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SELECTION CD |
24 novembre 2024 |
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Version Knappertsbusch 1951
Hermann Uhde (Klingsor)
Wolfgang Windgsassen (Parsifal)
Martha Mödl (Kundry)
BG : Un Klingsor un peu limité dans la noirceur. Personnages bien caractérisés, Mödl subtile et sensuelle, avec de la douleur au réveil. Bon tissu orchestral, magnifique passage du baiser, très insidieux aux violoncelles, grande cohérence théâtrale. Dommage que la tension retombe sur le passage des harpes à la fin.
TC : Climat général subtil et apaisé, mystérieux et ambigu, Mödl est tout en zones d'ombre, en fièvre, en finesse. Parsifal très sain et naturel de Windgassen, décidément idéal en tous points dans ce rôle un peu à part dans le répertoire wagnérien.
YM : Toujours lent et cérémonieux, parfois un peu dilué, notamment chez les Filles-Fleurs. Uhde idéal en Klingsor pénitent, damné, chevalier déchu. Superbe fragilité de Mödl, bouleversante, à fleur de timbre, avec une voix à l'ancienne. Texte génialement déclamé. Désir qui se transforme petit à petit en dégoût dans la scène du baiser. Conclusion de l'acte un peu poussive et vide.
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Version Knappertsbusch 1954
Gustav Neidlinger (Klingsor)
Wolfgang Windgsassen (Parsifal)
Martha Mödl (Kundry)
BG : Je préfère cette fois la version 1954 à la version 1951, plus vivante même si un peu dans le même esprit, avec un meilleur Klingsor pour moi en la personne de Neidlinger, plus noir et charbonneux. Douleur moins sensible. Je suis de plus en plus surpris de ne pas avoir accroché à cette version dans l'audition en aveugle.
TC : Mödl est beaucoup plus en place sur ses aigus de la fin, plus solide aussi qu'en 1951. Windgassen est en revanche moins idéalement capté à plusieurs moments, son Parsifal paraît moins naturel, mais reste pour moi prioritaire.
YM : Belle fluidité. Neidlinger, moins subtil, joue plus la créature souterraine et recluse, à la manière de son insurpassable Alberich. Plus en place techniquement, Mödl a un peu perdu le côté voix d'avant-guerre. Voyelles moins définies. Windgassen est un peu plus barytonnant. Transition du baiser moins exceptionnelle, mais monologue de Parsifal plus dramatique, conclusion de l'acte nettement plus acérée et prenante.
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Version Knappertsbusch 1964
Gustav Neidlinger (Klingsor)
Jon Vickers (Parsifal)
Barbro Ericson (Kundry)
TC : Ce que j'aime le moins des trois versions Kna. Chanteurs moins convaincants. Vickers fait des efforts pour faire de la musique, des subtilités, mais n'a jamais le naturel, l'évidence d'un Windgassen, trop ampoulé et psychologique en comparaison, trop d'éclats de passion traditionnels. Ericson est inégale, le timbre et certaines intentions fonctionnent, et donnent un côté un peu pervers au personnage. Les aigus sont tendus, mais certainement pas pires que ceux de Mödl en 1951. Quant à Kna, le ralenti sur le motif de la chevauchée dans la scène finale est vraiment too much cette fois.
YM : Les chanteurs s'en sortent honorablement, notamment Kundry, qui a toujours une belle couleur, c'est la finesse de caractérisation qui fait défaut, car même les aigus, avec un vibrato affolé à la Rita Gorr, sont tout à fait corrects. Ericson est même supérieure à Dalis dans les autres versions Kna des années 1960. Parsifal pas uniforme, avec une certaine complexité psychologique, mais qui a déjà trop vécu et consommé, manque de chasteté, de pureté. Caractérisation pourtant variée, beaucoup de nuances. La direction enténébrée du dernier Knappertsbusch se sent moins dans ces passages.
BG : En effet un cran en dessous quant aux chanteurs par rapport aux deux versions précédentes. Ericson m'a agréablement surpris, aigus un peu irréguliers mais le début notamment, auprès de Klingsor, la montre complètement maladive et victime. Le personnage reste moins creusé que chez Mödl. Parsifal très charmé, presque envoûté au début, mais assez inégal dans la ligne vocale, avec des « e » muets souvent peu soignés et quelques voyelles de crapaud. Knappertsbusch est moins exceptionnel ici, comme le laissait présager l'écoute en aveugle.
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Version BarenboĂŻm
GĂĽnter Von Kannen (Klingsor)
Siegfried Jerusalem (Parsifal)
Waltraud Meier (Kundry)
YM : On tient sans doute la plus belle Kundry de la discographie : pas une note anodine – un Kuss d'un érotisme torride –, timbre magnifique, très soigné, séduction dans les sons couverts sur les désinences, près du nez, pleines de poison. Voix très égale, avec un des plus beaux si aigu à la fin. Klingsor clairet et trompette de Von Kannen, Parsifal qui n'évolue guère au cours de l'acte, assez terne dans l'endurance du monologue et de la fin. Direction qui ne fonctionne pas, orchestre pas assez tenu, transition du baiser survolée, passage des Filles-Fleurs nonchalant et vide. On passe d'un extrême à l'autre au niveau du tempo, pas de cohérence générale.
BG : On n'est pas dans la psychologie chez Barenboïm. La partition est considérée comme un trésor à manier avec délicatesse, avec une mise en exergue de certains détails qu'on peut juger incongrus. Me fait penser au théâtre Kabuki. Je suis toutefois moins séduit que lors des écoutes précédentes. Manque en fait de nœud dramatique, moins d'urgence et moins essentiel. Meier très musicienne, mais donne l'impression parfois d'être en péril, sur les Irre par exemple. Très beau chant, un rien propre pour moi, notamment dans la confrontation avec Klingsor. Jerusalem est un peu terne en effet, mais s'en sort très bien. Je n'aime pas du tout le Klingsor très clair de Von Kannen.
TC : Retenue, immobilité, excellente gestion du temps, dans Parsifal, weile ! notamment. Contrairement à YM, je ne trouve pas ce passage poseur, et on comprend enfin la coda de l'acte, qui paraît mal écrite et bizarroïde chez Knappertsbusch. Pour les chanteurs, parti pris de faire sonner le plateau triste, morne, éteint, crépusculaire. Jerusalem manque de l'aura de légende, chevaleresque de Windgassen, son Parsifal est beaucoup plus triste et intériorisé, et Meier est pour moi de très loin la plus grande Kundry. Autant de richesses, d'arrière-plans et de subtilité que chez Mödl, mais la voix est infiniment plus en place et soignée.
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Version Thielemann
Wolfgang Bankl (Klingsor)
PlacidĂł Domingo (Parsifal)
Waltraud Meier (Kundry)
BG : Comme toujours, je suis beaucoup séduit au départ, mais cela s'essouffle, et Thielemann n'est pas pour moi un démiurge, il accompagne trop. Malgré le live, les silences sont vides, contrairement à Barenboïm en studio. Domingo chante très bien, mais le personnage est trop banal et anodin, trop méditerranéen. Meier cherche toujours ses aigus, mais la personnalité est évidente.
TC : Comment peut-on pinailler sur les aigus de Meier ici et s'extasier sur ceux, pleins d'air et escamotés, de Mödl ? Meier a à nouveau moins de temps pour placer la voix qu'avec Barenboïm, sauf sur Gelobter Held, encore plus inouï. Domingo met trop de sentiment, pas suffisamment de grâce, de mystère et d'angélisme. Comme souvent, il y a des trous dans la direction de Thielemann, et notamment dans les silences. Pour moi, arrivé à ce niveau des écoutes, cette direction n'est plus assez enthousiasmante.
YM : Les chanteurs, relégués en fond de scène, ne sont pas avantagés par les micros. Meier est sans doute moins exceptionnelle, les aigus feulent un peu plus, mais c'est un live et elle et a quinze ans de plus. Domingo est finalement hors-sujet même si la voix a une santé très enviable, Klingsor est plus anonyme que tout. Malgré certains manques et tunnels, je continue à préférer la direction de Thielemann à celle de Barenboïm, plus conduite et fluide. La notion de soupir dans la transition du baiser est pour moi inédite et déchirante. Et l'orchestre est le plus magnifique entendu jusque-là .
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Version Boulez
Donald McIntyre (Klingsor)
James King (Parsifal)
Gwyneth Jones (Kundry)
TC : Voilà du théâtre ! Sans sombrer dans le psychologique ou l'opéra italien traditionnel, on a une lecture dans l'énergie, le tonus, l'articulation, le nerf. Cela fait beaucoup de bien à Parsifal. Jones est passionnante malgré les réserves qu'on peut émettre sur la voix. Quelque chose de maternel et d'incestueux avec Parsifal. Une certaine opulence, une bonté généreuse, et une bonne réserve d'accents pour le côté sorcière de la fin. Personnage moins noir que d'autres. King ne me convainc pas entièrement, trop constamment viril et héroïque, sans les arrière-plans mélancoliques de Windgassen.
YM : J'aime beaucoup la direction de Boulez, moderne, aiguisée, tranchante, terribles dissonances des cuivres, course à l'abîme de la fin. King est un peu dopé à la testostérone, mais quelle vaillance, quel refus obstiné devant Kundry ! Il ose des sons ouverts qui transpercent – le « a » de Amfortas ! L'allemand est superbement déclamé. Jones est habitée, on trouverait à redire sur le vibrato mais c'est sans doute elle qui négocie le mieux la tessiture meurtrière de la fin. Une version de grand théâtre, brûlante de bout en bout.
BG : Il y a du génie dans cette version. Autant on le sentait tenir le cadre au I, autant Boulez emporte tout ici, en flagellant parfois la matière orchestrale. La fin est la plus réussie entendue jusque-là , avec un souffle impressionnant. Version de feu aussi cohérente avec le plateau. King est complètement dans la propulsion du chef. Je suis très séduit par la flamme de Jones. Filles-fleurs pas très sensuelles, mais bien ondulantes.
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Version Karajan
Siegmund Nimsgern (Klingsor)
Peter Hofmann (Parsifal)
Dunja Vejzovic (Kundry)
YM : On n'oublie jamais ici qu'on est dans un royaume magique. Sonorités irréelles et endormies qui traversent l'acte entier, réveil de Parsifal sur le baiser saisissant. Filles-fleurs comme dans un rêve nébuleux, tout est vécu dans un monde parallèle, nocturne, avec des clarinettes lunaires de toute beauté à la fin du prélude. Kundry légère, jeune, pas de grands moyens et un peu d'air sur la voix mais une certaine fragilité, une soumission au magicien touchantes. Hofmann n'a pas le timbre du siècle, mais un côté absent qui sied bien à Parsifal, et une bonne réserve de puissance.
BG : Très belle version, qui m'emballe de plus en plus. Le Parsifal classique par excellence. Karajan est toujours très soigné et travaillé, un véritable magicien des sons conformément à sa légende. Musicalité très recherchée de Vejzovic, Hofmann beaucoup plus convaincant que ce que j'aurais imaginé, sans avoir un timbre très flatteur. Cela fonctionne dans l'ensemble admirablement.
TC : L'orchestre est sublime, superbement dirigé, avec une ambiance nocturne incomparable. Hofmann montre ses limites musicales sinon vocales. Jerusalem n'avait pas forcément plus de variété mais au moins un ton, et Kundry me touche par la fragilité et la finesse des intentions, mais l'enregistrement donne l'impression qu'on nous ment sur la marchandise, que la voix est très légère, comme Margaret Price dans le Tristan de Kleiber, même si Vejzovic a beaucoup chanté Wagner en scène. Les plus belles Filles-Fleurs sont ici aussi pour moi.
Devant le très bon niveau global de la discographie à cette étape, il est décidé de n'abandonner que deux versions, Knappertsbusch 1964, moins aboutie au niveau du plateau que les deux précédentes, même si l'on perd le Gurnemanz de Hotter pour le troisième acte, et Thielemann, dont seul YM a constamment aimé la direction, mais dont le plateau s'avère plutôt moyen après le deuxième acte.
La version Barenboïm est conservée malgré les réserves de YM sur la direction. Cinq versions restent donc en lice pour le tour d'écoute final sur le dernier acte. Parmi les extraits écoutés, l'Enchantement du Vendredi saint (VS).
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| Yannick MILLON Benjamin GRENARD Thomas COUBRONNE
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