra, sorti de la notion de musique continue, et cela fonctionne bien. Moll sait donner de la voix et du soutien quand nécessaire, et laisser la narration l'emporter à d'autres moments. Personnage jovial, gentil, un peu triste. Mes réserves sur l'écoute en aveugle tombent ici. Bon plateau dans l'ensemble. Van Dam est différent, plus abouti dans l'ensemble, Hofmann ne me déplaît pas, côté un peu franc et rentre dedans, et Vejzovic propose des couleurs qui m'interpellent.

    YM : Gurnemanz pas gracieux, manque de souplesse de son instrument, mais beaucoup de finesses, avec une réalisation inégale. Parsifal a une simplicité, un côté gentil garçon un peu paumé, et j'aime beaucoup le côté Mödl du timbre de Vejzovic, qui varie beaucoup l'expression selon les passages. Une Kundry peu sorcière, assez triste. Van Dam est bien plus convaincant ici, aigus mieux tenus, gamme d'expression, noblesse, legato royal. Excellente gestion du temps, travail sur les motifs, les nuances, détails aux cuivres, contrôle absolu de chaque son produit par le plateau.



    Après une longue délibération, il apparaît que seule la version Karajan 1961 serait facile à abandonner. Tous préfèrent au final garder sept versions sur les huit, et décider après avoir entendu de plus larges extraits des interventions de Parsifal et Kundry. La version Karajan 1961 n'est donc pas retenue.

     
    Yannick MILLON
    Benjamin GRENARD
    Thomas COUBRONNE



     

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