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SELECTION CD 21 décembre 2024

Centenaire Karajan (1)
Les DVDs Unitel




Il aurait eu 100 ans le 5 avril. On célèbre cette année Herbert von Karajan, chef d’orchestre omnipotent des Trente glorieuses. Les hommages du centenaire de sa naissance préluderont d’ailleurs au vingtième anniversaire de sa disparition en 2009. L’occasion de porter un nouveau regard, avec le bénéfice de la distance, sur l’un des musiciens majeurs du XXe siècle.


Le 25/04/2008
Yannick MILLON
 

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      (ex: Harnoncourt, Opéra)


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     Centenaire Karajan (1) : Les DVDs Unitel


    Un anniversaire dignement fêté


    Dans le cadre plus général des éditions DVD du catalogue Unitel florissant depuis plusieurs mois à notre grand bonheur, Deutsche Grammophon rend depuis le début de l’année un hommage tout particulier à l’artiste dont le nom est indissociablement lié au label jaune. Une avalanche de publications d’une inestimable qualité, qui remettent les pendules à l’heure…



     
    4 symphonies de Brahms



    Johannes Brahms (1833-1897)
    Les 4 symphonies
    Berliner Philharmoniker
    direction : Herbert von Karajan
    enregistrements : Berlin, Philharmonie, 01, 02 & 05/1973
    2DVD Deutsche Grammophon Unitel Classica 0073 4386





    EmblĂ©matique du style et du son Karajan des annĂ©es 1970, oĂą la modernitĂ© analytique et la clartĂ© du tissu orchestral du « Wunder Karajan Â» tellement en marge dans les annĂ©es 1930 et 1940 est en train de cĂ©der le pas Ă  une volontĂ© de puissance, Ă  l’hĂ©donisme, l’intĂ©grale des symphonies de Brahms filmĂ©e par Unitel en 1973 est une rĂ©fĂ©rence absolue. Car si depuis sa nomination Ă  vie en 1955, le maestro autrichien a transformĂ© le Philharmonique de Berlin en une machine de guerre symphonique Ă  l’incomparable force de frappe, ces Brahms savent encore allier densitĂ© et respiration, lyrisme et avancĂ©e.

    On ne trouvera d’ailleurs à notre sens pas de meilleure 3e symphonie par le maître autrichien que celle-ci, dont le premier mouvement, si problématique pour la plupart des chefs, trouve des solutions de fluidité, de fermeté rythmique et compte parmi les plus génialement conquérants qu’on ait entendus.

    Magnificence sonore et dramatisme, cordes chauffées à blanc, bois encore nets, attaques coupantes des cuivres et des timbales, Karajan ne fera jamais mieux – un Finale de 1re symphonie tétanisant. En somme la quadrature du cercle, et un double DVD indispensable, dont on regrettera seulement la mise en scène en faux live – conditions de studio avec un public, tenu au plus grand silence, invité pour remplir une salle réduite – et son ridicule montage d’applaudissements avant et après l’exécution, identique dans chaque symphonie, dont on aurait pu s’affranchir aujourd’hui.

    Pour cette seule raison, ces bandes trahissent leur âge, car l’interprétation, elle, n’a pas pris une ride.



     
    Tchaïkovski – Symphonies n° 4, 5 & 6



    Piotr Ilitch TchaĂŻkovski (1840-1893)
    Symphonie n° 4 en fa mineur, op. 36
    Symphonie n° 5 en mi mineur, op. 64
    Symphonie n° 6 en si mineur, op. 74 « PathĂ©tique Â»
    Berliner Philharmoniker
    direction : Herbert von Karajan
    enregistrements : Berlin, Philharmonie, 12/1973
    DVD Deutsche Grammophon Unitel Classica 073 4384






    Toujours en agaçant faux live, les Tchaïkovski de la même époque sont cette fois l’archétype du Karajan surpuissant, amateur de délires sonores maîtrisés, sans la transparence et le souci d’équilibre des Brahms. Fuyant la sentimentalité pétersbourgeoise comme la peste, le chef autrichien empoigne les trois dernières symphonies d’un gant de fer, dans une démonstration de force d’une époustouflante intensité.

    L’acuité des trompettes, l’ampleur des cors, la férocité de contrebasses d’une présence et d’un engagement écrasants, renforçant une assise grave qui est la marque de fabrique des Berliner, sont au service d’un Tchaïkovski en noir et blanc mais à l’impact foudroyant.

    Le Finale de la 5e symphonie aura rarement donné autant la sensation d’une course à l’abîme – l’énoncé du thème de l’Allegro vivace avec ces cordes en acier trempé dont l’archet accroche au talon comme si la vie des musiciens en dépendait – la partie centrale du premier mouvement de la Pathétique sonné avec autant de violence.

    À cette époque, Karajan ralentit encore peu les seconds thèmes. La comparaison avec les vidéos viennoises de 1984, aux timbres infiniment plus ciselés, tout en nostalgie et au climat en un sens pacifié s’en veut le témoin. Ici, c’est plutôt Tchaïkovski à son acmé, pour qui l’aime sanglant !



     
    Karajan in concert



    Karajan in concert
    DVD 1 :
    Ludwig van Beethoven (1770-1827)
    Coriolan, ouverture op. 62
    Egmont, ouverture op. 84
    Gioacchino Rossini (1792-1868)
    Guillaume Tell, ouverture
    Richard Wagner (1813-1883)
    Tannhäuser, ouverture
    Carl Maria von Weber (1786-1826)
    Der FreischĂĽtz, ouverture
    Claude Debussy (1862-1918)
    La Mer
    Prélude à l’après-midi d’un faune
    DVD 2 :
    Sergei Rachmaninov (1873-1943)
    Concerto pour piano et orchestre n°2 en ut mineur
    Alexis Weissenberg, piano
    Maurice Ravel (1875-1937)
    Daphnis et Chloé, deuxième suite
    Berliner Philharmoniker
    direction : Herbert von Karajan
    enregistrements : Berlin, Philharmonie, 01/1975 (ouvertures), 02/1978 (Debussy, Ravel), 09/1973 (Rachmaninov)
    + bonus :
    Karajan – Impressions (film de Vojtěch JasnĂ˝, 1978, 60’)
    2DVD Deutsche Grammophon Unitel Classica 073 4399





    Pour en finir avec le faux live, ici parfois amélioré par de réels applaudissements des spectateurs présents dans la salle réduite de la Philharmonie de Berlin, Unitel a regroupé des captations d’œuvres courtes en un double DVD. On retrouve une ouverture du Freischütz à couper le souffle, particulièrement en ses dernières minutes, une belle ouverture de Tannhäuser (version courte), qui contient longtemps l’énergie dans les forte pour la libérer in fine dans une orgie sonore, une ouverture de Guillaume Tell impressionnante mais un peu trop carrée, un Coriolan qui traîne un peu les pieds, un Egmont d’une virtuosité et d’une poigne impressionnantes – les cordes.

    On retrouve aussi, dans la catégorie hors-sujet génial, une Mer de Debussy d’un incroyable narcissisme, un Prélude à l’après-midi d’un faune au fondu orchestral confondant mais à la flûte trop vibrée, trop cuivrée – choix esthétiques de l’époque – ainsi qu’une deuxième suite de Daphnis et Chloé efficace mais à la Danse générale trop retenue. Quant au 2e concerto de Rachmaninov, si Karajan peut s’y livrer tout son saoul à son péché mignon du legato sans se heurter à la partition, le pianisme plutôt primaire d’Alexis Weissenberg, appliqué, laborieux, ne marquera sans doute pas l’histoire de l’interprétation.

    Un coffret patchwork, agrĂ©mentĂ© d’un intĂ©ressant documentaire d’une heure de Vojtěch JasnĂ˝ – avec la seule possibilitĂ© d’un surtitrage anglais – sur la vie et le travail de Karajan Ă  la fin des annĂ©es 1970, presque sans narration et faisant redĂ©couvrir notamment une ville de Salzbourg alors bien terne et polluĂ©e, Ă  cette Ă©poque oĂą les mouettes y Ă©lisaient encore domicile.



     
    Wagner – Das Rheingold



    Richard Wagner (1813-1883)
    Das Rheingold
    Thomas Stewart (Wotan)
    Vladimir De Kanel (jeu) / Leif Roar (chant) (Donner)
    Hermin Esser (Froh)
    Peter Schreier (Loge)
    Zoltán Kelemen (Alberich)
    Gerhard Stolze (Mime)
    Gerd Nienstedt (jeu) / Karl Ridderbusch (chant) (Fasolt)
    Louis Hendrikx (Fafner)
    Brigitte Fassbaender (Fricka)
    Jeannine Altmeyer (Freia)
    Martha Mödl (jeu) / Birgit Finnilä (chant) (Erda)
    Eva Randová (Woglinde)
    Edda Moser (Wellgunde)
    Liselotte Rebmann (FloĂźhilde)
    Berliner Philharmoniker
    direction et réalisation : Herbert von Karajan
    décors et costumes : Georges Wakhevitch & Jean Forestier
    enregistrement : Salzburg, Großes Festspielhaus, 04/1973 (son) / München, Bavaria-Atelier, 11/1978 (vidéo)
    DVD Deutsche Grammophon Unitel Classica 073 4390





    Comme on n’est jamais si bien servi que par soi-même, et qu’en contrôlant chaque donnée d’un spectacle lyrique, on ne risque aucune divergence esthétique avec un metteur en scène, Karajan, après sa mésentente avec Wieland Wagner lors de son passage éclair à Bayreuth en 1951 et 1952 pour les Maîtres chanteurs, un Ring et Tristan, décida à la fin des années 1960 de créer son propre festival Wagner – devenu Festival de Pâques de Salzbourg –, où le Philharmonique de Vienne, roi en fosse dans la cité mozartienne, serait remplacé par celui de Berlin et où le maestro pourrait à loisir se charger du moindre détail dans la préparation scénique comme musicale des spectacles.

    Cette expĂ©rience, on le sait, a accouchĂ© d’un Ring au disque pour la Deutsche Grammophon très en marge de la tradition, d’une Ă©tonnante transparence, qu’on a souvent qualifiĂ©, au grand dam de Karajan qui prĂ©tendait seulement respecter les Ă©quilibres et les nuances Ă©crites de la partition, de « musique de chambre Â».

    Après avoir donc enregistré le cycle complet en studio à Berlin entre 1967 et 1970 en vue des représentations salzbourgeoises, Karajan eut comme projet la réalisation d’une Tétralogie vidéo pour Unitel, non sous la forme d’une captation en direct mais d’un véritable film, permettant de rendre mieux justice à son univers mythique et légendaire.

    La bande son de l’Or du Rhin fut enregistrée à Salzbourg à Pâques 1973, puis le projet vite bloqué par manque de moyens financiers. C’est seulement cinq années plus tard que le film put être tourné à Munich, sous la supervision artistique de Karajan en personne – l’écart entre les dates expliquant probablement la raison pour laquelle certains rôles ne sont pas chantés et joués par le même chanteur.

    À cette époque où pointaient partout les lectures politiques de l’Anneau, de Patrice Chéreau à Götz Friedrich, ce Rheingold fut considéré comme une gentille mise en scène au premier degré. Avec le recul, nous y voyons pour notre part la plus fidèle illustration scénique possible de l’Or du Rhin de Wagner – sans que fidélité rime avec absence de théâtralité –, et la version idéale pour aborder l’ouvrage.

    Contrairement à tant de films d’opéra des années 1970, point d’attitudes outrées, de gros plans à sourire, mais un jeu sobre et efficace, le tout dans une scénographie plutôt naturaliste aux décors d’anfractuosités d’un bel esthétisme. Et si le texte à vocation pédagogique apparaissant sur le prélude n’était pas nécessaire, si l’image fixe des dieux pendant l’apparition progressive d’Erda a beaucoup vieilli, l’ensemble demeure absolument remarquable, y compris la scène du Rhin, qui se déroule pour une fois vraiment sous l’eau. Autre argument de poids, presque inédit à l’époque, le lipsing, que Karajan n’aurait jamais supporté approximatif, est d’une remarquable précision, indispensable pour la crédibilité du produit fini.

    Quant à la partie musicale, on ne pouvait l’espérer meilleure. Peut-être un rien moins maniaque du détail que dans l’enregistrement DG, la lecture orchestrale, divinement sonnante, est un miracle de netteté, de fluidité, de finesse de caractérisation des timbres comme des motifs, et s’écoute comme on feuillette un livre d’images.

    De même, la distribution, largement renouvelée par rapport à 1968, jeune et portée par une attention aux mots qu’on aimerait retrouver à notre époque où l’on brame Wagner, est proche de l’idéal. Thomas Stewart a le mordant et l’aigu parfaitement adaptés au Wotan du Prologue. Brigitte Fassbaender est la Fricka la plus musicale et la mieux chantante qu’on ait entendue, une perle absolue, Peter Schreier un Loge insidieux et plein d’humour, Zoltán Kelemen le seul Alberich qui puisse faire oublier Gustav Neidlinger, Gerhard Stolze la personnification même de Mime.

    Nous n’hésitons donc pas une seconde à vous recommander le plus chaleureusement possible cet Or du Rhin qui n’a malheureusement pas eu de suite pour des raisons pécuniaires.



     
    Bruckner – Symphonies n° 8 & 9, Te Deum



    Anton Bruckner (1824-1896)
    DVD 1 :
    Symphonie n° 8 en ut mineur (version 1890, édition Haas)
    DVD 2 :
    Symphonie n° 9 en ré mineur
    Te Deum
    Anna Tomowa-Sintow, soprano
    Agnes Baltsa, mezzo-soprano
    David Rendall, ténor
    José van Dam, basse
    Wiener Singverein
    direction : Helmut Froschauer
    Wiener Philharmoniker
    direction : Herbert von Karajan
    enregistrements : St Florian, Stiftskirche, 06/1979 (Sy 8), Wien, Musikverein, GroĂźer Saal, 05/1978 (Sy 9, Te Deum)
    2DVD Deutsche Grammophon Unitel Classica 073 4395





    Si l’on fait abstraction de l’intégrale Berlin-DG, assez froide et rarement considérée comme un jalon de la discographie brucknérienne, la rencontre entre Karajan et le chantre de St-Florian a toujours accouché en concert avec les Wiener Philharmoniker d’interprétations à marquer d’une pierre blanche – 5e symphonie en 1969 (Andante), 9e symphonie en 1976 (DG Jubilé Philharmonique de Vienne) et Te Deum en 1972 (Andante), tous trois à Salzbourg, ultimes enregistrements live à Vienne (DG) de la 7e et de la 8e symphonie.

    Nous tenons d’ailleurs cette 8e symphonie de 1988 comme LA version majeure de l’œuvre au disque. Une version très proche – à peine moins exceptionnelle concernant la coda du Finale – a été filmée par Unitel au même moment, avec certaines prises différentes, qu’il faut connaître pour voir Karajan livrer son testament musical, l’air physiquement apaisé quelques mois avant de prendre congé du monde, les musiciens du Philharmonique de Vienne suspendus à sa baguette et inspirés comme jamais, mais aussi pour le véritable tour de force des deux timbaliers – comme dans la 5e symphonie, Karajan doublait la partie de timbales pour les longs roulements.

    Jamais éditée en Europe dans le cadre de la Karajan edition de Sony en visuel rouge et noir (SVD 46403), cette indispensable vidéo est aisément trouvable dans cette collection aux États-Unis – où elle a été publiée il y a trois ans –, comme celle du dernier Requiem allemand de 1985 – sortie outre-Atlantique il y a cinq ans. Nous vous déconseillons en revanche la toute récente édition Sony en pochette digipack disponible dans les bacs français, qui a pris le parti pour les parutions anniversaires de cette année de réenregistrer dans la salle du Musikverein vide le son des bandes d’origine diffusé par des hauts-parleurs ! Fouillez donc plutôt sur la toile…

    C’est une autre 8e avec les Viennois pour Unitel, parfaitement inédite au DVD, que publie aujourd’hui Deutsche Grammophon, captée en juin 1979 dans la Basilique de St-Florian. La réverbération naturelle du lieu n’enrobe pas à l’excès une exécution plus vive et acérée que celle de 1988, moins métaphysique – la coda du Finale une fois encore – mais à l’impact physique aussi sinon plus étourdissant – le premier mouvement. Si l’on note quelques menus accrocs dans le Trio du Scherzo, l’ensemble possède une tenue admirable, et Karajan brille comme toujours en live dans Bruckner par un parfait mélange de verticalité – la sensation de grandes orgues, la puissante assise des tutti, la richesse de la polyphonie – et d'énergie – la densité palpable des attaques et des tenues, l'absence de tunnels, le soutien de la pulsation – qui en font un chef brucknérien majeur.

    Le deuxième DVD propose un concert de mai 1978 au Musikverein de Vienne, toujours avec les Wiener Philharmoniker, avec d’abord une 9e symphonie de la même importance interprétative que celle de 1976 citée plus haut – et disponible aussi au CD dans un coffret consacré à Karajan, Böhm et Furtwängler (Andante RE-A-4070) –, mais avec certaines scories d’exécution – l’arrivée scabreuse sur le premier tutti, les pains des cors sur la dernière tenue de l’Adagio – qui n’enlèvent rien à l’urgence de la lecture – le plus rapide premier mouvement de Karajan, un Scherzo implacable dans sa vélocité. Nous préférons ce témoignage imparfait mais aux timbres viennois incomparables à celui, nettement plus en place mais tellement plus glacial avec les Berliner Philharmoniker à la Toussaint 1985 que vient de rééditer Sony (88697202399) aux côtés du nouveau pressage de la 8e de 1988.

    Après l’entracte, la deuxième partie du concert était dévolue au Te Deum, dont Karajan privilégie toujours une vision incandescente, d’une monumentalité, d’une urgence, d’une jubilation portées par des Wiener chauffés à blanc, un Singverein aux dames fatiguées dans l’aigu mais d’un engagement total et un quatuor de solistes sans faille (Tomowa-Sintow, Baltsa, Rendall, Van Dam).

    Au-delà des impairs, une aubaine que cette parution incontournable dans toute vidéothèque symphonique digne de ce nom.



     
    Beethoven – Missa solemnis



    Ludwig van Beethoven (1770-1827)
    Missa solemnis en ré majeur, op. 123
    Anna Tomowa-Sintow, soprano
    RuĹľa Baldani, mezzo-soprano
    Éric Tappy, ténor
    José van Dam, basse
    Wiener Singverein
    direction : Helmut Froschauer
    Berliner Philharmoniker
    direction : Herbert von Karajan
    enregistrement : Salzburg, GroĂźes Festspielhaus, 04/1979
    DVD Deutsche Grammophon Unitel Classica 073 4391





    VĂ©ritable live comme le DVD prĂ©cĂ©dent, cette Missa Solemnis avec les Berliner a Ă©tĂ© captĂ©e lors du Festival de Pâques de Salzbourg 1979. Loin du philologiquement correct – « la musicologie est Ă  la musique ce que la gynĂ©cologie est Ă  l’amour Â», aimait Ă  dĂ©clarer le maestro –, Karajan envisage l’œuvre plus dans l’anticipation brucknĂ©rienne que dans la descendance haydnienne, en jouant des affrontements de masses sonores pleines Ă  ras bord, dans l’optique du symphonisme triomphant. Pour autant, le travail choral n’est certainement pas prĂ©historique et le Singverein de Vienne affronte au mieux les embĂ»ches vocales dont est truffĂ©e la partition. Karajan se paie de surcroĂ®t le luxe d’une belle théâtralisation – Et incarnatus.

    Cette exécution se rapproche plus de l’esprit de l’enregistrement puissamment expressif et bien équilibré de 1976 (EMI) que de celui de 1966 (DG), servi par un quatuor de rêve (Janowitz, Ludwig, Wunderlich, Berry) mais aussi par un chœur en déconfiture. Ici, les solistes, excellents sans atteindre à la dream team précitée, rivalisent de tenue de souffle et se font le viatique idéal d’une conception marmoréenne.



     
    Brahms – Requiem allemand



    Johannes Brahms (1833-1897)
    Ein deutsches Requiem, op. 45
    Gundula Janowitz, soprano
    José van Dam, baryton
    Wiener Singverein
    direction : Helmut Froschauer
    Berliner Philharmoniker
    direction : Herbert von Karajan
    enregistrement : Salzburg, GroĂźes Festspielhaus, 03/1978
    DVD Deutsche Grammophon Unitel Classica 073 4398





    Même lieu – le Großes Festspielhaus de Salzbourg – l’année précédente à la même période, mêmes forces musicales – Philharmonique de Berlin et Singverein de Vienne – pour un Requiem allemand de Brahms anthologique. Karajan s’est toujours brillamment illustré dans cette messe des morts pour les vivants selon le rite protestant, et en livre ici l’une de ses plus belles lectures.

    Six témoignages officiels (4 audio, 2 vidéo) nous permettent aujourd’hui d’évaluer son Deutsches Requiem. Au disque, le premier enregistrement de 1947 à Vienne (EMI Références) reste sans doute le plus émouvant et le plus proche de l’esprit – l’espoir et le parcours de l’obscurité vers la lumière de chaque numéro – sinon de la lettre – un chœur hétérogène mais d’une ferveur inégalable. De plus, Elisabeth Schwarzkopf et Hans Hotter ne souffriront guère de concurrence à ce niveau d’humanité et d’expérience musicale.

    La version berlinoise – mais enregistrée à Vienne – de 1964 (DG originals) avec la radieuse Gundula Janowitz et Eberhard Wächter demeure sans doute le classique d’entre les classiques, et un sommet orchestral – les chœurs commencent eux aussi à trouver une belle cohésion. En 1976 (EMI), la conception se monumentalise et cherche à accuser des contrastes internes plus marqués, avec une pâte chorale encore plus travaillée.

    La vidéo qui nous occupe offre une interprétation moins retenue que celle de 1964 mais du même rayonnement expressif, sans la tendance de plus en plus constante à l’hédonisme de 1976. La souplesse, la concentration, la beauté et l’élégance du geste de Karajan, sa maîtrise absolue de l’instant comme de la grande arche resteront en tout cas dans les mémoires.

    On n’oubliera pas non plus la rigueur imposée à un chœur remarquablement précis et soigné – le meilleur des versions Karajan –, dont les chanteurs sans partitions sont éloignés d’un mètre les uns des autres. José van Dam est miraculeux de bout en bout, d’une qualité de ligne, d’un legato prodigieux qui galvanisent jusqu’aux forces chorales. Gundula Janowitz, contrainte à plus de respirations que de coutume en raison de la lenteur du V, opère des miracles de lumière et de radiance de l’aigu.

    En 1985, à la vidéo et au disque, Karajan livrera un dernier témoignage à Vienne avec les Wiener, pacifié, beaucoup plus intériorisé, sans l’implacable architecture des années 1970 mais avec des suspensions plus longues et des timbres orchestraux plus poétiques, même si la sérénité et le lissage de l’ensemble auront alors tendance à amoindrir l’impact des passages prophétiques. Dommage aussi que les femmes du chœur ne retrouvent pas la discipline de 1978, la référence en vidéo dans le genre monumental, et pour longtemps.



     
    Karajan or Beauty as I see it



    Karajan or Beauty as I see it (2007, 92’)
    film documentaire de Robert Dornhelm
    montage et coréalisation : Christoph Engel
    DVD Deutsche Grammophon Unitel Classica 073 4392






    Pour finir, un passionnant documentaire de quatre-vingt-dix minutes de Robert Dornhelm, conçu pour les célébrations actuelles du centenaire, qui retrace le parcours d’un Karajan traversant le XXe siècle tel un météore, appuyé sur de nombreux témoignages, grinçants – Elisabeth Schwarzkopf –, sans concessions mais lucides – Christa Ludwig –, admiratifs – René Kollo, Anne-Sophie Mutter –, émus – Eliette von Karajan –, mais aussi d’anecdotes croisées, à un rythme soutenu, alternant idéalement images d’archives – dont certaines issues du film Karajan–Impressions de Jasný analysé plus haut – et commentaires.

    Si le rĂ©alisateur passe un peu vite sur le passĂ© politique trouble du chef autrichien – lĂ  oĂą l’excellent documentaire-fleuve de 3h15 de Tony Palmer sur le festival de Salzbourg (DVD Digital Classics) ne lui faisait pas de cadeau –, il cherche Ă  percer le mystère de l’homme autant que de l’artiste sans tomber dans l’hagiographie, avec des extraits musicaux – concerts ou rĂ©pĂ©titions – toujours signifiants et qui permettent de mieux cerner l’émergence et la domination sans cesse plus grande du « Wunder Karajan Â» des annĂ©es 1930 devenu progressivement « Generalmusikdirektor de l’Europe Â» et le musicien classique le plus mĂ©diatisĂ© de tous les temps.


     
    Yannick MILLON


     

  • Centenaire Karajan (1) : Les DVDs Unitel
     


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