16 déc. :
Mort Ă Venise Ă Londres |
La mort en plein soleil
Benjamin Britten (1913-1976)
Death in Venice
John Graham-Hall (Gustav von Aschenbach)
Andrew Shore (Traveller / Elderly Fop / Old Gondolier / Hotel Manager / Hotel Barber / Leader of the players / Voice of Dionysus)
Tim Mead (Voice of Apollo)
Sam Zaldivar (Tadzio)
Chorus of the English National Opera
Orchestra of the English National Opera
direction : Edward Gardner
mise en scène : Deborah Warner
décors : Tom Pye
costumes : Chloe Obolensky
Ă©clairages : Jean Kalman
chorégraphies : Kim Bandstrup
vidéos : 59 Productions / Finn Ross
préparation des chœurs : Paul Brough
captation : Ross McGibbon
Enregistrement : Coliseum, Londres, juin 2013
1 Blu-ray (ou DVD) Opus Arte OA BD7141 D
Après un très bon Peter Grimes, Opus Arte publie une production à marquer d’une pierre blanche de Mort à Venise de Britten, enregistrée en juin 2013 à l’English National Opera et dont tant la captation de Ross McGibbon, point d’équilibre idéal entre le gros plan et la vision d’ensemble, surtout dans un spectacle au décor aussi mouvant, que le transfert sur support haute-définition, un véritable plus au vu des étendues de couleurs unies du fond de scène, rehaussent l’impact dans la vidéographie brittenienne.
Deborah Warner fait le pari d’un voyage onirique, scénographie mouvante avec comme seule constante ce ponton plus ou moins visible, abolissant grâce aux vidéos et à des reflets marins sur le sol à l’avant-scène la limite entre terre et mer, et recourt constamment au contre-jour et aux ombres chinoises, dans un espace délimité par des panneaux coulissants, rideaux vaporeux et projections offrant la fluidité nécessaire aux nombreux changements de décor du livret, avec des éclairages de toute beauté, rasants, décuplant la composante solaire du Tadzio plus ange que démon de Sam Zaldivar.
Dans ce visuel de toute beauté, ambiances nocturnes aussi envoûtantes qu’inquiétantes, hôtel bourgeois aussi étouffant que rassurant, la metteuse en scène britannique traduit au mieux la confusion mentale d’Aschenbach, rongé par un amour indicible, fumant cigarette sur cigarette dans son costume écru d’écrivain respecté. La transformation physique de John Graham-Hall est d’ailleurs saisissante, entre le dandy des premières minutes et le personnage à bout, horriblement émacié de la fin de l’opéra.
Les quelques vues brouillées sur Venise et autres diffuses silhouettes de gondoliers participent en plein à ce climat jamais loin du rêve, dont chaque épisode a fait l’objet d’un travail minutieux, figurants ultra réactifs, chœurs et danseurs au cordeau, dans des scènes de foule réglées au millimètre, y compris musicalement. La dernière image, Tadzio dansant devant un énorme soleil voilé typiquement vénitien sans parvenir à l’éclipser, nous hantera sans doute pendant longtemps.
Après son Peter Grimes, John Graham-Hall est un Aschenbach parfait de distinction, suintant la culpabilité et le malaise, avec ce timbre serré typiquement britannique, cette déclamation d’une grande classe, ce vibrato accusé de chanteur déclinant. Parmi des seconds rôles tous excellents, on notera la maestria du baryton multitâches Andrew Shore, qui s’acquitte avec une grande précision psychologique des multiples personnages qu’il doit incarner. Pour ne rien dire d’un Tim Mead tout éloquence en Voix d’Apollon.
Edward Gardner propose une direction sur le fil du rasoir, timbres saturés, dynamiques exacerbées, saillies brutales, dissonances douloureuses, dans une narration orchestrale aussi pointue que les sentiments qui traversent un Aschenbach au bord de la crise de nerfs. Un éclairage fascinant à l’opposé des moiteurs estivales, de l’engourdissement diffus des sens du créateur Steuart Bedford, et un manifeste pour la modernité de cet ultime ouvrage lyrique du compositeur.
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