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SELECTION CD |
22 novembre 2024 |
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Hopkinson Smith joue Johann Sebastian Bach |
Sonates et Partitas pour violon seul (adaptation pour luth baroque) Hopkinson Smith (luth Joel Van Lennep)
Astrée Naïve E8678
Quelle mouche a donc piqué Smith de défendre l'idée saugrenue que les Sonates et Partitas sonnent mieux au luth qu'au violon, leur instrument explicite de destination ? À l'en croire, son instrument révèle tout ce qui n'est que figuré dans la version pour archet. C'est avec ce genre d'argument puissant que l'on repeint aujourd'hui les chef-d'|uvre du cinéma en noir & blanc avec des couleurs fadasses et blêmes. Il suffisait de rappeler que le plus grand luthiste contemporain de Bach - Silvius Leopold Weiss- avait la réputation de jouer " a prima vista " n'importe quelle partition de violon. Passons.
Bach est familier de la pratique des transcriptions de ses propres compositions. Et pour les instruments qu'il connaît bien, on observe au moins deux constantes : Bach exploite toujours les limites de la virtuosité instrumentale (c'est particulièrement frappant au violon) et il se soucie toujours de maintenir la cohérence du contrepoint par l'autonomie des voix.
Pour ses adaptations des pièces de violon, Hopkinson Smith a bien rempli la première partie de ce contrat. La virtuosité de la fameuse Chaconne est par exemple réellement pyrotechnique et le luthiste a, semble-t-il, un peu amélioré son texte depuis son premier enregistrement pour Emi. En revanche, il avoue sacrifier d'emblée la cohérence contrapuntique (probablement sur l'autel du confort instrumental). La ligne de basse ajoutée n'a d'autre projet que " d'étoffer " le rendu sonore au luth. Dès lors, le projet de clarification initial semble buter sur cette incohérence. Évidemment, reste à savoir qui peut entendre la différence ?
On perçoit mieux en revanche d'authentiques fautes de rythmes, en particulier le 3/8 du Presto en Sol mineur usurpé par des triolets. Mais le tempo était impossible à tenir autrement.
À ce stade, l'entreprise luthistique paraît bien mal emmanchée. Et pourtant Smith réussit ici ce qu'il n'avait jamais accompli jusqu'alors avec Bach : il trouve enfin un sens du phrasé et de la respiration qui s'accorde avec la métrique souvent implacable du texte. Entre la machine à coudre débridée et asphyxiante ou la mécanique erratique et un peu rouillée, la fervente et hypnotique rigidité (iso)rythmique de Bach est toujours problématique pour les interprètes. À travers des steppes de croches et de doubles croches toutes semblables, l'interprète se trouve dans l'inconfortable posture du tribun qui doit convaincre en articulant un texte livré sans ponctuation ni accentuation. Grammairien affûté quoiqu'intuitif, Smith imprime un nouvel élan derrière chacune de ses virgules. Ses accents graves ou aigus trouvent toujours l'inflexion qui porte le discours. Interrogations, suspensions ou exclamations sont autant de points à porter au crédit d'une lecture convaincante sans aucuns effets appuyés.
Au final, Smith ne paraît pas tant guidé par la plume de Bach que par le poignet de Weiss : il a sans doute réussi à donner une image plausible du virtuose du luth adaptant à "première vue" une partition du Cantor. Une prouesse.
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| Eric SEBBAG
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