21 déc. :
Rafael Kubelik - ICON |
Le jeune Rafael KubelĂk
Rafael Kubelik – The Complete HMV Recordings
Mozart, Beethoven, Schubert, TchaĂŻkovski, Dvořák, Janáček, BartĂłk, Martinů, Borodine, Nielsen, Brahms, Mendelssohn, Smetana, Gluck
Philharmonie tchèque
Philharmonia Orchestra
Wiener Philharmoniker
Royal Philharmonic Orchestra
Danish Radio Symphony Orchestra
direction : Rafael Kubelik
Enregistrements : 1948-1961, 1983
13 CD Warner Classics ICON 0825646319015
Il n’y a pas que chez Universal, ces derniers mois, que les coffrets pullulent. Soucieux de rentabiliser les fonds de catalogue au moment où la dématérialisation commence à se généraliser, les majors ont trouvé comme parade de brader de larges pans du legs de leurs artistes en grosses boîtes à prix d’ami, pour le plus grand bonheur des collectionneurs.
EMI, devenu Warner Classics en 2013, a lancé il y a quatre ans une excellente collection de coffrets thématiques intitulée ICON. En cette fin 2014, la maison de disque s’attaque à l’intégralité des enregistrements symphoniques (manquent les concertos et extraits wagnériens avec Fischer-Dieskau) HMV (comprendre His Master’s Voice, ancêtre d’EMI) de Rafael Kubelik.
Il s’agit de la première tranche d’activité discographique du chef d’orchestre. Tout jeune, assistant préféré de Vaclav Talich, Kubelik a eu la surprise d’être nommé à la succession du vieux maître à la tête de la Philharmonie tchèque en 1942. Une belle histoire qui prendra fin six années plus tard, lorsque le maestro fuira son pays natal à l’arrivée des chars soviétiques.
Déjà en 1937, Talich avait cédé la place à son poulain pour une tournée européenne, dont les micros anglais ont immortalisé en studio deux extraits de Ma Patrie de Smetana. Témoignages rares et étonnants, déroutants même, que cette Moldau et ce Par les prés et bois de Bohême plutôt précaires et tout sauf sereins, comme paralysés devant les micros, accumulant les imprécisions, malgré une couleur typiquement Europe centrale.
Les sessions pragoises de 1946, consacrĂ©es Ă Janaček (Sinfonietta) et Dvořák (ouvertures de Carnaval, Dans la nature et Othello), dont les cuivres restent fragiles, les cordes pas toujours justes, sont toutefois sans commune mesure, dans les Dvořák surtout, oĂą l’on peut apprĂ©cier des timbres incroyablement sveltes et fins, (partie centrale du Carnaval, assez magique), dans une prise de son tout Ă fait convenable.
Englobant les trois années passées à Chicago, gâchées par une cabale de l’impitoyable critique locale Claudia Cassidy, les sessions d’enregistrements londoniennes (1948-1952) avec le Philharmonia fraîchement créé par Walter Legge réservent quelques moments d’exception et sont l’occasion de se souvenir que la phalange britannique était alors l’une des plus disciplinées d’Europe.
On retrouve de très belles ouvertures de Mozart (Schauspieldirektor, FlĂ»te enchantĂ©e, Così grisants de beautĂ© plastique (les bois) et d’élĂ©gance dans l’articulation (les cordes)) ainsi qu’une Septième et une Huitième de Dvořák en canevas de la cĂ©lèbre vision du chef pour DG avec Berlin une dĂ©cennie plus tard, avec dĂ©jĂ un Finale de la Huitième d’une superbe poigne. Sans oublier quelques pĂ©pites, comme le Scherzo capriccioso de Dvořák de 1949, Ă©pris de libertĂ©, de fougue, plus abouti que celui avec le RPO enregistrĂ© neuf ans plus tard et prĂ©sent sur le mĂŞme disque, ou encore un Scherzo du Songe d’une nuit d’étĂ© de Mendelssohn parmi les plus ouvragĂ©s qu’on ait entendus.
Au cours des deux années 1960 et 1961, Kubelik laissera à la postérité un nombre non négligeable d’enregistrements à la tête du Philharmonique de Vienne. On réécoutera donc avec beaucoup d’intérêt des Danses Polovtsiennes de Borodine menées tambour battant ainsi que la trilogie des dernières symphonies de Tchaïkovski, où l’orchestre autrichien, dégraissé, tendu comme un fil, se coule dans une vision abrupte, sans le moindre sentimentalisme, coupante et rigoureuse.
On peut également se baigner dans les sonorités beaucoup plus rondes des Mozart (une Petite musique de nuit au Rondo retenu mais superbement dentelé, une Linz, une Prague aux allegros déjà motoriques) et des Schubert (la clarinette dans le Scherzo de la Troisième, une magnifique Inachevée, lente, crépusculaire et inquiète, aux magnifiques teintes automnales et aux pianissimi impalpables, l’une des grandes redécouvertes du coffret).
La Neuvième, elle, date du deuxième cycle londonien (1958-1959), cette fois avec le Royal Philharmonic Orchestra de Sir Thomas Beecham, qui dĂ©testait pourtant Kubelik. L’ensemble de ces gravures RPO frappe par l’énergie dĂ©ployĂ©e par le chef tchèque, un style vertical, classique et tranchant s’affirmant plus nettement (Taras Bulba, Fresques de Martinů), avec une belle pugnacitĂ© rythmique, tout particulièrement dans un Concerto pour orchestre de BartĂłk roide et anguleux, aux ruptures nettes. La sĂ©lection de neuf Danses hongroises de Brahms qui ouvre le disque converge vers les mĂŞmes contrastes accusĂ©s, tournoiements endiablĂ©s et vigueur de chaque instant.
En 1983, juste avant une retraite de laquelle le chef tchèque devait sortir le temps d’un unique concert de 1990 à Prague pour célébrer la chute du rideau de fer, Kubelik laisse en live à la Radio danoise une célèbre Cinquième Symphonie de Nielsen, bien connue des discophiles, dont l’engagement sur le vif, le poudroiement sonore des percussions confère à l’une des plus symphonies les plus jouées du compositeur danois une atmosphère de mélodie de timbres, un climat raréfié loin des entrechoquements habituels.
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