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SELECTION CD |
24 novembre 2024 |
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Version Knappertsbusch 1951
Ludwig Weber (Gurnemanz)
George London (Amfortas)
Wolfgang Windgassen (Parsifal)
YM : Heureusement que Knappertsbusch n'a jamais voulu diriger la Symphonie des mille, car cela aurait été un beau capharnaüm ! Contemplation sereine du VS, émerveillement devant la renaissance de la nature. Weber trouve des accents plein de bonté, même s'il est vraiment à la peine dans sa première phrase. London toujours superbe d'autorité et de noirceur. La métamorphose du Parsifal devenu adulte de Windgassen est saisissante. Belle maturité, voix plus dans le corps. Dommage que le legato soit perfectible, sur la dernière phrase notamment. Ferveur innocente de l'orchestre, lumière de la première flûte qui plane au-dessus de la scène finale.
BG : Je suis YM dans sa synthèse. On ne perçoit pas assez la polyphonie dans la scène finale, et les bois sont mal accordés. Weber chante très appuyé sa première phrase, et s'en sort mieux par la suite, mais ce n'est pas resplendissant. Pour Parsifal, voix plus chaude et grave de Windgassen, évolution psychologique du personnage très perceptible.
TC : London tire trop le personnage au noir, et serait à mon avis un excellent Klingsor. Amfortas trop coléreux et extériorisé, sans rien remettre en question des moyens du chanteur. Gurnemanz assez accidenté, on ne retrouve plus l'innocence et la gentillesse du I, mais on gagne en métal, et l'évolution suit un peu le chemin du Parsifal de Windgassen, le modèle absolu, un véritable évangéliste. Contrairement à BG, je trouve les bois remarquables. En revanche, malgré le climat, le laisser-aller dans la mise en place de l'orchestre justifie toutes les horreurs qu'a pu écrire Boulez sur « l'âge d'or des fausses notes ».
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Version Knappertsbusch 1954
Josef Greindl (Gurnemanz)
Hans Hotter (Amfortas)
Wolfgang Windgassen (Parsifal)
YM : Version sans doute plus en place, mais avec un gros décalage persistant du choeur. La fin est moins extatique et radieuse. La prise de son est plus opaque que dans les actes précédents. Greindl n'est pas extatique non plus, mais il s'en tire plutôt bien. Windgassen sonne un peu couvert jusqu'à la scène finale. Hotter est toujours bouleversant musicalement sinon vocalement. Climat moins spirituel.
BG : Mise en place moins indigne, et un beau souffle d'ensemble. Greindl assez en décalage avec la scène et la fosse, Windgassen pour moi un peu plus engagé. Pour ce dernier tour d'écoute, j'ai sans doute de nouveau une légère préférence pour cette version par rapport à la précédente.
TC : Je préfère infiniment Hotter à London, Amfortas déchirant, on est près du cri, mais cela reste chanté avec élégance. Pour Gurnemanz, l'écart entre Greindl et Weber s'atténue ici. Windgassen est un rien plus brillant, avec un côté plus royal et conquérant. Je rejoins YM pour ses remarques sur le legato. On a aussi dans l'orchestre une mise en valeur de la flûte, plus détachée encore qu'en 1951, mais là encore, c'est un fouillis sans nom quant à la finition orchestrale.
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Version Barenboïm
Matthias Hölle (Gurnemanz)
Siegfried Jerusalem (Parsifal)
José Van Dam (Amfortas)
BG : Toujours très beau et bien fait, avec certaines saillies de puissance. Cette interprétation pose dans l'ensemble la question du « pourquoi mettre une tonne quand cinq kilos suffisent ? » Ponctuellement, certains passages peuvent sonner surjoués, mais dans l'ensemble, on trouve une tension juste. Je reste partagé sur Jerusalem, souvent délicat et tendre, mais dans son dernier monologue, dur et droit, très systématique. Cela sent un peu trop le studio. J'aime toujours Van Dam, et trouve Hölle inégal.
TC : La transparence prend ici tout son sens. La lumière triste qui émane de cette version correspond bien aux couleurs dorées crépusculaires de la pochette. Ce qui me surprend pour un studio, c'est que les équilibres n'avantagent pas les chanteurs. Jerusalem est limite en permanence dans la masse, mais reste idéal, peut-être plus subtil encore que Windgassen dans les passages tendres et mélancoliques. Hölle réussit quelques laideurs que ne laissait pas présager son monologue du I. En comparaison de Hotter, Van Dam est d'une pâleur terrible.
YM : Jerusalem est complètement émerveillé au baptême, avec une aura irréelle, mais n'a pas exactement les moyens de l'héroïsme qu'il prétend endosser à la scène finale. Les aigus restent bien ternes. Hölle renoue avec son chant plébéien, et un mi aigu d'une rare laideur. Van Dam ne m'emballe pas non plus en raison de sa lutte contre l'orchestre. Barenboïm ne me convainc décidément pas dans le cadre d'une écoute comparée, toujours prévisible dans ses suspensions, d'un temps trop dilaté – la fin. Le climax façon Star Wars du VS ne me réconcilie pas avec cette approche contradictoire.
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Version Boulez
Franz Crass (Gurnemanz)
James King (Parsifal)
Thomas Stewart (Amfortas)
TC : On redécouvre les carrures de cette musique, des périodes avec des antécédents, des conséquents, bref, toute une structure qu'on avait tendance à oublier. Vraie énergie, toujours vivant, beaucoup plus dramatique. Le plateau n'est pas exactement du même niveau. Crass s'en sort bien, King est d'un héroïsme très beau et plein de qualités, mais qui ne conclut pas très bien l'opéra. Je n'adhère pas à cette conception trop proche de l'Empereur de Strauss. Stewart est pour moi un peu indifférent.
YM : Naturel, acuité, mouvement et fermeté rythmique, dans le piano comme dans le forte. La partition gagne une lisibilité extraordinaire, et le travail sur les motifs est absolument idéal. Pas très recueilli ou religieux, guère d'élévation spirituelle, mais on est encore dans le théâtre. Boulez a tranché, Parsifal n'est ni un oratorio, ni un opératorio, mais un vrai opéra ! Crass est honnête et un peu pâle, Stewart excellent dans le genre baryton mordant, King gagne encore en virilité, loin des absences et de l'aura de mystère du personnage, mais avec une énergie et un panache pleins de vigueur.
BG : On entend tout, l'orchestre et le plateau sont tenus d'une main de fer, avec un sens de l'avancée qui est le négatif de la version Barenboïm. Le niveau global est excellent. Ma seule réserve concerne la fin, qui court trop et a tendance à rendre le motif de la foi trop enfantin, un peu réduit à une chansonnette. Dans un tout autre genre que Knappertsbusch, Boulez cadenasse un peu son temps musical. J'aime beaucoup la vaillance de King, qui sait aussi alléger quand il le faut.
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Version Karajan
Kurt Moll (Gurnemanz)
Peter Hofmann (Parsifal)
José Van Dam (Amfortas)
YM : La scène finale la plus belle et sereine. On évolue dans les zones célestes, tempo stable et détendu, sehr langsam und feierlich, donc plus dans l'esprit que l'empressement de Boulez. Lisibilité absolue de la polyphonie, y compris dans le glorieux fondu du VS, véritable jardin suspendu. Jamais une seule enflure ou saturation du son. Caractère religieux avec une pâte sonore toujours aérée. Van Dam retrouve la superbe, la fermeté comme le murmure, les aigus qu'on lui connaît, Gurnemanz est parmi les plus touchants, Hofmann conserve le côté absent du personnage, avec une assez bonne réserve de puissance, même si le timbre reste assez ingrat.
BG : Je partage entièrement l'avis de YM. Orchestralement, c'est une sorte de synthèse de tout ce qu'on a entendu auparavant, avec un temps très éthéré, beaucoup d'immatérialité dans le son, une grande aération, un excellent tempo calme. Scène finale idéale à tous les niveaux. Je ne suis pas un inconditionnel de Moll, j'aime beaucoup Van Dam, et Hofmann réussit un Parsifal bien meilleur que sa réputation. La grande version classique, très équilibrée.
TC : Je suis plus réservé sur Hofmann, dont le côté « bébé Struckmann » du timbre me dérange vraiment, mais aussi sur ses accents gutturaux dans l'héroïsme et un côté appliqué mais finalement peu impliqué. Le Gurnemanz de Moll est touchant, et Van Dam en effet beaucoup plus en place et musical que chez Barenboïm. L'orchestre est superbe, les textures fabuleuses, l'aération maximale. Beaucoup de couleur, de magie, un climat très nocturne, on est dans l'éther. C'est dirigé, pensé, conduit. Je pense en revanche que pour un 6/4, même si Boulez va peut-être trop vite, Karajan est tout de même en dessous du tempo giusto. Le legato n'opacifie en revanche jamais la texture, c'est toujours lié et soutenu mais cela ne colle jamais.
Après trois journées d'écoutes et une grande difficulté à départager les versions analysées, il est l'heure de dresser un palmarès, avec cette fois une surprise supplémentaire
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| Yannick MILLON Benjamin GRENARD Thomas COUBRONNE
IntroductionSélection KnappertsbuschAutres sélectionsAudition en aveugleActe IActe IIActe IIIPalmarès | |
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