4 déc. :
Don Carlo Ă Salzbourg |
Don Carlo integralissimo
Giuseppe Verdi (1813-1901)
Don Carlo
Matti Salminen (Filippo II)
Jonas Kaufmann (Don Carlo)
Thomas Hampson (Rodrigo)
Anja Harteros (Elisabetta)
Ekaterina Semenchuk (Eboli)
Eric Halfvarson (Grande Inquisitore)
Robert Lloyd (Un frate)
Maria Celeng (Tebaldo)
Kiandra Howarth (Voce del cielo)
Benjamin Bernheim (Conte di Lerma / Araldo reale)
Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor
Wiener Philharmoniker
direction : Antonio Pappano
mise en scène : Peter Stein
décors : Ferdinand Wögerbauer
costumes : Annamaria Heinreich
Ă©clairages : Joachim Barth
captation vidéo : Agnes Méth
Enregistrement : Grosses Festspielhaus, Salzbourg, août 2013
1 Blu-ray Disc (ou DVD) Sony Classical Unitel Classica 88883725729
Attendue comme le Messie, la parution du DVD de Don Carlo au festival de Salzbourg 2013 a rempli de joie les tenants d’une approche classique de la mise en scène et des castings de stars souvent de mise à Salzbourg. De notre côté, nous espérions que la captation infléchirait vers plus de clémence notre avis sur le spectacle vu en salle.
En découvrant ce Blu-ray, on ne peut qu’être satisfait par la qualité technique, images de toute beauté, tons bleutés magnifiques, étoffes scintillantes et gros plans jamais ridicules. Sur le spectacle lui-même, contentons-nous de dire que ce type d’approche a le mérite de respecter l’œuvre, à aucun moment trahie par un Peter Stein littéral, très Siècle d’or, mais dont le conservatisme rime malheureusement avec situations théâtrales figées, grande convention opératique et absence totale d’exploration psychologique dans cette intrigue avant tout politique.
Dans le genre, c’est extrêmement bien fait, et sans doute parfait pour découvrir l’œuvre. Quant à y ressentir un frisson théâtral, l’illumination face à une sous-couche de sens révélée à nos yeux ou une quelconque brûlure dramatique, on repassera. Et puis même les amateurs de mises en scène traditionnelles risquent de sourire devant une scène de l’autodafé pas loin du grotesque.
La distribution est probablement la meilleure possible pour 2013. Ce qui ne veut pas dire qu’elle en soit une grande dans l’absolu. Car si Anja Harteros et Jonas Kaufmann passent pour être les parangons d’Elisabeth et Don Carlo à notre époque, ils n’en font pour autant pas oublier, malgré un éventail de somptueuses nuances et une réelle finesse musicale, des défauts techniques flagrants.
Chez elle un timbre sans grâce, une voix sèche et dure, sans rayonnement, et une demi-teinte blanchâtre au possible ; chez lui un médium noirci, charbonneux, pas latin pour un sou, et une mezza-voce détimbrée (le duo final, pourtant pétri de justes intentions, vire rapidement au cauchemar auditif pour peu que l’on redoute ce type d’émission), que fait oublier un aigu triomphant, plein, brillant, en un mot jubilatoire.
On n’est pas non plus séduit par les restes de Thomas Hampson en Rodrigo vacillant de timbre, imposant uniquement par sa haute stature et une réelle allure aristocratique, certainement pas par un instrument qui n’a jamais été très idiomatique dans l’opéra italien. Même constat pour le Philippe II de Matti Salminen, couleur exotique et surtout moyens très amoindris, mais curieusement beaucoup moins émacié qu’en salle, ou son air avait reçu quelques pénibles huées.
Ekaterina Semenchuk passe elle aussi pour la nouvelle grande titulaire d’Eboli. Pourtant, sans remonter aux reines du chant verdien de l’après-guerre, il y a seulement dix ans, une Borodina y mettait en comparaison un aplomb et une étoffe vocale en tous points supérieurs. Car ce qui manque ici chez tous, c’est une vraie couleur italienne, de vraies voix brillantes sinon énormes, des voyelles claires et insolentes, à la seule exception du jeune Benjamin Bernheim, dont les quelques phrases en Comte de Lerme et Héraut royal apportent enfin le soleil, la franchise d’émission, l’italianità indispensables dans ce répertoire.
Reste un véritable atout, le choix par Antonio Pappano de la version intégralissime de l’ouvrage, acte de Fontainebleau inclus bien entendu, avec le premier chœur de déploration, et jusqu’aux anticipations du Lacrimosa du Requiem dans la scène de la Révolte, ainsi qu’un tomber de rideau pianissimo. Version de Modène sans aucune coupure, un vrai bonheur pour les connaisseurs de l’ouvrage, qui aiment souvent davantage Wagner que Verdi.
Mais ce ne serait rien sans les qualités de la direction du chef britannique, qu’on n’a jamais connu aussi inspiré, varié, respirant large et dramatique à la fois, baignant dans les sonorités d’un Philharmonique de Vienne des grands jours (ce violoncelle solo du IV, ces cuivres royaux, mordorés, ces cordes aux couleurs inépuisables, ce hautbois plus timbré que la ligne de Mme Harteros). Un écrin de rêve pour un plateau en rade de lumière et de chaleur.
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